Guerre en Ukraine: la situation sur le terrain au 29e jour
AFP et La Presse Canadienne|Publié le 24 mars 2022Les bombardements et combats localisés se poursuivaient dans plusieurs villes du pays. (Photo: Getty Images)
Ce texte regroupe tous les derniers développements à propos de l’invasion de la Russie en Ukraine pour la journée du 24 mars. Pour retrouver toute notre couverture sur le conflit, c’est ici. NDLR. Certains contenus sont explicites et peuvent être difficiles à lire.
12h00 | L’OTAN va protéger ses forces et équiper l’Ukraine contre les menaces chimiques et nucléaires
L’OTAN a annoncé jeudi qu’elle allait fournir à l’Ukraine des équipements de protection contre des attaques chimiques, biologiques et nucléaires et protéger ses forces déployées sur le flanc oriental contre ces menaces, après un sommet extraordinaire de ses dirigeants au cours duquel le président ukrainien a demandé « une aide militaire sans restriction » face à l’invasion russe.
Les Alliés sont « préoccupés » par la possibilité de l’utilisation de telles armes en Ukraine après l’invasion russe et « sont convenus de fournir des équipements pour aider l’Ukraine à se protéger contre les menaces chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires », a expliqué le secrétaire général de l’Alliance atlantique Jens Stoltenberg.
« Nous améliorons également l’état de préparation des forces alliées » dans ces domaines, a-t-il ajouté.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lui aussi averti, dans un message vidéo aux dirigeants du G7 qui se retrouvaient également à Bruxelles jeudi, d’un « risque bien réel » d’utilisations d’armes chimiques en Ukraine par les forces russes.
Les dirigeants de l’OTAN ont également approuvé la création de quatre nouveaux groupements tactiques en Roumanie, en Hongrie, en Bulgarie et en Slovaquie, et le renforcement des quatre déjà constitués en Pologne et dans les trois pays baltes.
Plus de 100 000 militaires américains sont actuellement présents en Europe et plus de 40 000 soldats sont sous commandement direct de l’OTAN dans la partie orientale de l’Alliance. « C’est du jamais vu », a déclaré Jens Stoltenberg, dont le mandat a été prolongé d’un an jusqu’au 30 septembre 2023 en raison de la guerre en Ukraine.
Sanctions sur l’or russe
Dans un premier message vidéo jeudi aux dirigeants de l’OTAN, le président ukrainien les avait exhortés à fournir à l’Ukraine « une aide militaire sans restriction ».
Les États unis « ont entamé des consultations (avec leurs alliés) pour fournir des missiles antinavires à l’Ukraine », a indiqué jeudi une haute responsable américaine, soulignant toutefois que ce scénario présentait des « défis techniques ».
La Suède et l’Allemagne ont annoncé pour leur part la livraison à l’Ukraine de respectivement 5 000 et 2 000 nouvelles armes antichars. Les forces ukrainiennes ont déjà reçu 1 000 armes antichars et 500 lance-missiles sol-air de type Stinger pris dans les réserves de la Bundeswehr, l’armée allemande.
Sur le front économique, les pays du G7 et de l’Union européenne vont sanctionner toute transaction impliquant les réserves d’or de la Russie, pour éviter que Moscou ne contourne ainsi les mesures d’isolement financières prises par les Occidentaux, a annoncé jeudi la Maison-Blanche.
« Nous voulons fermer toute possibilité pour la Russie d’utiliser son or pour soutenir sa devise », le rouble, a expliqué un haut responsable américain lors d’un échange avec la presse, soulignant que Moscou disposait d’un stock d’or « considérable », et que le métal précieux représentait quelque 20% des réserves totales de la Russie.
Washington a aussi annoncé jeudi de nouvelles sanctions financières contre la Russie, visant le monde politique, des oligarques et l’industrie de défense.
Accusations de « crimes de guerre »
Ces mesures, qui impliquent en particulier un gel des avoirs aux États-Unis, concernent 328 députés de la Douma et l’institution elle-même ainsi que 48 « grandes entreprises publiques » du secteur de la défense, selon un communiqué de la Maison-Blanche.
