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Guerre en Ukraine: la situation sur le terrain au 71e jour

AFP et La Presse Canadienne|Publié le 05 mai 2022

Guerre en Ukraine: la situation sur le terrain au 71e jour

Selon le New York Times, des renseignements fournis par les États-Unis à l'armée ukrainienne ont permis de cibler plusieurs généraux russes près du front. (Photo: Getty Images)

Ce texte regroupe tous les derniers développements à propos de l’invasion de la Russie en Ukraine pour la journée du 05 mai. Pour retrouver toute notre couverture sur le conflit, c’est ici. NDLR. Certains contenus sont explicites et peuvent être difficiles à lire.   

12h00| La situation demeurait confuse jeudi dans l’aciérie d’Azovstal, dernière poche de résistance ukrainienne à Marioupol (sud), où Kyiv affirme que les combats se poursuivent alors que Moscou assure que des couloirs humanitaires permettent d’évacuer les civils.

Au 71e jour de la guerre, les forces russes poursuivaient par ailleurs leur offensive dans l’Est, tout en frappant de nombreuses cibles dans l’Ouest, depuis Lviv jusqu’à la région montagneuse jusque-là préservée de Transcarpatie, non loin de la frontière hongroise.

L’aide militaire et en matière de renseignements des Occidentaux à l’Ukraine empêche la Russie d’achever « rapidement » son offensive chez son voisin, a indiqué le Kremlin, assurant néanmoins que tous ses objectifs seraient remplis. 

Voici un point de la situation, à partir d’informations des journalistes de l’AFP sur place, de déclarations officielles ukrainiennes et russes, de sources occidentales, d’analystes et d’organisations internationales.

 

Le Sud

Moscou a assuré que son armée respectait un cessez-le-feu unilatéral afin de permettre l’évacuation de civils du site d’Azovstal. « Les couloirs y fonctionnent aujourd’hui », a affirmé Dmitri Peskov.

Selon Moscou, le président Vladimir Poutine a ordonné de ne pas donner l’assaut et d’assiéger le site pour faire céder les dernières unités ukrainiennes qui s’y trouvent, coupées du monde.

« Les Russes ne respectent pas leur promesse de trêve et ne permettent pas l’évacuation des civils », a répondu un commandant du bataillon Azov qui défend l’aciérie. 

Un conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé que les forces russes étaient entrées mercredi dans l’usine. « Nous avons de nombreuses informations, souvent contradictoires » sur la situation, a-t-il admis.

Des explosions ont eu lieu par ailleurs à Mykolaïv. « L’ennemi a perdu le contrôle de plusieurs localités près des régions de Mykolaïv et Kherson », selon l’état-major ukrainien.

Des assauts russes infructueux ont été observés à Novosilka et Orihiv, tandis que les Ukrainiens bombardaient les lignes d’approvisionnement ennemies. Un convoi russe a été détruit mercredi, affirme de son côté l’Institut américain pour l’étude de la guerre (ISW). 

 

L’Est

Une frappe russe a fait deux morts et onze blessés, tous des civils, dans le village de Chandrygolove, a déploré un responsable de la région de Donetsk.

Mais l’ISW estime que la résistance ukrainienne bloque les offensives russes, dont plusieurs auraient été infructueuses. « Il semble de plus en plus improbable que les forces russes qui attaquent au sud d’Izioum soient capables d’encercler (les Ukrainiens) dans la zone de Rubijné », commente-t-il. 

Les Russes ont apparemment échoué à fusionner leurs offensives vers le sud-est d’Izioum et l’ouest de Lyman, Slovyansk et Kramatorsk.

 

L’Ouest

L’Ouest de l’Ukraine, longtemps épargné, est redevenu une cible des frappes russes, qui veulent perturber les approvisionnements occidentaux en soutien à Kyiv.

« Six missiles de croisière ont frappé des sous-stations électriques près des gares ferroviaires de Lviv et de la région de Transcarpatie (sud-ouest) », sur les frontières avec Roumanie, Hongrie et Slovaquie, affirme l’ISW.

L’institut cite un responsable militaire américain selon lequel entre 200 et 300 frappes russes ont été conduites en 24 heures sur des infrastructures de transport de la région.

 

Le Nord

Une personne a été tuée et un enfant blessé dans une frappe russe près de Kharkiv. Des sources russes et ukrainiennes ont confirmé qu’une contre-offensive avait repoussé les Russes à 40 kilomètres de la ville.

Aux frontières nord de l’Ukraine, le Bélarus, allié de Moscou, a annoncé des manœuvres militaires « surprise ». Des exercices saisonniers qui ne changent pas l’équilibre des forces, assure le ministère britannique de la Défense. 

Mais Moscou pourrait « gonfler la menace qu’ils représentent afin de fixer les forces ukrainiennes dans le Nord et les empêcher de s’engager dans la bataille pour le Donbass », fait-il valoir. 

