Le ministère russe de la Défense a annoncé avoir achevé à 05h00, heure de Moscou,«le redéploiement» de ses unités de la rive droite du fleuve Dniepr, où se trouve Kherson, vers celle de gauche, assurant n'avoir subi aucune perte, ni abandonné de matériel militaire. (Photo: Getty Images)
Kyiv — La diplomatie ukrainienne a salué vendredi «une victoire importante» après l’annonce du retrait russe du nord de la région ukrainienne de Kherson (sud), nouveau revers cinglant après près de neuf mois de campagne militaire en Ukraine.
Ce repli est le troisième d’ampleur depuis le début de l’invasion le 24 février, la Russie ayant renoncé au printemps à prendre Kyiv, avant d’être défaite dans le nord-est en septembre, abandonnant la quasi-totalité de la région de Kharkiv.
«L’Ukraine est en train de remporter une autre victoire importante en ce moment et prouve que quoi que dise ou fasse la Russie, l’Ukraine gagnera», a affirmé sur Twitter le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba.
Il a diffusé sur son compte une vidéo montrant, selon lui, des résidents de la localité de Bilozerka, à quelques kilomètres de la ville de Kherson, en train d’arracher une gigantesque affiche proclamant «la Russie est là pour toujours».
Le Parlement ukrainien, la Verkhovna Rada, a publié lui des photos de civils brandissant des drapeaux ukrainiens à Kherson.
L’armée ukrainienne est entrée vendredi dans Kherson, ville clé dans le sud du pays, après le retrait des forces russes, a indiqué le ministère ukrainien de la Défense.
«Kherson retourne sous le contrôle de l’Ukraine, des unités des forces armées ukrainiennes entrent dans la ville», a indiqué le ministère sur Facebook, en appelant les militaires russes restant sur place à «se rendre immédiatement».
En début d’après-midi vendredi, à Moscou, le ministère russe de la Défense avait annoncé avoir achevé à 05h00, heure locale (21h00, heure du Québec, jeudi), «le redéploiement» de ses unités de la rive droite du fleuve Dniepr, où se trouve Kherson, vers celle de gauche, assurant n’avoir subi aucune perte, ni abandonné de matériel militaire.
Ce repli a tout du camouflet, Vladimir Poutine ayant revendiqué fin septembre, lors d’une cérémonie en grande pompe au Kremlin, l’annexion de quatre régions ukrainiennes, dont celle de Kherson.
Le président russe avait prévenu qu’il défendrait «par tous les moyens» ce qu’il considère comme des territoires russes, brandissant à demi-mot la menace d’un recours à l’arme nucléaire.
Mais confrontée à une contre-offensive ukrainienne lancée à la fin de l’été, l’armée russe avait annoncé mercredi qu’elle allait abandonner la partie nord de la région de Kherson, pour consolider ses positions de l’autre côté du Dniepr, une barrière naturelle.
En dépit de cette retraite, la zone reste «un sujet de la Fédération de Russie», a néanmoins estimé vendredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Aucun «regret» russe
«Il ne peut y avoir aucun changement», a-t-il ajouté dans le premier commentaire de la présidence russe sur ce repli.
M. Peskov a ajouté que le Kremlin «ne regrette pas» sa cérémonie d’annexion de septembre.
La décision de se retirer d’une partie du Sud ukrainien est d’autant plus remarquable que Vladimir Poutine avait ordonné le 21 septembre la mobilisation de quelque 300 000 réservistes pour consolider justement les lignes russes en difficulté.
L’agence de presse d’État Ria Novosti a diffusé des images filmées de nuit de véhicules militaires russes quittant Kherson, indiquant qu’ils empruntaient le pont Antonovski enjambant le fleuve Dniepr.
Plusieurs correspondants russes ont indiqué ensuite, images à l’appui, que le viaduc avait été détruit.
L’Ukraine a pilonné des semaines durant ce pont, le seul de la cité de Kherson, sans pour autant le détruire, pour le rendre difficile à emprunter, coupant ainsi les lignes d’approvisionnements russes et forçant Moscou à décider du repli.
L’état-major ukrainien, qui avait revendiqué jeudi une douzaine de localités reprises, s’est borné à dire vendredi matin que son offensive dans la journée «continuait» et que ses résultats seront communiqués «ultérieurement».
L’Ukraine s’était montrée ces deux derniers jours très prudente quant au repli russe, craignant une feinte, où que l’armée russe ne mine toute la zone pour rendre le plus difficile possible le retour des forces ukrainiennes.
Réponse cynique
La Russie a en outre continué de mener des frappes à travers l’Ukraine, dont une partie de l’infrastructure énergétique a été détruite ces dernières semaines, entraînant des coupures d’électricité dans une large partie du pays, notamment à Kyiv, la capitale.
Une frappe a encore visé, dans la nuit de jeudi à vendredi, Mykolaïv, cité du Sud ukrainien à une centaine de kilomètres de Kherson.
Un immeuble d’habitation de cinq étages y a été entièrement détruit, faisant au moins sept morts, selon le chef de l’administration régionale, Vitaliï Kim, qui a dénoncé sur Telegram «une réponse cynique de l’État terroriste à nos succès sur le front».
Une journaliste de l’AFP sur place a pu voir un immeuble éventré et les secours avancer dans les décombres. Une pelleteuse déblayait les nombreux débris.
Sur le front de l’est, les combats continuent aussi de faire rage, en particulier à Bakhmout, une ville que Moscou tente de conquérir depuis l’été et principal champ de bataille où l’armée russe, appuyée par les hommes du groupe paramilitaire Wagner, reste à l’offensive.