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ONU: bombardements à Kyiv durant la visite du secrétaire général

AFP|Mis à jour le 16 avril 2024

ONU: bombardements à Kyiv durant la visite du secrétaire général

Kyiv a jusqu'ici gardé le contrôle d'une partie occidentale de la région. (Photo: Getty Images)

Ce texte regroupe tous les derniers développements à propos de l’invasion de la Russie en Ukraine pour la journée du 28 avril. Pour retrouver toute notre couverture sur le conflit, c’est ici. NDLR. Certains contenus sont explicites et peuvent être difficiles à lire.     

 

14h00 | Kyiv — La capitale ukrainienne, Kyiv, a été la cible de frappes jeudi soir, en pleine visite du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres et pour la première fois depuis mi-avril, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Les correspondants de l’AFP ont vu sur place un étage d’un bâtiment en feu avec de la fumée noire s’échappant des fenêtres brisées, tandis que de nombreux policiers et des secouristes étaient présents sur les lieux.

«Dans la soirée, l’ennemi a tiré sur Kyiv. Deux frappes sur le quartier de Chevchenkovsky», a confirmé le maire de Kyiv, Vitali Klitschko, ajoutant que «les informations quant aux victimes sont en train d’être clarifiées».

«Des frappes de missiles dans le centre de Kyiv pendant la visite officielle d’Antonio Guterres» a fustigé sur Twitter Mikhaïlo Podoliak, un conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky.

«Hier, il était assis à une longue table au Kremlin et aujourd’hui, des explosions au-dessus de sa tête», a ironisé Mikhaïlo Podoliak.

«C’est la preuve que nous avons besoin d’une victoire rapide sur la Russie et que tout le monde civilisé doit s’unir autour de l’Ukraine. Nous devons agir rapidement. Plus d’armes, plus d’efforts humanitaires, plus d’aide», a renchéri le chef de l’administration présidentielle, Andriï Iermak.

Il a appelé à priver la Russie de son droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU.

Antonio Guterres s’était entretenu mardi avec le président russe Vladimir Poutine à Moscou. Jeudi, il est arrivé en Ukraine pour se rendre notamment à Boutcha et Irpin, dans la banlieue de la capitale, théâtres d’exactions imputées à l’armée russe par les Ukrainiens.

Il s’est aussi entretenu avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, regrettant que le Conseil de sécurité de l’ONU n’ait pas réussi à empêcher et arrêter la guerre déclenchée le 24 février par Moscou.

«L’invasion de l’Ukraine par la Russie est une violation de son intégrité territoriale et de la Charte des Nations unies», a-t-il une nouvelle fois dénoncé.

 

9h50 | Paris — Situation sur le terrain, réactions internationales, sanctions: le point sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

 

Antonio Guterres en Ukraine

Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a appelé jeudi Moscou à «accepter de coopérer» avec l’enquête de la Cour pénale internationale (CPI) sur de possibles crimes de guerre perpétrés en Ukraine.

«J’imagine ma famille dans une de ces maisons (…), je vois mes petites-filles courir en panique. La guerre est une absurdité au 21e siècle, aucune guerre n’est acceptable au 21e siècle», a-t-il déclaré à Borodianka, dans la banlieue de Kyiv où les Ukrainiens accusent les Russes d’avoir commis des exactions pendant leur occupation en mars.

Pour sa première visite en Ukraine depuis le début de l’invasion russe le 24 février, M. Guterres s’est rendu ensuite à Boutcha. «Quand nous voyons ce site horrible, je vois combien il est important d’avoir une enquête complète et d’établir les responsabilités», a-t-il déclaré, avant de rencontrer le président Volodymyr Zelensky dans l’après-midi.

 

Boutcha: 10 Russes mis en examen

Dix soldats russes ont été mis en examen jeudi pour des crimes présumés commis à Boutcha, a annoncé le procureur général d’Ukraine, précisant que c’était «en lien avec le traitement cruel de civils et d’autres violations de la loi et des coutumes de la guerre».

 

Nouvelle tentative d’évacuation de Marioupol

La coordinatrice de l’ONU en Ukraine a annoncé jeudi qu’elle partait dans le sud du pays préparer une tentative d’évacuation de la ville de Marioupol, presque entièrement contrôlée par les forces russes.

 

Moscou dénonce les livraisons d’armes à l’Ukraine

Les livraisons d’armes à l’Ukraine «menacent la sécurité» européenne «et provoquent de l’instabilité», a estimé jeudi le Kremlin après un nouvel appel de la ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss, à livrer davantage d’armes lourdes et d’avions à Kyiv.

