Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires
Tom Creary

L'état de l'Amérique

Tom Creary

Expert(e) invité(e)

Autopsie de la polarisation américaine et du vote pour Trump

Tom Creary|Publié le 22 octobre 2024 | Mis à jour à 17h00

Autopsie de la polarisation américaine et du vote pour Trump

Le candidat républicain à la présidence américaine Donald Trump (Photo: Getty Images)

EXPERT INVITÉ. La semaine dernière, j’ai écrit sur deux des cinq facteurs à l’origine de la polarisation de l’électorat américain: le monde rural vis-à-vis le monde urbain, et les religieux vis-à-vis Les non religieux.

Voici l’analyse des trois autres facteurs.

Les personnes instruites vis-à-vis celles moins instruites

Près de 63% de la population adulte américaine ne possède pas un diplôme d’études collégiales ou universitaires.

De plus, les inscriptions à ces niveaux sont à la baisse depuis plusieurs années – 17% pour des inscriptions masculines entre 2010 et 2021, 13% pour les femmes.

Une grande partie de cette baisse est liée au coût.

Le coût annuel moyen pour un étudiant vivant sur le campus d’un établissement public d’enseignement supérieur en 2022 aux États-Unis s’élevait à 30 031$US (plus de 120 000$US pour quatre ans).

Cette somme est au-delà des capacités financières de la plupart des familles de la classe ouvrière.

De ce fait, de moins en moins de jeunes Américains et, en particulier, de jeunes hommes – en 2021, les étudiantes représentaient 58 % du total des inscriptions au premier cycle dans les collèges et les universités – poursuivent des études supérieures.

Moins instruits, ils ont moins le sens de l’histoire, moins de compréhension du leadership américain dans le monde, entre autres.

Ils croient en grande partie que Donald Trump, en tant que président, a suscité le respect des États-Unis dans le monde.

Les diplômés universitaires, les gens qui voyagent davantage à l’étranger et qui lisent davantage, savent mieux que les étrangers considéraient généralement les États-Unis comme une plaisanterie sous Trump.

Lors des élections de 2020, les électeurs américains blancs sans diplôme universitaire ont voté à 63% pour Trump et à 37 % pour Joe Biden.

Présentement, au Congrès, les démocrates représentent 77% des districts les plus instruits, tandis que les républicains représentent 64% des districts où l’on retrouve le moins de personnes qui ont fait des études universitaires.

Le vote républicain des moins instruits est avant tout un vote contre des gens qui, selon eux, les méprisent et vivent dans un autre monde qui n’est pas américain.

Ils se sentent délaissés et Trump alimente leur ressentiment.

Les membres du mouvement MAGA, qui figurent parmi les gens les moins instruits, continuent de voter contre leur propre intérêt en ce qui concerne des questions comme les soins de santé qui amélioreraient pourtant leur vie.

Par exemple, lorsqu’il était au pouvoir, Trump a essayé à plusieurs reprises de renverser l’Obamacare qui a donné accès à des soins de santé abordables à des dizaines de millions d’Américains ordinaires.

Ses réductions d’impôts ont apporté un grand soulagement aux riches, mais pratiquement rien aux classes moyennes et ouvrières.

C’est sans parler des tarifs douaniers de 10 à 20% sur toutes les importations que l’ex-président compte mettre en œuvre s’il est réélu, et qui feront en sorte d’augmenter les prix pour le consommateur américain.

Malgré tout ça, les partisans de Donald Trump veulent l’élire une deuxième fois.

Le monde de la vérité vis-à-vis le monde de la réalité alternative

Plus de 60% des téléspectateurs américains regardent Fox News avec ferveur.

C’est leur principale source d’information, écartant toute écoute des chaînes plus équilibrées, voire progressistes, comme CNN ou MSNBC.

Deux visions très différentes de la réalité se jouent chaque jour.

La machine médiatique conservatrice avec Fox News à sa tête et celle de Trump sont pratiquement indissociables l’une de l’autre.

Les faits réels sur les questions sont diffusés sur CNN, ABC, CBS, etc.

