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La Russie, «une des dernières puissances impériales coloniales»

AFP|Publié le 27 juillet 2022

La Russie, «une des dernières puissances impériales coloniales»

Le CCC sera chargé de conduire les inspections de navires au départ et à l’arrivée à Istanbul afin de garantir qu’ils ne transportent rien d’autre que des céréales. (Photo: 123RF)

Ce texte regroupe toutes les dernières réactions au niveau international à propos de l’invasion de la Russie en Ukraine pour la journée du 19 juillet. Pour retrouver toute notre couverture sur le conflit, c’est ici. NDLR. Certains contenus sont explicites et peuvent être difficiles à lire. 

 

Cotonou — Le président français Emmanuel Macron a accusé mercredi, depuis le Bénin, la Russie d’être «une des dernières puissances impériales coloniales» après avoir lancé «une guerre territoriale» en Ukraine.

«La Russie a lancé une offensive contre l’Ukraine, c’est une guerre territoriale qu’on pensait disparue du sol européen, c’est une guerre du début du XXe, voire du XIXe siècle. Je parle sur un continent [l’Afrique, NDLR] qui a subi les impérialismes coloniaux», a-t-il indiqué lors d’une conférence de presse avec son homologue béninois Patrice Talon à Cotonou

«La Russie est l’une des dernières puissances impériales coloniales» en décidant «d’envahir un pays voisin pour y défendre ses intérêts», a-t-il affirmé.

Pour le président français, en tournée africaine au même moment que le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, «la Russie a commencé un nouveau type de guerre mondiale hybride». 

«Elle a décidé que l’information, l’énergie et l’alimentation étaient des instruments militaires mis au service d’une guerre impérialiste continentale contre l’Ukraine», a-t-il tonné, affirmant vouloir «qualifier dans les termes les plus crus ce qui se passe aujourd’hui».

Selon lui, ce sont les Russes qui créent des «déséquilibres malgré toutes les tournées diplomatiques et la désinformation qu’ils font à travers le monde» et la Russie est «l’un des pays qui, avec le plus de force, utilise des instruments de propagande», notamment par les chaînes de télévision Russia Today et Sputnik.

Il a également de nouveau dénoncé le «chantage» de Moscou sur l’alimentation, «parce que c’est eux qui ont bloqué les céréales en Ukraine» mais aussi sur l’énergie avec les Européens. «Je pense qu’il est sage de la part des Européens de ne pas s’exposer à ces stratégies, parce que c’est l’un des éléments de cette guerre hybride», a-t-il ajouté.

Emmanuel Macron avait déjà vivement critiqué Moscou la veille, lors de sa visite au Cameroun, disant vouloir «tordre le cou à beaucoup de contrevérités». 

Au même moment, Sergueï Lavrov, a estimé de son côté en Ouganda que la Russie n’était pas responsable des «crises de l’énergie et des denrées alimentaires», dénonçant «une campagne très bruyante autour de cela». 

Les livraisons de gaz à l’Europe via le gazoduc Nord Stream ont, comme annoncé par l’énergéticien russe Gazprom, baissé mercredi à près de 20% des capacités du gazoduc, selon les données de l’opérateur allemand Gascade, renforçant les risques de pénurie cet hiver dans plusieurs pays européens.

Après des tractations suivies de près par la communauté internationale, Russie et Ukraine ont signé vendredi dernier sous l’égide de l’ONU et de la Turquie un accord ouvrant la voie à des corridors maritimes sécurisés. 

 

Céréales: ouverture du centre de coordination à Istanbul

Istanbul — Le Centre de coordination conjointe (CCC), chargé du contrôle des exportations de céréales ukrainiennes via la mer Noire, a été officiellement inauguré mercredi à Istanbul, conformément aux accords signés le 22 juillet.

Le centre, installé au sein d’une Académie militaire, sera dirigé par «cinq représentants de la Russie, de l’Ukraine et de l’ONU, ainsi que de la Turquie, tant militaires que civils», a précisé le ministre turc de la Défense Hulusi Akar lors d’une brève cérémonie.

En vertu des accords signés pour quatre mois entre la Russie et l’Ukraine, via une médiation de la Turquie et sous l’égide de l’ONU, le CCC sera chargé de conduire les inspections de navires au départ et à l’arrivée à Istanbul afin de garantir qu’ils ne transportent rien d’autre que des céréales.

Quelque 25 millions de tonnes de céréales, en particulier de blé, restés bloqués dans les ports d’Ukraine par l’invasion russe depuis le 24 février, font cruellement défaut aux marchés mondiaux.

Selon Hulusi Akar, les convois partiront des ports d’Odessa, de Tchernomorsk et de Yuzni. «La préparation et la planification des premiers départs se poursuivent», a-t-il assuré.

Ces trois ports ukrainiens ont d’ailleurs «repris le travail», a annoncé simultanément la marine ukrainienne.

Précisant qu’il n’y aurait «aucune présence militaire» autour de ces convois, le ministre a énuméré les différentes tâches incombant au CCC. 

