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Guerre en Ukraine: la situation sur le terrain au 93e jour

AFP et La Presse Canadienne|Publié le 27 mai 2022

Guerre en Ukraine: la situation sur le terrain au 93e jour

Les bombardements russes ont tué quatre personnes dans la ville au cours des dernières 24 heures. (Photo: La Presse Canadienne)

Ce texte regroupe tous les derniers développements à propos de l’invasion de la Russie en Ukraine pour la journée du 27 mai. Pour retrouver toute notre couverture sur le conflit, c’est ici. NDLR. Certains contenus sont explicites et peuvent être difficiles à lire.

11h04 | Paris — Les séparatistes prorusses ont affirmé vendredi avoir pris la localité de Lyman, un carrefour important du Donbass, alors qu’une frappe russe a fait «une dizaine de morts», vraisemblablement militaires, dans la grande ville du centre de l’Ukraine qu’est Dnipro. 

Voici un point de la situation au 93e jour de la guerre à partir d’informations des journalistes de l’AFP sur place, de déclarations officielles ukrainiennes et russes, de sources occidentales, d’analystes et d’organisations internationales.

 

L’est

Sur son compte Telegram, l’état-major de la défense territoriale de l’autoproclamée «république» séparatiste prorusse de Donetsk a indiqué avoir «pris le contrôle complet» de Lyman, aidée par des unités de l’autre région séparatiste de Lougansk et «l’appui» des forces armées russes.

Ni l’armée russe ni l’armée ukrainienne n’ont immédiatement commenté cette information que l’AFP n’a pu vérifier de source indépendante. D’après l’Institut pour l’étude de la guerre (ISW), un centre de recherche américain, les forces russes ont toutefois «complètement pris» Lyman jeudi. 

La prise de Lyman ouvrirait aux forces russes la route vers les centres régionaux de Sloviansk, puis Kramatorsk, tout en leur permettant de s’approcher d’un encerclement total de l’agglomération formée par les villes de Severodonetsk et Lyssytchansk, deux autres importantes villes ukrainiennes situées plus à l’est.

À Severodonetsk, «60% du parc de logements a été détruit» par le pilonnage russe, alors que «85-90% des bâtiments de la ville ont été endommagés et nécessiteront une restauration majeure», a estimé Alexander Stryouk, le chef de l’administration civile et militaire de cette ville où 12 à 13 000 habitants sont restés selon lui, sur 100 000 avant la guerre.

Mercredi, Serguiï Gaïdaï, le gouverneur du Lougansk, l’une des deux régions du Donbass, avait indiqué que 95% de la région de Lougansk, où se trouvent Severodonetsk et Lyssytchansk, était désormais sous contrôle russe.

Dans le Donbass, le bassin industriel qui regroupe les régions de Lougansk et Donetsk, «il y a des escarmouches et des combats, parfois dans de très petits hameaux et villages, parfois dans de plus grandes villes, où les Russes gagnent du terrain et le perdent le jour suivant. Chaque jour, il y a du terrain qui change de mains», a estimé jeudi John Kirby, le porte-parole du département américain de la Défense.

«Demain, ce sera peut-être différent, mais aujourd’hui, nous estimons que les Russes ont réalisé des gains progressifs ces deux derniers jours (…) dans le nord-est du Donbass», a-t-il commenté.

 

Le sud et le centre

«Une dizaine» de personnes ont été tuées et une trentaine blessées dans une frappe russe vendredi sur une installation militaire à Dnipro, grande ville industrielle du centre est de l’Ukraine, a annoncé le responsable de la défense territoriale de la ville.

«Des missiles Iskander ont frappé un champ de manœuvre de la Garde nationale. On déplore une dizaine de morts et entre 30 et 35 blessés», a déclaré Guennadi Korban à la chaîne locale Dnipro TV. «Ceci malgré le fait que les militaires et nous avions essayé de prendre des précautions, en répartissant le personnel» sur tout le périmètre de cette installation, a-t-il ajouté, laissant entendre que les victimes étaient militaires.

Sur le front méridional, Moscou s’affaire à consolider son emprise sur les territoires conquis depuis trois mois.