La Douma « continue de soutenir l’invasion de Poutine, d’étouffer la libre circulation de l’information et de porter atteinte aux droits fondamentaux des citoyens russes », a déclaré la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen dans un communiqué, exhortant « les proches de Poutine à cesser et à condamner cette guerre ».
Le gouvernement britannique avait lui déjà annoncé une nouvelle série de sanctions visant 59 personnalités et entreprises russes et six entités biélorusses.
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a accusé la Russie d’avoir « commis des crimes de guerre en Ukraine ».
« Nous avons vu de nombreux rapports crédibles d’attaques aveugles et d’attaques visant délibérément des civils, ainsi que d’autres atrocités », a-t-il déclaré dans un communiqué, en soulignant qu’il reviendra aux tribunaux de déterminer les responsabilités.
Sur le terrain, au moins quatre personnes sont mortes, dont deux enfants, et six autres ont été blessées dans des frappes russes sur la ville de Roubijné, près de Lougansk, dans l’Est de l’Ukraine, a indiqué jeudi le gouverneur de la région, Serguiï Gaïdaï.
Le gouverneur a ajouté que le bilan risquait de « s’avérer bien supérieur ». « L’aviation russe a commencé à larguer des bombes au phosphore sur Roubijné », a-t-il accusé.
Dans son message à l’OTAN, le président ukrainien a relayé ces accusations: « Ce matin (…) il y a eu des bombes russes au phosphore. Des adultes ont été tués et des enfants ont été tués à nouveau ».
4,3 millions d’enfants déplacés
Les Ukrainiens accusent aussi les Russes de « déporter » des habitants de la ville assiégée de Marioupol vers la Russie. « Les habitants qui ont survécu aux bombardements russes et aux tirs d’artillerie sont à présent déportés de force vers la Russie », a tweeté le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, parlant de 6 000 habitants emmenés vers des « camps de filtration russes ».
Ces accusations étaient invérifiables dans l’immédiat.
« 8 500 habitants de Marioupol ont pu être évacués sans aucune participation de la partie ukrainienne le 23 mars », a déclaré de son côté le ministère russe de la Défense cité par l’agence Interfax.
Au moins six civils ont été tués et 15 autres blessés jeudi dans un bombardement russe à Kharkiv, deuxième ville du pays (nord-est) selon le gouverneur régional Oleg Syniegoubov.
Le bombardement, effectué avec des « armes de longue portée », a touché un bureau de poste près duquel des habitants locaux recevaient de l’aide humanitaire, a-t-il précisé sur Telegram, dénonçant un nouveau « crime des occupants russes ».
Le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) Peter Maurer a déclaré jeudi, depuis Moscou, avoir discuté avec ses interlocuteurs russes de la nécessité de protéger les civils dans le conflit.
Quelque 4,3 millions d’enfants — soit plus de la moitié de la population enfantine ukrainienne — ont dû quitter leur foyer pour fuir l’insécurité et les combats déclenchés par l’invasion de l’armée russe le 24 février, a indiqué l’Unicef jeudi.
Échanges de prisonniers
Les États-Unis ont annoncé jeudi être prêts « à accueillir jusqu’à 100 000 Ukrainiens et autres personnes fuyant l’agression de la Russie » et débloquer « plus de 1 milliard de dollars en financements supplémentaires » pour l’aide humanitaire en Ukraine et pour faire face aux « impacts graves » du conflit dans le monde, tels que l’augmentation de l’insécurité alimentaire.
Selon Washington, l’offensive de l’armée russe piétine notamment dans les environs de la capitale Kiev.
« Les Ukrainiens ont réussi à repousser les Russes à 55 km à l’est et au nord-est de Kiev », déclarait mercredi un haut responsable du Pentagone ayant requis l’anonymat.
Des dizaines de personnes ont fui jeudi les combats autour de Kiev dans une zone que l’Ukraine affirme avoir reprise à la Russie, ont constaté des journalistes de l’AFP.
D’intenses échanges d’artillerie lourde pouvaient être entendus depuis la banlieue d’Irpin, au nord-ouest de la capitale, et l’on pouvait voir des colonnes de fumée s’élever dans le ciel, selon ces journalistes.
