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Quelle est la vision économique de Kamala Harris? 

François Normand|Publié il y a 13 minutes

Quelle est la vision économique de Kamala Harris? 

La vice-présidente Kamala Harris a obtenu suffisamment de voix des délégués démocrates pour devenir la candidate du parti à la présidence. (AP Photo)

ANALYSE GÉOPOLITIQUE. La course à la Maison-Blanche est plus serrée depuis le désistement de Joe Biden. Le retour de Donald Trump au pouvoir est moins probable, ouvrant la voie à une possible victoire de la candidate démocrate Kamala Harris, en novembre. C’est pourquoi il faut regarder de plus près la vision économique de la vice-présidente des États-Unis. 

Rappelons d’emblée une tendance lourde que nous observons chez nos voisins américains depuis une vingtaine d’années: le protectionnisme et le patriotisme économique sont devenus des politiques bipartisanes.  

Fini l’époque où les républicains étaient les plus fervents partisans du libre-échange et d’America inc., tandis que les démocrates étaient près des syndicats et plutôt hostiles aux financiers de Wall Street. 

Aujourd’hui, tout est plus fluide et gris. 

Toutefois, les deux partis s’entendent au moins sur une chose: il faut défendre à tout prix les emplois américains contre la concurrence étrangère, à commencer par celle de la Chine jugée déloyale. 

Cela dit, il y a des nuances importantes dans l’approche préconisée par Biden et Harris, sans parler de Trump. 

Pour le libre-échange, mais à certaines conditions 

En matière de commerce international, Biden et Harris sont en phase avec l’aile progressiste du parti démocrate. Toutefois, ils diffèrent sur certains éléments fondamentaux, rappelle le site américain d’analyses Politico

Quand elle était candidate au Sénat en 2016, Harris s’est opposée au Partenariat transpacifique – aujourd’hui l’Accord de Partenariat transpacifique et progressiste, qui réunit 11 pays, dont le Canada, mais pas les États-Unis – négocié par l’administration de Barack Obama, dont Biden était le vice-président.  

À l’époque, il y avait des critiques de la part de groupes syndicaux et environnementaux qui affirmaient que le Partenariat transpacifique déplacerait des emplois vers des pays à faible revenu comme le Vietnam.  

L’accord n’a finalement jamais été soumis au vote du Congrès. De plus, Trump a retiré les États-Unis du traité peu après son accession à la présidence. Biden était un fervent partisan du Partenariat transpacifique quand il était vice-président.  

Par ailleurs, Harris a aussi voté contre l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACÉUM), qui a remplacé l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), en 2020. Elle affirmait qu’il n’en faisait pas assez pour protéger les emplois des Américains et l’environnement.  

«Dans une administration Harris, aucun accord commercial ne serait signé s’il ne protège pas les travailleurs américains et notre environnement», a-t-elle déclaré à un moment donné, rapporte Politico

Biden s’est d’abord opposé à l’ACÉUM. En revanche, il a ensuite changé de position après que la présidente de la Chambre des représentants de l’époque, Nancy Pelosi, a négocié des changements exigés par les démocrates.  

Critique des tarifs, mais elle les accepte 

Harris a aussi une position ambiguë à propos des tarifs douaniers, selon une analyse du magazine américain Foreign Policy.  

Depuis qu’elle est vice-présidente, Harris a constamment critiqué les droits de douane que l’administration Trump a imposés, principalement à l’égard de la Chine.  

Elle affirmait qu’il s’agit de taxes supplémentaires imposées aux entreprises et aux consommateurs américains, et ce, en raison de la hausse des coûts d’importation et, par conséquent, des prix au détail. 

Pour l’essentiel, Biden a dit grosso modo la même chose à l’époque.  

Toutefois, une fois président, il a maintenu plusieurs des tarifs de Trump, avant d’en ajouter de nouveaux lui-même. En revanche, les tarifs de l’administration Biden sont plus ciblés et stratégiques, destinés à protéger des secteurs critiques comme les véhicules électriques. 

Rien n’indique qu’une éventuelle administration Harris allègerait les tarifs imposés par le président Biden. Selon plusieurs analystes, elle maintiendrait sans doute la politique de l’actuelle administration. 

Selon Foreign Policy, lors d’un débat en septembre 2019, elle a fait cette déclaration à propos de la Chine qui donne une bonne idée de sa perception à l’égard de la concurrence des entreprises chinoises: 

«Ils volent nos produits, y compris notre propriété intellectuelle. Ils déversent des produits de qualité inférieure dans notre économie. Ils doivent être tenus responsables», a-t-elle dit, en ajoutant que Washington devrait toutefois coopérer avec Beijing sur des questions clés comme les changements climatiques.  

Hausse d’impôts pour les PME 

Au chapitre de la fiscalité, Harris est beaucoup moins pro business que Trump.  

Les petites entreprises américaines pourraient même payer plus d’impôts si la candidate démocrate devient la prochaine locataire à la Maison-Blanche, d’après le média américain numérique The Hill

À l’instar du président Biden, Harris appuie l’expiration, en 2025, de nombreux éléments clés de la loi phare de l’ancien président Trump, soit la loi de 2017 sur les réductions d’impôt et l’emploi (Tax Cuts Jobs Act ou TCJA).  

Selon un analyste financier de The Hill, si les dispositions qui font partie de cette législation sont autorisées à expirer, les propriétaires de petites entreprises perdront la déduction du revenu d’entreprise qualifiée. 

Or, ces dernières années, cette mesure a procuré un avantage important pour des dizaines de millions d’entrepreneurs aux États-Unis. 

Actuellement, la plupart des petites entreprises peuvent déduire jusqu’à 20% de leurs revenus d’entreprise avant qu’ils ne soient transférés dans leurs déclarations de revenus individuels.  

Par exemple, supposons qu’une petite entreprise génère 100 000$US de revenus et que le propriétaire de l’entreprise ait un taux d’imposition de 20%. Avec la déduction, la PME paiera 16 000$ d’impôts.  

Sans cette déduction, sa facture fiscale s’élèvera à 20 000$. 

Moins protectionniste que Trump 

Bien malin qui peut prédire le résultat de la présente élection présidentielle aux États-Unis, en novembre. 

Si Kamala Harris l’emporte, nos entreprises qui exportent sur le marché américain n’auront pas vraiment de grandes surprises, car elle déploiera probablement des politiques économiques assez similaires à celles de Joe Biden. 

En revanche, les politiques de Harris seront sans doute un peu plus protectionnistes, mais beaucoup moins de celles que Donald Trump compte mettre en place s’il est réélu. 

Par exemple, l’ex-président républicain songe à imposer des tarifs de 10% sur toutes les importations aux États-Unis, et ce, peu importe le pays d’origine.