L'attaque contre Nasrallah «était très sophistiquée. Cela démontre non seulement des capacités technologiques énormes, mais aussi à quel point Israël a infiltré le Hezbollah », décrypte James Dorsey, chercheur à l'Institut du Moyen-Orient de l'Université nationale de Singapour. (Photo: Murtaja Lateef / AFP)
Beyrouth — Israël a tué le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans une frappe près de Beyrouth.
La mort vendredi de celui qui était considéré comme l’homme le plus puissant du Liban constitue une victoire majeure d’Israël face à l’Iran et ses alliés, mais plonge la région dans l’inconnu.
« Sayyed Hassan Nasrallah a rejoint ses compagnons martyrs », a annoncé samedi le Hezbollah, plus proche allié de l’Iran, près de 20 heures après la frappe.
Il a été tué avec d’autres membres du mouvement « dans un raid sioniste perfide » sur la banlieue sud de Beyrouth, fief du mouvement chiite, a ajouté le Hezbollah, sans préciser leurs identités.
« Hassan Nasrallah est mort », a déclaré plus tôt un porte-parole de l’armée israélienne après le raid dévastateur ayant visé selon l’armée le QG du Hezbollah.
« Nous avons réglé nos comptes avec le responsable du meurtre d’innombrables Israéliens et de nombreux citoyens d’autres pays », a dit le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou, affirmant qu’Israël avait atteint « ce qui semble être un tournant historique » dans la lutte contre ses « ennemis ».
Le Liban, la Syrie et l’Iran ont décrété un deuil national. Et l’Iran a demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU pour « prendre des mesures immédiates et décisives pour stopper l’agression israélienne et empêcher d’entrainer la région dans une guerre totale ».
Selon un communiqué militaire israélien, Ali Karaké, présenté comme le commandant du front sud du Hezbollah, ainsi que d’autres cadres, ont été tués au côté de Nasrallah dans l’opération baptisée « Ordre nouveau ».
Une source proche du Hezbollah a confirmé la mort de Karaké.
Hachem Safieddine, figure éminente du Hezbollah, apparaît comme un successeur potentiel de son cousin Nasrallah.
«L’un des plus grands ennemis»
Selon l’agence iranienne Irna, Abbas Nilforoushan, adjoint du chef des Gardiens des la Révolution, armée idéologique d’Iran, a été tué dans la frappe de vendredi.
« Nasrallah était l’un des plus grands ennemis de tous les temps de l’État d’Israël », a déclaré le porte-parole de l’armée, Daniel Hagari.
À la tête du Hezbollah depuis 1992, Hassan Nasrallah, 64 ans, était un homme de religion qui faisait l’objet d’un véritable culte de la personnalité parmi la communauté chiite au Liban. Depuis des années, il vivait dans la clandestinité et apparaissait rarement en public.
Juste après la confirmation de sa mort, des cris ont retenti dans les quartiers de Beyrouth accueillant des déplacés des zones chiites. « Ne les croyez pas, ils mentent, le Sayed va bien! », crie une femme voilée de noir à moto avec son mari.
Selon l’armée, la « plupart » des hauts dirigeants du Hezbollah ont été tués lors des opérations israéliennes des derniers mois.
« Israël a infiltré le Hezbollah »
L’attaque contre Nasrallah « était très sophistiquée. Cela démontre non seulement des capacités technologiques énormes, mais aussi à quel point Israël a infiltré le Hezbollah », décrypte James Dorsey, chercheur à l’Institut du Moyen-Orient de l’Université nationale de Singapour.
Les frappes sur la banlieue sud ont détruit plusieurs immeubles, selon un photographe de l’AFP, et poussé à la fuite des milliers d’habitants. Selon un bilan provisoire des autorités libanaises, au moins six personnes ont péri.
Au total, 33 personnes ont été tuées et 195 autres blessées par des frappes israéliennes samedi au Liban, a annoncé dans la soirée le ministère de la Santé.
L’Irak, la Syrie, ainsi que les rebelles houthis du Yémen ont condamné l’assassinat de Hassan Nasrallah, de même que le mouvement islamiste palestinien Hamas, en guerre contre Israël à Gaza.
Samedi après-midi, des sirènes d’alerte ont retenti dans le centre d’Israël après un tir de missile du Yémen, selon l’armée, les Houthis revendiquant plus tard un tir de missile vers l’aéroport de Ben Gourion.