Le maire de Kiev, Vitali Klitschko, avait affirmé mercredi que « la presque totalité d’Irpin était déjà sous contrôle des soldats ukrainiens ».
Russes et Ukrainiens ont par ailleurs procédé jeudi à des échanges de prisonniers, selon la vice-première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk sur Facebook.
« En échange de dix occupants capturés, nous avons récupéré dix de nos militaires », a-t-elle écrit, affirmant qu’il s’agissait du « premier véritable échange de prisonniers de guerre » avec la Russie depuis le début de son offensive en Ukraine.
Les mouvements militaires majeurs semblaient toujours en pause au 29e jour de l’invasion russe, possiblement pour que les armées de Moscou puissent renforcer leurs effectifs et réorganiser leurs opérations.
Les bombardements et combats localisés se poursuivaient dans plusieurs villes du pays. «Les forces russes ont continué de se préparer pour un conflit prolongé et figé», estime l’Institut américain pour l’étude de la guerre (ISW).
Voici un point de la situation établi à partir d’éléments des journalistes de l’AFP sur place ainsi que des déclarations officielles ukrainiennes et russes, de sources occidentales, d’analystes et d’organisations internationales.
Kiev, Kharkiv et le Nord
De nombreux combats épars et localisés sont évoqués sans que le rapport de force ne soit, semble-t-il, modifié de façon significative.
Les forces ukrainiennes mènent «des contre-attaques efficaces et limitées pour soulager la pression sur Kiev» quoique de moindres ampleurs que ce qu’affirment des responsables ukrainiens, indiquait l’ISW dans son dernier rapport quotidien.
Le Sud
La ville de Kherson reste la seule ville majeure conquise entièrement par les forces de Moscou qui «essayent toujours d’encercler Mykolaïv en ambitionnant d’avancer sur l’Ouest vers Odessa», estimait mercredi le ministère britannique de la Défense.
Kharkiv (Nord-Est), la deuxième ville du pays, est entourée par les forces russes sur plusieurs côtés et les grands axes, mais n’est pas encerclée. Pas d’offensive majeure ces dernières 24 heures mais plusieurs foyers de combats.
L’Ouest et le Centre
Pas de bombardement majeur sur l’ouest et le centre de l’Ukraine ces derniers jours.
L’Est
Au moins quatre personnes sont mortes, dont deux enfants, et six autres ont été blessées dans des frappes russes sur la localité de Roubijné, près de Lougansk, selon le gouverneur de la région Serguiï Gaïdaï.
Le bilan risque de «s’avérer bien supérieur», a-t-il estimé, accusant les Russes d’utiliser des bombes au phosphore. D’autres responsables de cette région ont accusé les Russes d’utiliser de telles bombes ces derniers jours, accusations invérifiables dans l’immédiat.
Mer noire
La marine ukrainienne affirme avoir détruit un navire russe de transport de troupes ancré dans le port de Berdiansk, ville proche de Marioupol sur la mer d’Azov. Information elle aussi invérifiable dans l’immédiat.
Marioupol est assiégée par les Russes depuis la fin février et pilonnée sans répit. Les progrès de Moscou sont «lents et pénibles», selon l’ISW.
Bilan humain
Aucun bilan précis et récent n’est disponible. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) évoquait au moins 925 civils tués, dont 75 enfants, il y a quelques jours. Il fait peu de doutes que les bilans réels sont très supérieurs.
Sur le plan militaire, les fourchettes de chiffres sont extrêmement larges. Les sources occidentales parlent à l’unisson de plusieurs milliers de morts côté russe, Kyiv allant même jusqu’à 12 000, sans que Moscou ne propose de chiffres depuis les 498 décès admis le 2 mars.
Côté ukrainien, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a évoqué le 12 mars «environ 1 300» militaires tués. Presque deux semaines après, ce chiffre a peu de signification.
Réfugiés et déplacés
Plus de la moitié des enfants en Ukraine ont dû quitter leur foyer pour fuir l’insécurité et les combats déclenchés par l’invasion de l’armée russe le 24 février, a indiqué l’Unicef jeudi.
Environ 10 millions d’Ukrainiens ont fui leur foyer, dont 3,6 millions sont partis à l’étranger, principalement en Pologne, selon l’ONU.