Tous les sondages donnent une avance très confortable au RN, crédité de 35 à 37% des intentions de vote et qui distance ainsi largement la gauche (27,5% à 29%) tandis que la majorité sortante est reléguée à la troisième place (20% à 21%). (Photo: Getty Images)
Paris — La campagne pour le premier tour des législatives a connu ses derniers feux vendredi dans toute la France, avant extinction complète à minuit. Et face à l’avance confortable donnée au parti d’extrême droite Rassemblement national par les sondages, les possibles reports de voix de l’entre-deux-tours ont mobilisé les esprits.
Alors que la campagne s’achève ce vendredi à minuit (18h, heure de Montréal), tous les sondages donnent une avance très confortable au RN, crédité de 35 à 37% des intentions de vote et qui distance ainsi largement la gauche (27,5% à 29%) tandis que la majorité sortante est reléguée à la troisième place (20% à 21%).
Le chef de file du Parti socialiste aux européennes Raphaël Glucksmann a exprimé son inquiétude face à «cette impression qu’une vague se forme et que dimanche soir, le pays tout entier aura la gueule de bois».
«Macron a dissous l’assemblée, beaucoup trop vite, il aura tout perdu, c’est fini», a estimé Alain, 75 ans, une des 2 000 personnes qui ont manifesté vendredi contre l’extrême droite à Lyon (à l’est du pays).
Le chef de file du RN Jordan Bardella, 28 ans, devra néanmoins séduire davantage d’électeurs s’il veut obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale à l’issue du second tour le 7 juillet, condition qu’il a lui-même posée pour accepter le poste de premier ministre.
Jeudi soir, en marge d’un sommet européen à Bruxelles, Emmanuel Macron a promis « une grande clarté » dans les consignes de vote pour le second tour en cas de duel entre le RN et la gauche.
Et, alors que l’exécutif a mis ces dernières semaines sur un pied d’égalité le RN et La France insoumise (LFI, gauche radicale) «et ceux qui les suivent» — pour désigner le Nouveau Front populaire (NFP), coalition de gauche qui comprend aussi le Parti socialiste, les Écologistes et le Parti communiste —, M. Macron a semblé nuancer cette position jeudi soir à Bruxelles.
La maire socialiste de Lille (au nord du pays) et ex-ministre Martine Aubry l’a interpellé sur X: «Vous ne pouvez pas refuser le désistement républicain qui vous a permis d’être élu pour vos 2 mandats. Vous courez délibérément le risque d’une majorité absolue au RN».
« Je veux évidemment éviter que les extrêmes, et notamment l’extrême droite, puissent gagner ces élections », a affirmé de son côté le Premier ministre Gabriel Attal vendredi sur les médias BFMTV/RMC.
Forte participation attendue
M. Macron a aussi dénoncé l' »arrogance » du RN qui entend lui imposer une cohabitation dure en cas de victoire et s’est « déjà réparti » tous les postes du gouvernement.
La figure du parti Marine Le Pen a en effet récemment assuré que la fonction de « chef des armées » du président de la République n’était qu’un simple « titre honorifique ». De cette prérogative de chef des Armées, inscrite dans la Constitution, découle des pouvoirs en matière de politique étrangère et de défense que les présidents ont conservés lors des précédentes cohabitations.
Vendredi, elle a aussi indiqué que si Jordan Bardella devait devenir Premier ministre, il s’opposerait à la reconduction de Thierry Breton comme commissaire européen, annoncée jeudi par Emmanuel Macron à ses partenaires.
Une forte participation, qui pourrait être la plus élevée depuis 25 ans, est attendue dimanche: près de deux électeurs sur trois prévoient d’aller voter, contre moins d’un sur deux aux législatives de 2022.
Avec comme conséquence prévisible, «certainement des élus dès le premier tour», prédit à l’AFP le directeur général délégué de l’Ipsos Brice Teinturier, mais aussi «énormément de triangulaires», «200 à 240», selon le sondeur.
Le NFP a fait savoir que ses candidats arrivés en troisième position se retireraient.
« Racisme décomplexé »
Gabriel Attal a de son côté accusé le président du RN de soutenir « une centaine de candidats » ayant tenu des propos « racistes, antisémites et homophobes ». Son entourage a diffusé « une carte de la honte » où l’on retrouve les propos controversés de 112 candidats RN.
Parmi eux, le député sortant Roger Chudeau, qui a estimé qu’un membre du gouvernement ne pouvait pas être binational, car cela posait un «problème de double loyauté», prenant l’exemple de l’ancienne ministre de l’Éducation socialiste Najat Vallaud-Belkacem, une Franco-Marocaine dont la nomination fut «une erreur», a-t-il déclaré.
Des propos qui ont suscité une vive polémique. « Nous devons combattre avec force et on doit s’indigner de ces choses-là », a déclaré Emmanuel Macron. Pour la présidente sortante de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, le parti montre son « vrai visage », celui d' »un racisme décomplexé ».
Cet « avis personnel » de Roger Chudeau est « totalement contraire au projet du RN », a assuré vendredi Marine Le Pen.
Le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, a lui exhorté les électeurs à ne pas laisser «la haine irrationnelle nous diviser».