 

Bilan humain

Il n’existe aucun bilan global des victimes civiles du conflit. Rien qu’à Marioupol, les autorités ukrainiennes ont parlé il y a plusieurs semaines de 20 000 morts. Et les enquêteurs ukrainiens affirment avoir identifié « plus de 8 000 cas » présumés de crimes de guerre.

Sur le plan militaire, selon un bilan du ministère ukrainien de la Défense donné samedi dernier, l’armée russe a perdu 23 000 hommes, 190 avions et 1 000 chars depuis le début de son offensive.

Le Kremlin a récemment admis des « pertes importantes ». Certaines sources occidentales font état de jusqu’à 12 000 soldats russes tués.

Le président Volodymyr Zelensky a déclaré qu’environ 2 500 à 3 000 soldats ukrainiens avaient été tués et quelque 10 000 blessés.

Aucun chiffre indépendant n’est disponible.

 

Déplacés et réfugiés

Selon le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR), plus de 5,4 millions d’Ukrainiens ont fui leur pays. Les femmes et les enfants représentent 90% de ces réfugiés, les hommes de 18 à 60 ans, susceptibles d’être mobilisés, n’ayant pas le droit de partir.

Plus de 7,7 millions de personnes ont quitté leur foyer, mais se trouvent toujours en Ukraine, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

 

7h43 | Zaporijjia — La Russie a reconnu jeudi que le soutien occidental ralentissait son offensive en Ukraine, mais a affirmé qu’il ne «l’empêcherait pas de remplir ses objectifs», alors que des informations contradictoires circulent sur l’évacuation des civils réfugiés dans la dernière poche de résistance ukrainienne à Marioupol.

«Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’OTAN dans son ensemble partagent en permanence des données du renseignement avec les forces armées ukrainiennes. Conjuguées aux approvisionnements en armes (…) ces actions ne permettent pas d’achever rapidement l’opération», a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. 

Il réagissait à des informations du New York Times selon lesquelles les renseignements fournis par les États-Unis à l’armée ukrainienne ont permis de cibler plusieurs généraux russes près du front.

Ces actions occidentales «ne sont toutefois pas en mesure d’empêcher» que les objectifs de l’offensive russe en Ukraine soient remplis, a-t-il ajouté, après 10 semaines d’une guerre qui a déjà fait des milliers de morts et provoqué l’exode de plus de 5 millions d’Ukrainiens.

Jusqu’ici, Moscou n’a pu revendiquer le contrôle total que d’une ville ukrainienne d’importance, Kherson, dans le sud. Mais la Russie espère, après deux mois de siège et de bombardements, prendre bientôt complètement le port stratégique de Marioupol, où les derniers combattants ukrainiens sont retranchés, avec des civils, dans les souterrains de l’immense aciérie Azovstal.

Dmitri Peskov a affirmé jeudi que des couloirs humanitaires «fonctionnaient» pour évacuer les civils restants dans cette usine de Marioupol — qui seraient encore 200, selon le maire de la ville Vadim Boïtchenko. Il a aussi assuré que l’armée russe respectait le cessez-le-feu autour de l’aciérie qu’elle a annoncé la veille pour trois jours consécutifs, de 1h00 à 11h00, heure du Québec, de jeudi à samedi.

Les Ukrainiens n’ont cependant confirmé aucune trêve.

«Les occupants russes sont occupés à bloquer et essayer d’anéantir les unités ukrainiennes sur le territoire d’Azovstal», a indiqué dans un communiqué jeudi matin l’armée ukrainienne, ajoutant que les troupes de Moscou avaient «repris l’offensive avec le soutien d’avions pour prendre le contrôle de l’usine».

Dans un message vidéo diffusé mercredi soir, le commandant du régiment Azov qui défend l’usine, Denys Prokopenko, affirmait que «des combats sanglants sont en cours à Azovstal», avec des soldats russes présents «dans l’enceinte de l’aciérie».

 

Appel de fonds mondial

Quelque 344 personnes ont pu être encore évacuées mercredi de Marioupol et ses environs vers Zaporijjia, ville sous contrôle ukrainien située à quelque 230 km de là, selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky. 

Une centaine de civils d’Azovstal avaient aussi pu fuir ce week-end dans le cadre d’une évacuation organisée avec l’ONU et le Comité international de la Croix-Rouge.

M. Zelensky a également appelé le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres à aider à «sauver» les blessés dans l’aciérie.

Des centaines de personnes — combattants ukrainiens et civils — se terrent depuis début mars dans des galeries souterraines datant de la Seconde Guerre mondiale courant sous le site d’Azovstal. Moscou concentre sa puissance de feu sur l’aciérie depuis que le président Vladimir Poutine a annoncé la «libération» de la ville le 21 avril.

