«Depuis Chisinau, on entend le bruit des bombes dans le pays voisin». (Photo: 123RF)
Des combats comme en Ukraine voisine, la Moldavie en a vécu, lors d’un conflit avec des séparatistes prorusses de l’est. Trente ans plus tard, ce pays s’inquiète de devenir la prochaine cible de Moscou.
À Palanca (est), à la frontière avec l’Ukraine, «tout le monde a peur», confie à l’AFP Alexio Mateev, un volontaire de 23 ans qui distribue du thé et du café aux réfugiés, dont le flot ne tarit pas depuis le début de l’agression russe.
Signe de la fébrilité, les diplomates occidentaux se succèdent dans ce petit pays pauvre de 2,6 millions d’habitants, peu habitué à de tels honneurs.
Avant le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, attendu ce week-end en Moldavie, son homologue européen Josep Borrell était mercredi et jeudi dans la capitale Chisinau.
Il a évoqué devant la presse les craintes suscitées par l’«instabilité aux frontières» de cette ancienne république soviétique.
À ses côtés, la présidente Maia Sandu, élue en 2020 sur un programme pro-occidental, veut croire que le territoire moldave ne deviendra pas la proie du président russe Vladimir Poutine.
Mais «les risques de sécurité pour la Moldavie sont sérieux», dit-elle. «Depuis Chisinau, on entend le bruit des bombes dans le pays voisin».
Conflit gelé, souvenirs vifs
Une trentaine de kilomètres au nord commence la Transdniestrie, région qui a fait sécession en 1990 après une brève guerre civile dans la foulée de l’effondrement de l’Union soviétique. Non reconnue par la communauté internationale, Moscou y dispose toujours d’une base militaire et d’un dépôt de 20 000 tonnes de munitions.
Les appels de Chisinau à un «retrait inconditionnel» sont restés sans réponse.
Si le conflit avec les séparatistes est gelé depuis 1992, l’agression russe en Ukraine a ravivé le souvenir douloureux des affrontements qui avaient fait plusieurs centaines de morts. Des « héros » commémorés mercredi par les médias et les autorités.
Et alors que le pays risque de se retrouver dans la ligne de mire de Moscou, le président français Emmanuel Macron a déclaré la semaine dernière son soutien à la «souveraineté et la sécurité» de la Moldavie et de la Géorgie, qui compte elle aussi des territoires séparatistes prorusses.
«Si l’Ukraine tombe, la Russie ne fera qu’une bouchée de la Moldavie», s’est inquiété sur son Facebook Alexandru Tanase, ancien président de la Cour constitutionnelle moldave, persuadé que « la liste d’un gouvernement fantoche existe déjà dans les bureaux du Kremlin ».
Selon l’analyste politique Valeriu Pasa, du groupe de réflexion Watchdog, «les Moldaves savent qu’ils ne disposent pas des garanties de sécurité qu’offre l’appartenance à l’OTAN», à la différence de la Roumanie, en première ligne sur le flanc oriental de l’Alliance.
Guerre hybride
«Tout dépend de la situation sur le terrain: en cas d’occupation par la Russie notamment de la région d’Odessa (ouest, à 40 km de la frontière), la Moldavie sera elle aussi exposée», dit-il à l’AFP.
Mais de toute façon, ce pays est déjà visé depuis des mois par une «agression hybride» menée par Moscou, qui a notamment décrété une hausse brutale des tarifs en représailles des visées européennes de Chisinau, rappelle M. Pasa.
Derrière l’inquiétude, perce toutefois une lueur d’espoir: si l’UE ouvre ses portes à kyiv, Chisinau pourrait en profiter.
Le Parlement européen a adopté mardi à une écrasante majorité une résolution condamnant «l’agression» russe et appelant les institutions européennes à «travailler pour l’octroi à l’Ukraine du statut de candidat».
Un vote vu comme une fenêtre d’opportunité.
«Dans ces conditions dramatiques, nos aspirations à rejoindre la famille européenne sont encore plus justifiées», a martelé Mme Sandu, tandis que son ministre des Affaires étrangères appelait « les États européens à prendre des décisions historiques».
Chisinau, qui a signé un accord d’association avec Bruxelles en 2014, a déposé jeudi une demande formelle d’adhésion, dans la foulée de la Géorgie.