Outre le Royaume-Uni, les parlementaires allemands ont voté une motion de soutien à l’Ukraine en demandant notamment au gouvernement, jusqu’ici prudent sur la question, de livrer davantage d’armes lourdes à Kyiv pour contrer l’agression russe.

 

«Chassons la Russie», répète Londres

Le gouvernement britannique a affirmé jeudi que ses objectifs en Ukraine n’avaient pas changé, tempérant cependant des propos la veille de Mme Truss selon laquelle «toute l’Ukraine» devait être libérée, c’est-à-dire Crimée comprise.

«Nous soutenons l’intégrité souveraine de l’Ukraine. Cela inclut bien sûr la Crimée», a dit le ministre de la Défense Ben Wallace, mais «avant tout, chassons la Russie de là où elle se trouve maintenant dans son projet d’invasion».

 

Offensive dans l’est

Les forces russes accentuent leur offensive, particulièrement dans la région de Kharkiv et de Donetsk, dans l’est du pays, a affirmé jeudi l’état-major des forces ukrainiennes. 

La Russie a de son côté accusé à plusieurs reprises ces dernières semaines les forces ukrainiennes d’avoir effectué des frappes sur le sol russe. 

Selon un conseiller de la présidence ukrainienne, «la Russie attaque l’Ukraine et tue les civils. L’Ukraine se défendra par tous les moyens, y compris avec des frappes sur des entrepôts et des bases des assassins russes. Le monde reconnaît ce droit».

 

Près de 5,4 millions de réfugiés

Près de 5,4 millions de réfugiés ukrainiens ont fui leur pays depuis l’invasion de leur pays, selon l’ONU jeudi.

 

Transdniestrie

Moscou a condamné jeudi des «actes terroristes» après les incidents dans la région séparatiste prorusse moldave de Transdniestrie, secouée cette semaine par une série d’explosions puis des tirs visant un village hébergeant un dépôt de munitions russe. Kyiv a dénoncé de son côté des provocations russes dans la région séparatiste visant à justifier une intervention militaire.

 

À la page suivante, dans le Donbass ukrainien, ceux qui espèrent l’arrivée des Russes

7h08 | Slaviansk — Par conviction identitaire, nostalgie de l’ère soviétique ou pour en finir au plus vite avec la guerre, une partie des habitants du Donbass ukrainien ne voient pas d’un mauvais œil la progression des troupes russes dans leur région, quand ils ne la soutiennent pas ouvertement.

«Nous sommes ukrainiens administrativement, mais le Donbass, ce n’est pas l’Ukraine, les Ukrainiens, ce sont eux les étrangers, pas les Russes», souffle, à l’écart du marché de Lyssytchansk, Olena, qui a demandé à ce que son prénom soit modifié de peur que ses propos lui vaillent «la prison».

Cette région de l’est de l’Ukraine grande comme presque deux fois la Belgique, que la Russie affirme vouloir «libérer» du joug de «néonazis» russophobes au pouvoir selon elle à Kyiv, est au cœur d’un conflit sanglant depuis 2014, lorsque des séparatistes prorusses, soutenus militairement par le Kremlin, ont pris le contrôle d’une partie de ce bassin minier majoritairement russophone.

Kyiv a jusqu’ici gardé le contrôle d’une partie occidentale de la région. Et ses troupes tentent depuis deux semaines d’y contenir l’armée russe, qui pilonne la zone et grignote du terrain, s’emparant de plusieurs localités, mais d’aucune ville d’importance.

 

Terrain ennemi

Dans la partie qu’ils contrôlent, les services ukrainiens ont déjà purgé les séparatistes purs et durs, annonçant régulièrement des «arrestations» de «saboteurs» présumés. 

Mais parmi les soldats ukrainiens déployés dans cette partie du pays, certains ne cachent pas — même si le sujet est sensible dans cette région à l’histoire complexe, où de nombreux Russes ont été envoyés travailler après la Seconde Guerre mondiale — avoir l’impression d’être déjà en terrain ennemi.

«On peut faire le plus possible pour cacher nos positions, les habitants renseignent l’autre camp sur nous» indique à l’AFP Iryna, sergent dans une brigade d’infanterie qui vient de se replier de Kreminna, localité de la région de Lougansk perdue mi-avril par l’Ukraine. 

