Guerre en Ukraine: la situation sur le terrain au 98e jour
AFP et La Presse Canadienne|Publié le 01 juin 2022Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a estimé mardi soir que les frappes «aveugles de l'armée russe» sur cette ville, notamment sur une grande usine chimique, étaient «tout simplement folles». (Photo: Getty Images)
Ce texte regroupe tous les derniers développements à propos de l’invasion de la Russie en Ukraine pour la journée du 1er juin. Pour retrouver toute notre couverture sur le conflit, c’est ici. NDLR. Certains contenus sont explicites et peuvent être difficiles à lire.
13h00 | Voici un point de la situation au 98e jour de la guerre à partir d’informations de journalistes de l’AFP sur place, de déclarations officielles ukrainiennes et russes, de sources occidentales, d’analystes et d’organisations internationales.
L’Est
Les forces russes «contrôlent désormais 70% de Severodonetsk», a déclaré mercredi Serguiï Gaïdaï, gouverneur de cette région du bassin du Donbass.
«Si dans deux-trois jours, les Russes prennent le contrôle de Severodonetsk, ils vont y installer de l’artillerie et des mortiers et vont bombarder de façon plus intense Lyssytchansk», la ville voisine située de l’autre côté de la rivière Donets, selon lui plus difficile à prendre, car «située sur des hauteurs».
La cité est devenue capitale administrative de la région de Lougansk pour les autorités ukrainiennes, depuis la prise de la ville de Lougansk en 2014 par les séparatistes prorusses appuyés par Moscou.
Plus tôt dans la journée, le gouverneur avait appelé les habitants de cette ville «détruite à 90%» à rester dans les abris et à «préparer des masques pour le visage trempés dans une solution de soude» après qu’un réservoir d’acide nitrique d’une usine chimique a été touché par une frappe russe.
Les combats empêchent le départ des civils, ce qui a fait dire au gouverneur qu’il n’y a «désormais aucune possibilité de quitter» la ville, après la mort lundi dans cette zone du journaliste français Frédéric Leclerc-Imhoff, qui accompagnait un véhicule humanitaire évacuant des habitants.
Les opérations terrestres sont concentrées sur un petit secteur de la région de Lougansk, relève le ministère britannique de la Défense, évoquant des combats intensifiés dans les rues de la cité. «Plus de la moitié de la ville est probablement occupée par les forces russes, y compris des combattants tchétchènes».
Des armes en plus
Selon un haut responsable de la Maison-Blanche, l’aide américaine annoncée par Joe Biden concerne des Himars (High Mobility Artillery Rocket System), lance-roquettes multiples montés sur des blindés légers, d’une portée de 80 kilomètres environ.
Ces équipements font partie d’un nouveau volet plus large d’assistance militaire américaine à l’Ukraine, de 700 millions de dollars au total.
Le président américain assure qu’il «n’encourage pas» et «ne donne pas à l’Ukraine les moyens de frapper» en territoire russe. Kyiv a d’ailleurs donné des «assurances» sur ce point, selon le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, qui craint que le conflit dure encore «de nombreux mois».
Mais le Kremlin a estimé que cette décision «(renforçait) le risque» d’une confrontation militaire entre les États-Unis et la Russie, accusant Washington de «jeter de l’huile sur le feu».
«La ligne des États unis est de combattre la Russie jusqu’au dernier Ukrainien. De telles livraisons n’encouragent pas les dirigeants ukrainiens à vouloir relancer les négociations de paix», a déclaré le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.
L’Allemagne, critiquée par Kyiv pour ses envois limités d’armes, va elle aussi livrer un système perfectionné de défense aérienne susceptible de «protéger une grande ville des raids» russes, a annoncé mercredi son chancelier Olaf Scholz.
Céréales, gaz, sanctions
La diplomatie russe a estimé que seuls Kyiv et les Occidentaux pouvaient agir pour permettre les exportations des céréales ukrainiennes et russes, dont le blocage fait craindre une crise alimentaire mondiale.
«Les pays occidentaux, qui ont créé une tonne de problèmes artificiels en fermant leurs ports aux navires russes, en supprimant des chaînes logistiques et financières, doivent réfléchir sérieusement à ce qui compte le plus», a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.
Par ailleurs, Moscou prend des mesures pour «minimiser» l’impact de l’embargo sur le pétrole russe décidé par l’Union européenne. «Il y a une réorientation (de l’économie russe) qui va nous permettre de minimiser les conséquences négatives», a déclaré le porte-parole du Kremlin.