Le CCC doit immatriculer et suivre les navires marchands qui participeront aux convois, assurer leur suivi via internet et par satellite, inspecter les bateaux «par des équipes d’inspection conjointes aux endroits appropriés» lors du chargement dans les ports ukrainiens et à leur arrivée dans les ports turcs.

En cas de besoin, le déminage sera décidé et organisé «par les parties». «Cependant», a ajouté le ministre «il n’y en a pas besoin à ce stade».

«Ceux qui travailleront ici savent que les yeux du monde entier sont rivés sur eux», a insisté le ministre turc, en espérant que le centre «contribuera au mieux à répondre aux besoins humanitaires et à la paix collective».

Après une frappe russe sur Odessa samedi matin, au lendemain de la signature de l’accord sur les exportations, la Turquie s’était dite «inquiète».

«L’attaque d’Odessa a inquiété tout le monde», a répété mercredi matin le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu. 

«Ce n’est pas le genre d’attaque à empêcher le port de fonctionner. Mais ça ne doit pas se répéter. Nous espérons que l’accord va pouvoir fonctionner sans problème», a-t-il souligné.

 

Moscou promet de riposter à la suspension de RT France, confirmée par la justice européenne

Paris — Moscou a promis mercredi d’entraver le «travail des médias occidentaux» sur son territoire, en représailles à la confirmation par la justice européenne de la suspension de la chaîne d’information russe RT France, décidée par l’Union européenne (UE) après l’invasion de l’Ukraine.

«Nous allons prendre des mesures de pression similaires visant les médias occidentaux qui travaillent chez nous dans le pays», a réagi devant la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, après la publication d’un arrêt du tribunal de l’UE jugeant légale l’interdiction de diffusion de RT France. 

«Nous n’allons pas non plus les laisser travailler dans notre pays», a-t-il ajouté. Ces médias ne doivent s’attendre à «aucune approche souple» de la part des autorités russes, a-t-il prévenu, dénonçant une «attaque contre la liberté d’expression et la liberté de la presse dans les pays européens, y compris en France».

Depuis le début de la guerre le 24 février, Moscou a déjà bloqué plusieurs sites de médias occidentaux (BBC, Die Welt, RFI, Deutsche Welle…) et de réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, et Instagram. 

En mai, la Russie avait fermé le bureau de la radiotélévision canadienne CBC/Radio-Canada après l’interdiction de diffusion de RT au Canada. 

En parallèle, des médias ont suspendu ou arrêté leurs opérations en Russie de crainte de représailles et du fait des lois qui punissent de lourdes peines de prison les infos prétendument mensongères sur l’armée russe.

Dans sa décision, contre laquelle RT France a annoncé faire appel, le tribunal de l’UE argumente notamment que l’«interdiction temporaire» de diffusion ne remet «pas en cause» la liberté d’expression «en tant que telle», contrairement à ce qu’affirmait le média d’État russe. 

«La confirmation par le Tribunal de cette interdiction générale et au terme incertain montre malheureusement que le pouvoir judiciaire de l’Union européenne ne peut ou ne veut pas s’opposer au pouvoir politique», a réagi Xenia Fedorova, présidente de RT France, dans un communiqué.

Accusés d’être des instruments de «désinformation» du Kremlin, les médias Sputnik et RT (y compris sa version francophone RT France) ont été interdits de diffusion dans l’UE à partir du 2 mars, à la télévision comme sur internet, à la suite d’un accord des Vingt-Sept peu après le début de la guerre.

 

Éviter la «propagande»

La situation française est particulière, car, depuis la suspension de RT en Allemagne fin 2021, la France était le seul État membre de l’UE à héberger une filiale de RT sur son sol.

Dans son arrêt de mercredi, le tribunal a estimé que «les limitations à la liberté d’expression de RT France (…) sont proportionnées», l’UE cherchant à éviter la «propagande» en faveur de «l’agression militaire de l’Ukraine» lors «d’émissions diffusées à la télévision et sur Internet par un média entièrement financé par l’État russe». 

Ces mesures, «dès lors qu’elles sont temporaires et réversibles, ne portent pas une atteinte disproportionnée au contenu essentiel de la liberté d’entreprise de RT France».

«Malgré cette censure, RT France continuera d’apporter des perspectives différentes sur l’actualité partout où elle est diffusée», a assuré sa présidente.

La chaîne d’information, qui emploie 131 salariés, continue de fait d’émettre en français et de publier des articles sur son site, toujours accessible via un réseau privé virtuel (VPN), un service permettant de naviguer sur le web en contournant le blocage.

La diffusion de RT France, propriété d’une association financée par Moscou, ANO-TV Novosti, et sa liberté d’expression relève du contrôle du régulateur audiovisuel français, l’Arcom, estime son avocat, Emmanuel Piwnica, également cité dans le communiqué. 

Mais le tribunal juge que cela n’enlève rien aux compétences du Conseil, instance représentant les 27 pays membres de l’UE, apte à prendre des mesures pour «réagir à la grave menace contre la paix aux frontières de l’Europe et à la violation du droit international». 

En France, l’agence de presse Sputnik News est entrée dans une procédure de liquidation judiciaire en mai, ses 27 salariés ayant été licenciés dans la foulée.