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Royaume-Uni: les travaillistes mettent fin à 14 ans de pouvoir conservateur

AFP|Publié à 20h16

Royaume-Uni: les travaillistes mettent fin à 14 ans de pouvoir conservateur

Keir Starmer (Photo: Jakub Porzycki / NurPhoto pour Getty Images)

Londres — Après 14 ans de pouvoir conservateur, le Royaume-Uni bascule au centre-gauche: les travaillistes ont remporté une majorité massive jeudi lors des législatives, ouvrant les portes de Downing Street à leur chef Keir Starmer.

Raz-de-marée des travaillistes, humiliation historique pour les tories et percée surprise de la droite dure anti-immigration: les sondages sortis des urnes publiés à la clôture des bureaux de vote traduisent le désir de changement des Britanniques, exaspérés par la succession des crises, du Brexit à l’envolée des prix en passant par la valse des premiers ministres conservateurs ces dernières années.

Selon ces projections des télévisions britanniques, le parti des travaillistes remporterait 410 sièges sur les 650 de la Chambre des Communes, juste un peu moins que le score historique de Tony Blair en 1997 (418).

Le parti conservateur du premier ministre sortant Rishi Sunak est désavoué avec son pire résultat depuis le début du XXe siècle: 131 députés élus, contre 365 il y a cinq ans sous Boris Johnson.

Les libéraux démocrates (centristes) se renforceraient avec 61 députés. Mais la surprise du scrutin vient surtout du parti anti-immigration et anti-système Reform UK: il gagnerait 13 sièges, entrée bien plus fracassante que prévu pour la formation de la figure de la droite dure Nigel Farage.

En Écosse, les indépendantistes du Scottish National party subissent un sérieux revers, pressentis pour n’emporter que 10 des 57 circonscriptions.

Les résultats vont tomber toute la nuit. Les trois premiers résultats ont été trois victoires pour le Labour, avec Reform UK en deuxième place.

«Chaos et déclin»

Alors que l’extrême droite est susceptible d’accéder au pouvoir en France et que Donald Trump semble bien placé pour retourner à la Maison-Blanche, les Britanniques ont choisi massivement un dirigeant modéré de centre gauche.

Keir Starmer, un ancien avocat spécialiste des droits de la personne de 61 ans, sera chargé vendredi par le roi Charles III de former un nouveau gouvernement.

«Peu importe l’ampleur de la majorité», a réagi la numéro deux du Labour Angela Rayner. «Ce qui compte, c’est le mandat qu’aura Keir Starmer, que nous puissions aller de l’avant et tourner la page du chaos et du déclin que nous avons connus sous les conservateurs».

Neuf ans seulement après être entré en politique et quatre ans après avoir pris la tête du Labour, le nouveau Premier ministre sera confronté à une aspiration considérable au changement après 14 ans de règne conservateur qui ont laissé aux Britanniques un sentiment de déclin.

Le Brexit a déchiré le pays et n’a pas rempli les promesses de ses partisans. L’envolée des prix des deux dernières années a appauvri les familles, plus nombreuses que jamais à dépendre des banques alimentaires.

Il faut attendre parfois des mois pour des rendez-vous médicaux dans le service public NHS. Les prisons risquent de manquer de places dès les jours qui viennent.

Coup de poker

Dans une ambiance de luttes fratricides permanentes chez les conservateurs, les scandales politiques sous Boris Johnson et les errements budgétaires de Liz Truss, qui n’a tenu que 49 jours au pouvoir, ont fini d’exaspérer les électeurs.

En 20 mois à Downing Street, leur successeur Rishi Sunak, cinquième premier ministre conservateur depuis 2010, n’est jamais parvenu à redresser la barre dans l’opinion. Il a tenté un dernier coup de poker en convoquant ces élections en juillet sans attendre l’automne comme beaucoup le pensaient, mais sa campagne a été calamiteuse.

L’ancien banquier d’affaires et ministre des Finances de 44 ans a accumulé les bévues et semblé manquer de sens politique, écourtant sa présence aux célébrations du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie et tardant à réagir aux soupçons de paris frauduleux dans son camp sur la date des élections.

Face à la défaite inévitable, son camp en était réduit ces derniers jours à mettre en garde sur le risque d’une  super majorité» laissant le Labour sans contre-pouvoirs.

«Nouvelle ère»

En face, Keir Starmer a mis en avant ses origines modestes — mère infirmière et père outilleur — contrastant avec son adversaire multimillionnaire, et promis le retour de la « stabilité » et du «sérieux», avec une gestion des dépenses publiques très rigoureuse.

Peu charismatique mais déterminé, il promet de transformer le pays comme il a redressé le Labour après avoir succédé au très à gauche Jeremy Corbyn, le recentrant sur le plan économique et luttant contre l’antisémitisme: méthodiquement, sans coup d’éclat ni état d’âme.

Il assure vouloir relancer la croissance, redresser les services publics, renforcer les droits des travailleurs, réduire l’immigration et rapprocher le Royaume-Uni de l’Union européenne — sans revenir sur le Brexit, sujet tabou de la campagne.

Dès la semaine prochaine, le nouveau premier ministre, qui devrait dans l’ensemble poursuivre la politique étrangère britannique actuelle, fera ses premiers pas sur la scène internationale à l’occasion du sommet des 75 ans de l’OTAN à Washington.

«Cela fait 14 ans qu’on attendait ce changement», jubile John, un électeur de 56 ans interrogé par l’AFP devant un pub du quartier de Londres où vit le chef du Labour.

«C’est une nouvelle ère!», se félicite Philippa, 54 ans, qui travaille dans le secteur caritatif, dénonçant des tories qui «ont changé le cours de ma vie avec le Brexit».

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