Les exportations de gaz russe ont chuté de 27,6% entre janvier et mai 2022 par rapport à cette même période de 2021, selon le géant russe Gazprom.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a plaidé mercredi à Stockholm pour «des actions décisives» garantissant «un flux régulier des denrées alimentaires et de l’énergie».
Dizaines de milliers de morts
Il n’existe aucun bilan global des victimes civiles du conflit. Pour la seule ville de Marioupol (sud-est), les autorités ukrainiennes parlaient de 20 000 morts il y a plusieurs semaines.
Sur le plan militaire, des sources occidentales évoquent quelque 12 000 soldats russes tués. Une source militaire française a confirmé à l’AFP un chiffre proche des 15 000. Ces pertes sur trois mois avoisinent celles enregistrées en neuf ans par l’armée soviétique en Afghanistan, note le ministère britannique de la Défense.
Aucun chiffre indépendant ni crédible n’est disponible concernant les forces ukrainiennes.
Déplacés et réfugiés
Plus de huit millions d’Ukrainiens sont déplacés à l’intérieur de leur pays, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR). S’y ajoutent 6,8 millions qui ont fui à l’étranger, dont plus de la moitié — 3,6 millions — en Pologne.
Avant l’invasion russe, l’Ukraine comptait une population de 37 millions de personnes dans les régions sous le contrôle de son gouvernement.
11h42 | Soledar — Les forces ukrainiennes semblaient mercredi près de perdre Severodonetsk, ville stratégique du Donbass, témoin de l’avancée de l’armée russe dans l’est du pays, où les Ukrainiens attendent l’arrivée de systèmes de missiles «plus avancés» annoncés par Washington dans l’espoir de renverser la tendance.
Après 98 jours de guerre, les forces russes «contrôlent désormais 70% de Severodonetsk», a déclaré mercredi Serguiï Gaïdaï, gouverneur de cette région du bassin du Donbass, sur sa chaîne Telegram.
S’il a ajouté qu’ils «n’occupent pas entièrement» cette ville industrielle, il semblait s’y préparer: «Si dans deux-trois jours, les Russes prennent le contrôle de Severodonetsk, ils vont y installer de l’artillerie et des mortiers et vont bombarder de façon plus intense Lyssytchansk», la ville voisine située de l’autre côté de la rivière Donets, selon lui plus difficile à prendre, car «située sur des hauteurs».
Severodonetsk est devenue la capitale administrative de la région de Lougansk pour les autorités ukrainiennes, depuis la prise de la ville même de Lougansk en 2014 par les séparatistes prorusses appuyés par Moscou.
La situation à Severodonetsk est «très compliquée», avec des «combats dans les rues», a reconnu le porte-parole du ministère ukrainien de la Défense, Oleksander Motouzianyk.
Selon lui, les forces russes essaient de «prendre le contrôle total de Severodonetsk et d’encercler Lyssytchansk», et d’atteindre la frontière administrative séparant Lougansk et Donetsk, les deux régions qui composent le Donbass.
Annexions en juillet?
La région de Donetsk est également sous le feu russe.
Des journalistes de l’AFP ont vu des immeubles détruits par des missiles mardi à Sloviansk — à quelque 80 km à l’ouest de Severodonetsk — où trois personnes sont mortes et six autres ont été blessées. Et mercredi, une frappe de missile à sous-munitions a fait au moins un mort et deux blessés à Soledar, située entre Sloviansk et Severodonetsk, a constaté l’AFP.
Dans la banlieue de la ville de Donetsk, un bastion rebelle, les séparatistes prorusses ont de leur côté affirmé mercredi avoir engrangé une petite victoire tactique en coupant l’une des deux routes permettant d’approvisionner la ville proche d’Avdiïvka, contrôlée par les forces ukrainiennes.
Lorsque le conflit en Ukraine a débuté en 2014, Avdiïvka a été conquise par les séparatistes puis reprise par les forces de Kyiv. Elle est restée un théâtre d’affrontements sporadiques jusqu’au déclenchement de l’offensive russe le 24 février dernier.
Moscou s’est fixé pour objectif de prendre le contrôle de la totalité du Donbass.
Dans le sud de l’Ukraine, dans la région de Kherson majoritairement occupée par les Russes, Kyiv affirme en revanche avoir lancé une contre-offensive et remporté des «succès partiels».
Les Ukrainiens s’inquiètent d’une possible annexion de cette région, comme d’autres, conquises militairement par les forces russes.