«C’est très, très fréquent et ça vient de personnes censées être au-dessus de tout soupçon, même des prêtres», ajoute la soldate, engagée dans cette région depuis 2014.

Dans ce contexte, les forces ukrainiennes ont fermé les yeux sur ces cas de civils qui arrivent aux barrages pour une évacuation vers la Russie plutôt que vers l’ouest de l’Ukraine, soulagés de les voir partir dans un contexte de tension maximale.

Et parmi les habitants qui sont restés depuis le début de l’invasion russe le 24 février, la tendance prorusse, alimentée par 8 ans d’affirmations russes sur un «génocide» des russophones en préparation dans le Donbass est de plus en plus marquée, redoutent les autorités ukrainiennes.

«Il y a des gens ici qu’au mieux ça ne dérange pas, au pire qui espèrent l’arrivée des Russes», a indiqué à l’AFP Vadim Lyakh, le maire de Sloviansk, ville-clé du front du Donbass, prise brièvement par les séparatistes prorusses en 2014. 

«Ce n’est pas le moment de se quereller avec eux, nos retraités, les nostalgiques de “l’idée russe”», précise-t-il. 

Ici, la majorité de la population est russophone. Même les soldats ukrainiens les plus patriotes parlent russe, gardant l’ukrainien pour les échanges officiels. 

Le conflit n’est pas ethnique ou linguistique, mais cristallisé sur les valeurs et le sentiment d’appartenance et de sécurité, notamment économique. 

Plusieurs générations du Donbass ont vécu comme un abandon la désindustrialisation d’après l’indépendance en 1991 et le démembrement des outils de production par Kyiv.

La région est devenue un cimetière de bâtiments industriels, aux carreaux cassés et aux cheminées endormies. Les puits de mine, rebouchés, sont devenus des petits lacs où on pêche des poissons le week-end. 

 

«Nous on travaillait!»

Olena, la prorusse convaincue, a ainsi travaillé 30 ans à la raffinerie de Lyssytchansk et s’anime en parlant de l’époque glorieuse où, jusqu’à l’éclatement de l’URSS en 1991, le Donbass «avait tout: le charbon, la houille, le sel, l’industrie chimique». 

«Quand les Ukrainiens ont manifesté à Maïdan, nous on travaillait!» lance-t-elle, comme une pique au mouvement ukrainien pro-européen qui a fait basculer le pouvoir en 2014 à Kyiv, qu’elle méprise. 

L’ancienne ouvrière est persuadée que quand Moscou aura pris le contrôle de la région, l’économie régionale repartira. 

«Ce sera comme avant la guerre, peut-être même qu’ils feront tourner à nouveau ma raffinerie», s’emballe-t-elle, tout en s’interrogeant sur sa future retraite. Qui la versera? Moscou? Kyiv? 

Dans un bunker conçu pour les ouvriers d’Ost Chem, l’usine d’azote de Severodonetsk, ville jumelle de Lyssytchansk, on dirait que le temps s’est arrêté. Les drapeaux communistes, le portrait de Stakhanov, le légendaire ouvrier du Donbass à la productivité modèle, sont encore affichés aux murs de l’abri antiatomique. 

Plus de 160 résidents de la ville, aujourd’hui sur la ligne de front, y survivent depuis deux mois dans des conditions insalubres. Et la plupart d’entre eux accusent les Ukrainiens de bombarder leur ville. Pour eux, les Russes ne peuvent pas être les agresseurs. 

 

«Inconscience»

Tamara Dorivientko, professeure d’anglais à la retraite, y attend la fin des bombardements sur un lit de camp, en lisant Jane Austen.

«Pourquoi aurais-je peur des Russes? Nous avons vécu en URSS pendant 70 ans. Toute ma famille est en Russie, nos maris y travaillent six mois et reviennent ici, nous sommes pareils», dit-elle. 

Mais la résidente de Severedonetsk balance encore: «J’aime l’Ukraine, c’est un très beau pays, riche et avec beaucoup de libertés, et j’aurais préféré y rester». 

«Que voulez-vous, maintenant c’est comme ça, on choisit pour nous», conclut-elle avec résignation. 

De son côté, le maire de Slaviansk sait qu’il ne pourra rien faire de ces irréductibles et condamne leur «inconscience». 

«Ils veulent la fin de la guerre, mais ne voient pas de problème dans la façon dont la Russie mène les hostilités», dit Vadim Lyakh. «Il faut espérer que ce qui s’est passé à Marioupol, Kharkiv ou dans d’autres villes russophones les fasse changer d’avis».