La prise totale de Marioupol, port industriel au sud du Donbass dévasté par deux mois de siège et de bombardements russes, serait une victoire importante pour Moscou à l’approche du 9 mai, jour où la Russie célèbre avec un grand défilé militaire sur la Place Rouge sa victoire sur l’Allemagne nazie.

Les Ukrainiens ont affirmé que les Russes se préparaient à organiser un défilé militaire de victoire à Marioupol ce jour-là.

Dans ce contexte, le président ukrainien, qui ne cesse de réclamer plus de sanctions contre la Russie et plus de livraisons d’armes aux Occidentaux, a lancé jeudi une campagne mondiale de levée de fonds pour l’Ukraine, via une plateforme spécialement créée pour l’occasion, United24.

«En un clic, vous pouvez donner des fonds pour aider nos défenseurs, sauver nos civils et reconstruire l’Ukraine», a-t-il déclaré en anglais dans une vidéo sur Twitter annonçant son lancement.

 

Embargo sur l’or noir

De son côté, la Commission européenne a proposé mercredi un embargo progressif de l’Union européenne sur le pétrole importé de Russie.

Si les États membres de l’Union européenne donnent — à l’unanimité — leur feu vert, «nous renoncerons progressivement aux livraisons russes de pétrole brut dans les six mois et à celles de produits raffinés d’ici la fin de l’année», a dit la présidente de la Commission Ursula von der Leyen.

Le projet de la Commission prévoit une exemption temporaire pour la Hongrie et la Slovaquie, deux pays enclavés et totalement dépendants des livraisons par l’oléoduc «Droujba», qui pourront continuer leurs achats à la Russie en 2023. 

Budapest a toutefois refusé d’accepter ce projet en l’état, s’attirant les foudres du chef de la diplomatie ukrainienne, qui a accusé tout pays s’opposant à un tel embargo de «complicité» avec les crimes imputés aux Russes en Ukraine.

Les cours du pétrole se sont envolés sous l’effet du projet d’embargo, le prix du baril de Brent de la mer du Nord atteignant son plus haut niveau depuis deux semaines et demie.

 

Frappes mortelles

Sur le terrain des opérations militaires, les forces russes continuaient leur offensive, notamment dans l’est du pays, selon l’armée ukrainienne. 

Selon le gouverneur de la région de Donetsk, 25 civils ont été blessés dans une frappe ayant touché dans la nuit un quartier résidentiel à Kramatorsk.

L’armée russe, de son côté, a indiqué y avoir visé un poste de commandement ukrainien et deux entrepôts militaires sur l’aérodrome de la ville.

Moscou a également indiqué avoir frappé avec des missiles «de haute précision» dans le sud, notamment un aéroport militaire près de Kirovograd, ainsi qu’un dépôt de munitions et un dépôt de carburants dans la région de Mykolaïv.

«Grâce au succès d’actions des défenseurs ukrainiens, l’ennemi a perdu le contrôle de plusieurs localités près des régions de Mykolaïv et Kherson», a néanmoins indiqué l’état-major ukrainien jeudi matin.

Aux frontières nord de l’Ukraine, le Bélarus — un allié de Moscou — a entamé mercredi des manœuvres militaires «surprise» censées tester les capacités de réaction de son armée, a déclaré son ministère de la Défense.

Et Moscou a annoncé mercredi soir que son armée avait simulé des tirs de missiles à capacité nucléaires dans l’enclave russe de Kaliningrad, située entre la Pologne et la Lituanie, deux pays membres de l’UE. Plus de 100 militaires ont participé à ces exercices.

Depuis Chisinau, le président du Conseil européen Charles Michel a lui annoncé que les Européens prévoyaient d’accroître «considérablement» leur soutien à la Moldavie cette année, en livrant des équipements militaires supplémentaires à ses forces armées. 

De récentes attaques sur le territoire séparatiste moldave prorusse de Transdniestrie ont accru l’inquiétude d’une extension du conflit à cette ex-république soviétique de 2,6 millions d’habitants.

 

Nouvelles sanctions

Outre un embargo sur le pétrole russe, l’Union européenne a aussi proposé mercredi d’exclure trois banques russes supplémentaires — dont Sberbank, le plus gros établissement russe — du système financier international Swift.

La Commission européenne préconise par ailleurs de sanctionner le chef de l’Église orthodoxe russe, le patriarche Kirill, qui a multiplié les sermons soutenant l’intervention militaire en Ukraine.

Le président américain Joe Biden a déclaré de son côté qu’il discuterait cette semaine avec les autres pays du G7 de possibles sanctions «supplémentaires» contre Moscou.

Une réunion du Conseil de sécurité sur l’Ukraine était par ailleurs prévue jeudi soir à New York.