Les investisseurs se sont mis à solder certains actifs britanniques: la livre sterling a plongé à son plus bas historique et le cours des titres de dette à long terme a fondu. (Photo: 123RF)
Londres — La Banque d’Angleterre est à nouveau intervenue mardi face aux «dysfonctionnements» de marchés et risques «d’instabilité financière» sans toutefois rassurer les investisseurs, le gouverneur de la BoE ayant averti que cette intervention était «temporaire» et que les fonds de pension avaient «trois jours» pour rééquilibrer leurs actifs.
Pour sa part, le FMI a appelé Londres à ne pas contrarier les efforts de la politique monétaire.
La banque centrale avait déjà lancé le 28 septembre un programme de rachat de bons du Trésor à long terme pouvant aller jusqu’à 65 milliards de livres.
Elle a porté lundi la taille maximale de ses opérations quotidiennes à 10 milliards de livres. Mardi, elle a élargi son action aux «bons indexés» sur l’inflation, qui représentent environ un tiers des bons du Trésor britannique.
L’opération n’a pas encore calmé le marché de la dette britannique et les taux d’emprunt de l’État à 30 ans ont fini en hausse à 4,80%.
La Banque d’Angleterre a décrit «un risque important pour la stabilité financière du Royaume-Uni».
Présent à Washington, le gouverneur de la BoE, Andrew Bailey s’est adressé aux fonds de pension mis en difficulté par l’épisode de volatilité sur le marché obligataire: «Nous pensons qu’un rééquilibrage doit être fait et mon message aux fonds impliqués et à toutes les compagnies gérant ces fonds est celui-ci: il vous reste trois jours».
Dans un communiqué mardi, l’association britannique des fonds de pension (PLSA) a pressé la BoE de leur donner plus de temps.
Immédiatement après l’intervention de M. Bailey, la livre sterling a nettement reculé, perdant 0,90% à 1,095 5 dollar pour une livre.
«On est restés éveillés des nuits entières pour essayer de résoudre ce problème», a-t-il indiqué, reconnaissant que les autorités monétaires faisaient face au défi de deux démarches contradictoires.
«On était sur la voie du resserrement monétaire, de vendre des bons et de relever les taux», comme la plupart des banques centrales pour lutter contre l’inflation, a expliqué M. Bailey. «Et dans le même temps, on a eu à décider d’acheter des obligations pour garantir la stabilité financière», a-t-il ajouté.
Le Fonds monétaire international (FMI), lors d’une conférence de presse mardi pour la publication de ses dernières prévisions économiques, a rappelé quant à lui que la stabilité financière fait partie du «mandat des banques centrales».
«D’une part, elles continuent le resserrement monétaire face aux pressions inflationnistes et en même temps font face à des poches de dysfonctionnement des marchés, dans le cas du Royaume-Uni», a commenté le conseiller économique du FMI Pierre-Olivier Gourinchas.
Deux personnes au volant
La flambée des taux d’emprunt de l’État — qui représentent le coût auquel le Royaume-Uni se finance — s’accompagne d’un plongeon du cours de ces titres, signe d’une défiance des investisseurs qui s’en délestent.
Or, ces actifs sont très prisés des fonds de pension britanniques.
Vu la chute de la valeur de ces actifs ces derniers jours, ils doivent réinjecter des liquidités — le phénomène des appels de marge. Ce qui les force à vendre rapidement des titres. D’où un risque de spirale baissière incontrôlée et de marché où les actifs ne trouvent plus preneur.
La BoE est notamment intervenue pour rompre ce cercle vicieux et éviter une fragilisation des fonds de pension et une propagation à d’autres marchés et à l’économie réelle.
Le gouvernement de Liz Truss avait mis le feu aux poudres en présentant le 23 septembre un «plan de croissance» composé d’un colossal soutien aux factures électriques combiné à de vastes baisses d’impôts, sans que ces actions soient pleinement chiffrées ou financées.
Les investisseurs se sont mis à solder certains actifs britanniques: la livre sterling a plongé à son plus bas historique et le cours des titres de dette à long terme a fondu.
Le Chancelier de l’Echiquier Kwasi Kwarteng a tenté de calmer le jeu en avançant, face aux appels répétés d’économistes ou de parlementaires, une présentation budgétaire au 31 octobre, au lieu du 23 novembre.
Une décision saluée par le FMI même si M. Gourichas a critiqué l’action de Downing Street.
«Les objectifs de la politique budgétaire devraient être alignés sur ceux de la politique monétaire. Si vous avez une banque centrale qui essaie de resserrer» ses taux face à une inflation élevée comme c’est le cas au Royaume-Uni, et qu’en même temps le gouvernement «veut stimuler la demande» avec un paquet budgétaire massif, «c’est comme d’avoir une voiture avec deux personnes qui essaient de tourner le volant dans une direction différente», a-t-il fait valoir.
Le Fonds prévoit un ralentissement important de l’économie britannique, passant de +3,6% en 2022 à 0,3% seulement en 2023.
Les marchés britanniques risquent donc de rester turbulents jusqu’à la présentation de M. Kwarteng le 31 octobre, qui va se retrouver sous pression d’ici là à trouver des baisses de dépenses gouvernementales pour financer son coûteux «plan de croissance».