Son groupement militaire ayant la charge des territoires du Sud ukrainien sous contrôle russe aurait reçu ces derniers jours des tanks T-62 «vieux de cinquante ans», a raillé le ministère britannique de la Défense.

Ces T-62 seront «avec quasi-certitude particulièrement vulnérables aux armes antichars», poursuit-il, soulignant que «leur présence sur le champ de bataille souligne pour la Russie le manque d’équipements modernes et prêts au combat.»

Côté ukrainien, les autorités militaires insistent sur l’efficacité des armes fournies par l’Occident, notamment des obusiers récemment donnés par l’Italie et déjà utilisés contre les Russes.

Les États-Unis quant à eux ont prévu de fournir 209 000 obus de 155 mm à l’Ukraine, dont 160 000 sont déjà dans le pays, selon John Kirby. Sur les 108 obusiers que Washington doit céder à Kyiv, 80 sont «déjà au combat», a-t-il précisé.

 

Dizaines de milliers de morts

Il n’existe aucun bilan global des victimes civiles du conflit. Pour la seule ville de Marioupol, les autorités ukrainiennes parlent de 20 000 morts.

Sur le plan militaire, le ministère ukrainien de la Défense évalue les pertes russes à plus de 29 750 hommes, 206 avions et plus de 1 300 chars depuis le début de l’invasion le 24 février.

Des sources occidentales évoquent quelque 12 000 soldats russes tués, et une source militaire française a confirmé à l’AFP un chiffre estimé de l’ordre de 15 000.

Ces pertes sur trois mois avoisinent celles enregistrées en neuf ans par l’Armée soviétique en Afghanistan, note le ministère britannique de la Défense.

Le président Zelensky a déclaré mi-avril qu’environ 2 500 à 3 000 soldats ukrainiens avaient été tués et quelque 10 000 blessés. Aucune statistique indépendante n’est disponible.

 

Un tiers des Ukrainiens déplacés ou réfugiés

Plus de huit millions d’Ukrainiens étaient déplacés à l’intérieur de leur pays, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR). S’y ajoutent 6,6 millions qui ont fui à l’étranger, dont plus de la moitié — 3,5 millions — en Pologne.

«Les réfugiés nouvellement arrivés proviennent souvent de zones fortement touchées par les combats», a expliqué Olga Sarrado, une porte-parole du HCR. «Ils arrivent souvent dans un état de détresse et d’anxiété, ayant laissé derrière eux des membres de leur famille.»

Avant l’invasion russe, l’Ukraine comptait une population de 37 millions de personnes dans les régions sous le contrôle de son gouvernement.

 

À la page suivante, la Russie attaque les bastions ukrainiens dans l’est

Kyiv — Les forces russes ont pilonné vendredi les derniers bastions ukrainiens dans une province orientale de l’Ukraine contrôlée par les séparatistes, y compris une ville où les autorités ont annoncé que 1500 personnes ont été tuées et 60% des bâtiments résidentiels détruits depuis le début de la guerre.

Le ministre ukrainien des Affaires étrangères a averti que sans une nouvelle injection d’armes étrangères, les forces ukrainiennes ne seraient pas en mesure d’empêcher la Russie de s’emparer de Sievierodonetsk et de Lysychansk, des emplacements cruciaux à l’objectif de la Russie de capturer toute la région industrielle ukrainienne du Donbass.

Les villes sont les dernières zones sous contrôle ukrainien à Louhansk, l’une des deux provinces qui composent la région. Les forces russes ont fait des avancées lentes, mais persistantes, alors qu’elles bombardaient et cherchaient à encercler à la fois Lysychansk et Sievierodonetsk.

«Les Russes martèlent sans relâche les quartiers résidentiels, a écrit vendredi le gouverneur régional Serhiy Haidai sur Telegram. Les habitants de Sievierodonetsk ont oublié à quand remonte la dernière fois qu’il y a eu un silence dans la ville pendant au moins une demi-heure.»

Les bombardements russes ont tué quatre personnes dans la ville au cours des dernières 24 heures, a-t-il déclaré.