De l’autre côté, Trump ment et Fox News et compagnie suivent. Entre autres, l’ancien président ne cesse de répéter qu’il a connu le plus grand succès économique de tous les présidents américains récents.

Les faits sont généralement très différents.

Voici quelques exemples :

Les blancs vis-à-vis les gens de couleur

À partir de 2044, les Blancs ne seront plus le groupe majoritaire aux États-Unis. Ils le voient et cela les terrorise.

Les questions raciales sont sous-jacentes à de nombreux aspects de la vie américaine, et c’est comme ça depuis la fondation de la république.

La campagne de Trump est devenue entièrement axée sur cette question. Ses diatribes sur l’immigration portent essentiellement sur la question de la race et de la domination démographique.

Comme je l’ai dit dans mon premier article il y a deux semaines, les États-Unis n’ont jamais surmonté la question raciale.

Cela a dominé la politique électorale bien avant la guerre civile et l’émancipation des esclaves par Abraham Lincoln, le premier président républicain, en 1863.

Pendant 100 ans, soit de 1865 (la fin de la guerre civile qui a coûté la vie à près de 700 000 Américains) à 1965, les démocrates blancs du Sud n’ont pas voulu permettre aux Noirs, qui avaient légalement le droit de vote, de voter facilement et ont donc mis en place toutes sortes de règles pour les en empêcher.

Puis est venu le Voting Rights Act de 1965, adopté par le président démocrate Lyndon Johnson, pour finalement mettre un terme à cela.

Par conséquent, les Blancs du Sud ont migré massivement vers le parti républicain.

Cela a changé la politique dans les États du Sud.

Les personnes qui se définissent aujourd’hui comme démocrates sont désormais presque inexistantes dans de nombreuses régions du Sud. Et si elles le font, elles essaient de ne pas le montrer.

Cela témoigne de la fracture raciale américaine.

Dans l’élection présidentielle de 2020, 58 % des électeurs blancs penchaient pour le parti républicain, tandis que 41 % se rangeaient du côté du parti démocrate.

Une majorité d’hommes blancs, qu’ils soient chefs d’entreprise ou salariés, n’ont pas apprécié l’accession à la présidence d’un homme noir, Barack Obama, en 2008.

Je l’ai souvent entendu dans mes contacts d’affaires. Et ils apprécient encore moins maintenant qu’une femme noire se présente à la présidence. 

La composition du Congrès reflète les divisions raciales.

Lorsque vous regardez à la télévision un entretien avec un homme du côté républicain du Congrès, il s’agit invariablement d’un homme blanc d’âge moyen, aux cheveux gris ou blancs bien coiffés, vêtu d’un costume.

Lorsqu’il s’agit d’un politicien démocrate, il s’agit souvent d’une femme, et il y a de fortes chances que cette femme soit noire. En fait, les femmes noires forment l’épine dorsale du parti démocrate.

Beaucoup d’hommes blancs n’apprécient pas cela, ce qui se reflète dans leurs votes.

Trump joue sans cesse la carte raciale.

Il sait que les Américains blancs, en particulier ceux qui ont le moins d’éducation, craignent la perte de leur statut dans le pays au profit des personnes de couleur et que leur appui à Trump vient de la conviction qu’ils seront protégés sous son autorité.

Ils votent aussi pour lui pour une question de sécurité. En substance, ils veulent un homme fort pour les protéger des migrants – des personnes de couleur.

Ainsi, la clé est de surveiller les États qui présentent une combinaison des caractéristiques suivantes:

– Essentiellement ruraux;

– Présence d’un nombre élevé de chrétiens évangéliques;

– Relativement moins de diplômés d’études supérieures et universitaires en pourcentage de la population;

– Domination de Fox News sur les ondes;

– Historique de relations raciales difficiles ou de suppression du vote afro-américain.

Dans ces États, Trump gagnera certainement leurs votes au collège électoral et, si ces votes sont suffisamment nombreux, ce qui est fort possible, il accèdera à nouveau à la présidence des États-Unis.