La Chine ouvre une enquête sur le canola canadien en riposte aux tarifs douaniers
La Presse Canadienne|Publié le 03 septembre 2024La Chine a déjà ciblé le canola canadien. En 2019, elle a interdit les importations de graines de canola de deux grandes entreprises canadiennes, alléguant avoir détecté des parasites dans leurs expéditions. (Photo: Jeff McIntosh La Presse Canadienne)
La Chine a annoncé mardi qu’elle ouvrait une enquête antidumping sur le canola canadien en représailles aux tarifs douaniers que compte imposer le Canada sur les véhicules électriques, l’acier et l’aluminium chinois.
Dans un communiqué, le ministère chinois du Commerce a déclaré qu’il lançait une enquête antidiscriminatoire sur les tarifs et une enquête antidumping sur les importations canadiennes de canola ainsi que sur certains produits chimiques.
Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé la semaine dernière que le Canada imposerait des droits de douane de 100% sur les véhicules électriques chinois et des droits de 25% sur l’acier et l’aluminium.
Les tarifs sur les véhicules électriques chinois entreront en vigueur le 1er octobre, tandis que les tarifs sur l’acier et l’aluminium seront en place à partir du 15 octobre.
La ministre des Finances Chrystia Freeland a cité des pratiques commerciales déloyales, mais aussi des normes environnementales et du travail «épouvantables» qui, selon elle, permettent à la Chine de fixer les prix et de vendre des produits sur le marché de manière injuste, ce qui a un coût énorme pour l’environnement et les travailleurs.
Les droits de douane ont été annoncés à l’issue d’un processus de consultation d’un mois, comme l’exige la loi canadienne.
La décision du gouvernement libéral fait suite à des tarifs similaires annoncés par les États-Unis au printemps, bien qu’ils n’aient pas encore pris effet. Le Canada subissait une pression énorme pour s’aligner sur les droits de douane américains, poussé par des groupes industriels, notamment des constructeurs automobiles et des usines d’acier et d’aluminium.
La Chine se dit extrêmement insatisfaite des tarifs et a promis de porter l’affaire devant l’Organisation mondiale du commerce.
«L’attitude de la Chine est très claire et nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour défendre les droits et intérêts légitimes des entreprises chinoises», indique le communiqué du ministère en mandarin.
Le Conseil canadien du canola a publié une déclaration qualifiant la Chine de «marché important et précieux pour le canola canadien».
«Nous sommes convaincus qu’une enquête sur le commerce du canola entre le Canada et la Chine démontrera notre alignement avec le commerce fondé sur des règles et renforcera notre soutien», a déclaré Chris Davison, président et chef de la direction du Conseil.
Les statistiques publiées par le Conseil montrent que la Chine a représenté 75 % des exportations de graines de canola du Canada entre janvier et juin.
La Chine a déjà ciblé le canola canadien. En 2019, elle a interdit les importations de graines de canola de deux grandes entreprises canadiennes, alléguant avoir détecté des parasites dans leurs expéditions.
L’interdiction du canola a eu lieu dans un contexte de tensions accrues entre les deux pays à la suite de la détention au Canada de Meng Wanzhou, directrice financière de Huawei, à la demande des États-Unis, et de la détention ultérieure par la Chine de deux Canadiens.
Le Canada a lancé une contestation devant l’OMC en 2020, mais le groupe spécial d’examen a été suspendu en août 2022, trois mois après que la Chine a rétabli les expéditions de canola canadien.
Dans une déclaration écrite, mardi, la ministre du Commerce, Mary Ng, a affirmé que le gouvernement suit «cette affaire de près».
«Notre gouvernement défendra toujours l’intérêt national, en particulier celui de nos agriculteurs et producteurs qui travaillent dur, l’épine dorsale de notre secteur agricole», a déclaré la ministre.
«Nous nous engageons à garantir un accès équitable au marché à nos producteurs de canola et à tous les producteurs agricoles», a-t-elle ajouté.
Ottawa veut protéger ses investissements
Selon un rapport de la RBC publié mardi, les droits de douane prévus par le Canada devraient entraîner une hausse des prix des véhicules électriques à court terme et des coûts pour les industries qui utilisent l’aluminium et l’acier.
«Il est important de noter que la décision canadienne augmente le risque de représailles de la part de Pékin, ce qui pourrait mettre en péril les exportations de matières premières canadiennes, comme le montre l’enquête nouvellement annoncée sur les exportations canadiennes de canola», a écrit Salim Zanzana, économiste de la RBC.
Le gouvernement fédéral a également annoncé une période de consultation de 30 jours pour examiner la menace des importations chinoises dans d’autres secteurs, notamment les batteries et les pièces de batteries, les semi-conducteurs, les produits solaires et les minéraux critiques.
Selon M. Zanzana, le gouvernement fédéral tente clairement de protéger les investissements qu’il a réalisés en partenariat avec les gouvernements de l’Ontario et du Québec dans la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques, qui totalisent environ 52 milliards $.
«Cependant, l’imposition de nouveaux droits de douane sur les chaînes d’approvisionnement à l’heure actuelle, alors que la plupart des capacités canadiennes de production de véhicules électriques ne sont pas encore opérationnelles, entraînerait une pression plus importante sur les coûts à court terme, compte tenu de la forte présence de la Chine dans la chaîne d’approvisionnement mondiale des véhicules électriques. Cela pourrait également remettre en cause l’un des objectifs climatiques du Canada, à savoir que les voitures électriques représentent 60 % des ventes de véhicules neufs d’ici 2030 et 100 % d’ici 2035», indique le rapport.