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Comment s’explique la défaite de Kamala Harris?

AFP|Publié le 06 novembre 2024

Comment s’explique la défaite de Kamala Harris?

Quand il a fallu remplacer Joe Biden dans l’urgence, en juillet 2024, il ne restait que trois gros mois à Kamala Harris pour combler son déficit de notoriété. (Photo: Kevin Dietsch Getty Images)

Washington — Le poids écrasant des thèmes de l’immigration et de l’inflation, le vote pro-Trump des électeurs masculins, noirs ou latinos, une entrée en campagne trop tardive et pas assez distanciée de Joe Biden: voici les motifs cruciaux expliquant la défaite de Kamala Harris.

L’effet plombant de l’économie

«The economy, stupid»: c’est la fameuse citation entrée dans la postérité du stratège en chef de Bill Clinton, Jim Carville, pour expliquer la victoire du président démocrate en 1992.

Trente ans après, l’inflation post-pandémie et les prix élevés de l’essence et des produits de première nécessité ont fait très mal à la candidature de Kamala Harris et au bilan du président Joe Biden, contre lesquels Donald Trump n’a cessé de taper.

«L’inflation a joué un rôle important» parmi d’autres éléments, comme l’immigration, souligne Bernard Yaros, économiste pour Oxford Economics. Et, dit-il à l’AFP, même si «l’inflation a ralenti, cela ne semble pas avoir profité au parti au pouvoir».

L’«échec» sur l’immigration

Le président élu Donald Trump n’a eu de cesse tout au long sa campagne de dénoncer l’immigration clandestine de millions de « criminels » qu’il a promis d’expulser massivement.

Un discours qui a fait mouche auprès de sa base électorale, qu’il a même élargie: Carl Tobias, professeur de droit à l’université de Richmond, pense ainsi que « l’immigration a clairement été un facteur de la victoire de Trump, une question sur laquelle il insiste depuis sa campagne de 2016 avec ses discours sur le mur, +l’invasion+ et les +menaces+ sur l’emploi américain ».

D’autant que le candidat républicain a tapé à bras raccourcis sur « l’échec » de Kamala Harris qui était chargée en tant que vice-présidente de la politique migratoire aux États-Unis, mais qu’il a dénoncé comme une politique de « frontière ouverte » avec le Mexique.

Une nouvelle démographie électorale

D’après deux vastes sondages de sortie des urnes du centre Edison Research et de CNN, le soutien des Afro-Américains à Donald Trump est passé de 8% à 13% entre 2020 et 2024, et de 32% à 45% chez les Latinos. Signe inquiétant pour les démocrates de la démographie mouvante de sa base.

Selon Roberto Suro, professeur à l’université de Californie du Sud, «on a véritablement observé — parmi les hommes Mexicains-Américains (chrétiens) évangéliques, sans diplôme universitaire et membres de la classe ouvrière — un mouvement constant vers Trump, élection après élection», notamment car ils sont traditionnellement conservateurs sur les questions sociales.

Et, contre toute attente, Donald Trump a fait mieux qu’en 2020 avec les femmes –malgré la mobilisation sur l’avortement– et la jeunesse.

Pour Hillary Mouafong, 21 ans, une étudiante afro-américaine en informatique à l’université d’État de Géorgie qui a voté Harris, cette dernière «comptait sur le vote afro-américain lequel, au final, l’a laissée tomber».

« Beaucoup de gens ne sont pas allés voter, notamment beaucoup de jeunes », dit-elle.

Une arrivée trop tardive dans la campagne

En annonçant, en avril 2023, son intention de se représenter à la Maison-Blanche, Joe Biden avait déjà à l’époque suscité des réserves chez beaucoup de démocrates.

Mais les ténors du parti ont choisi de se taire et de s’aligner derrière la seconde candidature du président octogénaire, en niant mois après mois les signes pourtant manifestes du déclin de celui qui affirmait être le seul à pouvoir battre Donald Trump.

Quand il a fallu remplacer Joe Biden dans l’urgence, en juillet 2024, il ne restait que trois gros mois à Kamala Harris pour combler son déficit de notoriété et dissiper l’impression qu’elle n’avait pas vraiment eu le temps de préparer un programme de gouvernement.

« Ce désastre démocrate est en grande partie imputable à Joe Biden. Il n’aurait jamais dû tenter de se représenter à l’âge de 80 ans, laissant finalement Harris gérer une courte campagne de substitution qui s’est avérée inadéquate », résume Larry Sabato, politologue à l’université de Virginie.

Sa difficulté à se différencier de Biden

Les Américains ont massivement rejeté la présidence de Joe Biden, et Kamala Harris s’est différenciée bien trop tard du président, particulièrement impopulaire sur les thèmes de l’économie et de l’immigration, ou encore critiqué sur son soutien à Israël.

La vice-présidente s’est retrouvée piégée le 8 octobre, sur un plateau de la chaîne ABC, quand on lui a demandé si elle aurait agi différemment que Joe Biden durant les quatre dernières années. Après un instant d’hésitation, elle a répondu: «Rien de spécial ne me vient à l’esprit».

Cet échange s’est révélé « désastreux » pour la candidate démocrate, a souligné mercredi David Axelrod, ancien conseiller de Barack Obama, sur l’antenne de CNN.

Donald Trump ne s’y est pas trompé: à chacun de ses meetings électoraux, il a projeté sur grand écran ce moment décisif, qu’il a également exploité à outrance dans ses clips de campagne.