Le maire Oleksandr Stryuk a indiqué jeudi soir qu’au moins 1500 personnes ont été tuées à Sievierodonetsk depuis que la Russie a envahi l’Ukraine le 24 février. Environ 12 000 à 13 000 personnes restent dans la ville — contre une population d’avant-guerre d’environ 100 000 — et 60% des bâtiments ont été détruits, a-t-il dit.

M. Stryuk a déclaré qu’un groupe russe de reconnaissance et de sabotage est entré dans un hôtel de la ville et que la route principale entre Lysychansk et la ville de Bakhmut au sud-ouest reste ouverte, mais que les déplacements sont dangereux. Selon lui, seules 12 personnes ont pu être évacuées jeudi.

À Donetsk, l’autre province de la région du Donbass, des rebelles soutenus par la Russie ont affirmé vendredi avoir pris le contrôle de Lyman, une grande plaque tournante ferroviaire au nord de deux autres villes clés restées sous contrôle ukrainien. Il n’y a pas eu de confirmation immédiate des responsables ukrainiens.

 

Encore plus d’armes

Avec les espoirs de l’Ukraine d’empêcher l’avancée russe qui s’estompent, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba a supplié les nations occidentales de fournir à son pays plus d’armes afin que ses défenseurs soient équipés pour «repousser (les forces russes)».

«Nous avons besoin d’armes lourdes. La seule position où la Russie est meilleure que nous, c’est la quantité d’armes lourdes dont elle dispose. Sans artillerie, sans systèmes de lance-roquettes multiples, nous ne pourrons pas les repousser», a déclaré M. Kuleba dans une vidéo publiée sur Twitter jeudi soir.

Il a dit que la situation dans l’Est était «encore pire que ce que les gens disent. (…) Si vous vous souciez vraiment de l’Ukraine, des armes, des armes et encore des armes».

Dans son discours nocturne à la nation, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a eu des mots durs pour l’Union européenne, qui n’a pas convenu d’une sixième série de sanctions comprenant un embargo sur le pétrole russe.

«Bien sûr, je suis reconnaissant à nos amis qui promeuvent de nouvelles sanctions, a déclaré le dirigeant ukrainien. Mais où ceux qui ont bloqué le sixième paquet ont-ils obtenu autant de pouvoir? Pourquoi leur est-il encore permis d’avoir autant de pouvoir, y compris dans les procédures intraeuropéennes?»

M. Zelensky a prévenu que l’offensive de la Russie dans le Donbass pourrait laisser ses communautés en cendres et inhabitables. Il a accusé Moscou de poursuivre «une politique évidente de génocide» par des déportations massives et des meurtres de civils.

Jeudi, le bombardement russe de Kharkiv, une ville du nord-est qui a été attaquée alors que les forces ukrainiennes empêchent les troupes d’invasion d’entrer, a tué neuf personnes, dont un père et son bébé de 5 mois, a déclaré le président.

Les journalistes de l’Associated Press ont vu les corps d’au moins deux hommes morts et quatre blessés dans une station de métro centrale, où les victimes ont été emmenées alors que les bombardements se poursuivaient à l’extérieur.

M. Zelensky a également parlé sans ambages des enjeux de la bataille pour l’est de l’Ukraine.

«La pression sur la Russie est littéralement une question de sauver des vies, a-t-il déclaré. Et chaque jour de retard, de faiblesse, de différends divers ou de propositions pour (apaiser) l’agresseur aux dépens de la victime, de nouveaux Ukrainiens sont tués. Et de nouvelles menaces pour tout le monde sur notre continent.»

Moscou a pressé jeudi l’Occident de lever les sanctions déjà imposées au cours de la guerre, cherchant à rejeter la responsabilité d’une crise alimentaire mondiale croissante qui a été aggravée par l’incapacité de Kyiv à expédier des millions de tonnes de céréales et d’autres produits agricoles alors qu’elle était attaquée.

Le Royaume-Uni a immédiatement accusé la Russie de «tenter de rançonner le monde», insistant sur le fait qu’il n’y aurait pas d’allégement des sanctions, et un haut diplomate américain a dénoncé la «pure barbarie, la cruauté sadique et l’anarchie» de l’invasion.