Tirs de roquettes par le Hezbollah
Financé et armé par l’Iran, le Hezbollah a été créé en 1982 à l’initiative des Gardiens de la Révolution.
« La ligne » de Nasrallah « se poursuivra et son objectif sacré sera réalisé avec la libération d’al Qods (Jérusalem) », a promis Téhéran.
Son prédécesseur, Abbas Moussaoui, a été tué en février 1992 par un raid israélien sur son convoi au Liban.
Malgré les coups portés par Israël qui bombarde sans cesse les bastions du Hezbollah, le mouvement a annoncé samedi avoir tiré des roquettes contre le nord d’Israël, la plupart interceptées.
Lundi dernier, l’armée israélienne a lancé une campagne de bombardements violents et meurtriers contre le Hezbollah au Liban, après un an d’échanges de tirs transfrontaliers avec la formation libanaise.
Le Hezbollah a ouvert un front contre Israël au début de la guerre à Gaza, déclenchée par une attaque le 7 octobre 2023 contre Israël menée par le Hamas, son allié.
Israël affirme agir pour faire cesser les tirs du Hezbollah vers le nord de son territoire, frontalier du sud du Liban, et permettre ainsi le retour de dizaines de milliers d’habitants contraints à la fuite.
Nouvelles frappes
Samedi, l’armée israélienne a indiqué avoir mené des frappes sur « 140 cibles du Hezbollah » depuis vendredi soir. Une nouvelle frappe israélienne a visé la banlieue sud de Beyrouth, touchant un immeuble, selon une source de sécurité.
L’armée israélienne a annoncé samedi en fin d’après-midi une nouvelle frappe « précise » sur la même zone, une source de sécurité au Liban faisant état d’une frappe sur un entrepôt près de l’aéroport de Beyrouth, jouxtant le fief du Hezbollah.
L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a pour sa part fait état de frappes d’origine inconnue contre des positions de combattants pro-iraniens dans l’est de la Syrie qui ont fait selon lui au moins 12 morts et un grand nombre de blessés.
Face à « la dégradation de la situation sécuritaire », la Commission européenne et l’Agence européenne de sécurité aérienne ont recommandé aux compagnies aériennes d’éviter les espaces aériens du Liban et d’Israël, jusqu’au 31 octobre.
Washington a ordonné le départ des familles des employés de son ambassade au Liban et « exhorté » aussi « les citoyens américains à quitter le Liban », tandis que Berlin a annoncé l’évacuation des familles de ses diplomates en Israël, au Liban et en Cisjordanie occupée.
Une «mesure de justice», selon Biden et Harris
L’assassinat du chef du Hezbollah est « une mesure de justice », ont jugé samedi le président américain Joe Biden et sa vice-présidente Kamala Harris.
La réaction des États-Unis, premier soutien militaire et diplomatique d’Israël, contraste avec celle de l’ONU et des pays européens, qui se sont d’abord inquiétés de risques d’escalade dans la région.
Washington a toutefois également souligné le besoin de trouver une solution diplomatique à la crise au Moyen-Orient, et mis en garde contre un embrasement dans la région.
Hassan Nasrallah était un « terroriste avec du sang américain sur les mains », a déclaré Kamala Harris, candidate démocrate à l’élection présidentielle américaine de novembre.
« Je soutiendrai toujours le droit d’Israël à se défendre contre l’Iran et les groupes terroristes soutenus par l’Iran comme le Hezbollah, le Hamas et les houthis », a-t-elle martelé.
Mais « la diplomatie reste la meilleure voie à suivre pour protéger les civils et parvenir à une stabilité durable dans la région », a-t-elle ajouté.
Kamala Harris devait participer samedi avec le président à une réunion sur la situation au Moyen-Orient, visant également à « évaluer l’état de la présence militaire dans la région », selon la Maison Blanche.
« Notre objectif est de désamorcer les conflits en cours à Gaza et au Liban par des moyens diplomatiques », a de son côté souligné Joe Biden dans un communiqué séparé, en appelant à la conclusion d’un accord permettant aux habitants « de rentrer chez eux en Israël et dans le sud du Liban ».
Il a rappelé avoir demandé la veille au Pentagone de « renforcer le dispositif de défense des forces militaires américaines au Moyen-Orient » afin de « réduire le risque d’une guerre régionale de grande ampleur ».