Un des négociateurs russes sur le conflit en Ukraine, Léonid Sloutski, a indiqué mercredi à l’agence Ria Novosti que tous ces territoires «libérés» pourraient organiser des référendums dès juillet en vue d’une annexion par la Russie.
«De l’huile sur le feu»
Dans ce contexte, les forces ukrainiennes attendent avec impatience les livraisons des systèmes de lance-missiles plus puissants promis par les États-Unis.
Le président américain Joe Biden a annoncé mardi dans le New York Times que son pays allait «fournir aux Ukrainiens des systèmes de missiles plus avancés et des munitions qui leur permettront de toucher plus précisément des objectifs clés sur le champ de bataille en Ukraine».
Selon un haut responsable de la Maison-Blanche, il s’agit de systèmes Himars (High Mobility Artillery Rocket System), des lance-roquettes multiples montés sur des blindés légers, d’une portée de 80 kilomètres environ. Aucune date de livraison n’a toutefois été précisée.
Ces équipements font partie d’un nouveau volet plus large d’assistance militaire américaine à l’Ukraine, de 700 millions de dollars au total, dont le détail doit être donné mercredi.
Certains spécialistes estiment que les Himars pourraient changer le rapport de force militaire sur le terrain.
Soucieux d’éviter que les États-Unis soient considérés comme cobelligérants, le président américain Joe Biden a néanmoins insisté sur le fait qu’il «n’encourage pas» et «ne donne pas à l’Ukraine les moyens de frapper» sur le territoire russe.
Mercredi, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a assuré que l’Ukraine avait donné aux États-Unis des «assurances» pour garantir qu’elle n’utilisera pas ces nouveaux systèmes de missiles pour frapper des cibles en Russie.
Le Kremlin a néanmoins accusé Washington de «jeter de l’huile sur le feu» et de décourager les Ukrainiens de s’impliquer dans des pourparlers de paix, au point mort depuis plusieurs semaines.
Débloquer les ports ukrainiens
Les Occidentaux essaient aussi de débloquer les ports ukrainiens de la mer Noire, notamment le grand port d’Odessa (sud), principale porte de sortie de la production agricole du pays, pour relancer les exportations de céréales dont l’Ukraine est l’une des grandes productrices mondiales.
Au moins 20 millions de tonnes de céréales ukrainiennes ne peuvent actuellement être exportées à cause d’un blocus russe, faisant planer le risque d’une crise alimentaire mondiale.
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov devrait discuter de l’instauration de «couloirs sécurisés» pour le transport de céréales lors d’une visite en Turquie le 8 juin, selon Ankara.
Les Européens voudraient placer l’ouverture de ces corridors sous l’égide des Nations unies, afin d’offrir des «garanties légitimes de sécurité» à l’Ukraine qui devrait procéder au déminage d’Odessa, le premier port ukrainien.
Ces discussions sur de possibles corridors ont contribué à faire refluer ces derniers jours les cours du blé et du maïs, qui s’étaient envolés depuis le début du conflit.
M. Lavrov a néanmoins rejeté mardi toute responsabilité du blocage des ports sur les Occidentaux, dû selon lui aux sanctions contre Moscou, que les dirigeants de l’Union européenne ont décidé lundi de durcir en ajoutant un embargo sur le pétrole russe.
Moscou prend des mesures pour «minimiser» l’impact de cet embargo qui sera progressif, a assuré mercredi le Kremlin, confronté aussi à une chute de ses exportations de gaz.
Le foot pour espoir
Après avoir poussé la Finlande et la Suède à demander leur adhésion à l’OTAN, l’invasion russe de l’Ukraine continue à avoir d’autres effets géostratégiques: les Danois votent mercredi par référendum sur une entrée de leur pays dans la politique de défense de l’Union européenne, après s’y être refusés pendant trois décennies.
Le dernier sondage paru dimanche donne plus de 65% d’intentions de vote au «oui». Mais l’incertitude demeure en raison de la forte abstention attendue, dans un pays habitué à dire «nej» (non) aux référendums sur l’Europe, le dernier en 2015.
Les résultats sont attendus mercredi vers 23h00 locales (17h00, heure du Québec).
En Ukraine, c’est aussi le match de qualification pour le Mondial-2022 de l’équipe de football face à l’Écosse qui est attendu, qui devrait permettre aux habitants d’oublier brièvement le quotidien de la guerre.
«J’espère une victoire», confie à l’AFP Andriï Veres, un militaire de 44 ans. «En ce moment, c’est très important pour le pays, pour tout le monde, pour ceux qui sont fans de foot, mais même pour ceux qui ne le sont pas».