Le Nobel d’économie décerné à des recherches pour comprendre les prospérités des pays
La Presse Canadienne|Mis à jour le 14 octobre 2024Le secrétaire permanent de l'Académie des sciences, Hans Ellegren, au centre, Jakob Svensson, à gauche, et Jan Teorell, de l'assemblée des prix Nobel, annoncent les lauréats du prix Nobel d'économie, Daron Acemoglu, Simon Johnson et James A Robinson, vus sur l'écran, lors d'une réunion de presse à l'Académie royale suédoise des sciences à Stockholm, en Suède, le lundi 14 octobre 2024. (Christine Olsson / TT News Agency / Associated Press / La Presse Canadienne)
Le prix Nobel d’économie a été décerné lundi à Daron Acemoglu, Simon Johnson et James A. Robinson pour leurs recherches qui expliquent pourquoi les sociétés où l’État de droit est faible et les institutions abusent de la population ne génèrent pas de croissance durable.
Les trois économistes «ont démontré l’importance des institutions sociétales pour la prospérité d’un pays», a déclaré le comité Nobel de l’Académie royale des sciences de Suède lors de l’annonce à Stockholm.
«Les sociétés où l’État de droit est déficient et où les institutions exploitent la population ne génèrent pas de croissance ni de changement positif. Les recherches des lauréats nous aident à comprendre pourquoi», précise-t-il.
Daron Acemoglu et Simon Johnson travaillent au Massachusetts Institute of Technology et James A. Robinson mène ses recherches à l’Université de Chicago.
«Réduire les vastes différences de revenus entre les pays est l’un des plus grands défis de notre époque. Les lauréats ont démontré l’importance des institutions sociétales pour y parvenir», a déclaré Jakob Svensson, président du comité du prix en sciences économiques.
Il a fait valoir que leurs recherches ont permis «une compréhension beaucoup plus approfondie des racines de l’échec ou de la réussite des pays».
Contacté par l’académie d’Athènes, en Grèce, où il doit prendre la parole lors d’une conférence, Daron Acemoglu, né en Turquie et âgé de 57 ans, a déclaré qu’il était surpris et bouleversé par cette récompense.
«On ne s’attend jamais à quelque chose comme ça», a-t-il déclaré.
Daron Acemoglu a souligné que les recherches récompensées par le prix soulignent la valeur des institutions démocratiques. «Je pense que, de manière générale, le travail que nous avons effectué est en faveur de la démocratie», a-t-il déclaré lors d’un appel téléphonique avec le comité Nobel et des journalistes à Stockholm.
Mais il a ajouté que «la démocratie n’est pas une panacée. Introduire la démocratie est très difficile. Lorsque vous introduisez des élections, cela crée parfois des conflits.»
Période difficile pour les démocraties
Interrogé sur la manière dont la croissance économique dans des pays comme la Chine s’inscrit dans les théories, Daron Acemoglu a expliqué que son point de vue est généralement «que ces régimes autoritaires, pour diverses raisons, auront plus de mal à atteindre des résultats d’innovation durables à long terme».
Daron Acemoglu et James A. Robinson ont écrit en 2012 un succès de vente dont le titre peut se traduire par «Pourquoi les nations échouent-elles: les origines du pouvoir, de la prospérité et de la pauvreté», dans lequel ils affirmaient que les problèmes créés par l’homme étaient responsables du maintien de la pauvreté dans les pays.
Dans leur travail, les lauréats se sont penchés, par exemple, sur la ville de Nogales, située à la limite de la frontière entre les États-Unis et le Mexique.
Bien que partageant la même géographie, le même climat, de nombreux ancêtres et une culture commune, la vie est très différente de chaque côté de la frontière. À Nogales, en Arizona, au nord, les habitants sont relativement aisés et vivent longtemps; la plupart des enfants obtiennent leur diplôme d’études secondaires. Au sud, à Nogales, dans l’État du Sonora, au Mexique, «les habitants sont en général considérablement plus pauvres. […] Le crime organisé rend la création et la gestion d’entreprises risquées. Les politiciens corrompus sont difficiles à éliminer, même si les chances d’y parvenir se sont améliorées depuis la démocratisation du Mexique, il y a un peu plus de 20 ans», a écrit le comité Nobel.
La différence, selon les économistes, est que le système américain protège les droits de propriété et donne aux citoyens la possibilité de s’exprimer sur leur gouvernement.
Daron Acemoglu a partagé son inquiétude lundi du fait que les institutions démocratiques aux États-Unis et en Europe perdaient le soutien de la population. «Les démocraties sont particulièrement sous-performantes lorsque la population pense qu’elles ne sont pas à la hauteur, a-t-il expliqué. Nous traversons une période difficile pour les démocraties. […] Dans un certain sens, il est crucial qu’elles retrouvent le terrain favorable d’une meilleure gouvernance.»
Le prix Nobel d’économie est officiellement connu sous le nom de Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel. La banque centrale l’a créé en mémoire de Nobel, l’homme d’affaires et chimiste suédois du XIXe siècle qui a inventé la dynamite et créé les cinq prix Nobel. Les tout premiers lauréats furent Ragnar Frisch et Jan Tinbergen en 1969.
L’année dernière, Claudia Goldin, professeure à l’Université Harvard, a été honorée pour ses recherches qui contribuent à expliquer pourquoi les femmes du monde entier sont moins susceptibles que les hommes de travailler et pourquoi elles gagnent moins d’argent lorsqu’elles le font. Elle fut seulement la troisième femme parmi les 93 lauréats en économie.
Bien que les puristes du Nobel soulignent que le prix d’économie n’est techniquement pas un prix Nobel, il est toujours décerné avec les autres le 10 décembre, jour anniversaire de la mort de Nobel en 1896.
Les prix Nobel ont été annoncés la semaine dernière dans les domaines de la médecine, de la physique, de la chimie, de la littérature et de la paix.
Rédigé par Daniel Niemann et Mike Corder, Associated Press