Les sirènes d'alerte de la défense antiaérienne ont retenti dans toute l'Ukraine peu avant 15h30 (8h30, heure du Québec). (Photo: Getty Images)
Kyiv — L’Ukraine a été frappée mardi par des attaques russes d’une ampleur inédite selon Kyiv — une centaine de missiles — contre les réseaux énergétiques qui ont rendu la situation «critique» et mis la Russie encore plus en porte-à-faux au sommet du G20 déjà boudé par Vladimir Poutine.
Ces frappes, qui ont fait au moins un mort à Kyiv — mais les opérations de secours étaient toujours en cours — ont entraîné des coupures de courant généralisées en Ukraine et jusque dans la Moldavie voisine, aux portes de l’UE.
«Les terroristes russes ont mené une nouvelle attaque planifiée contre des infrastructures énergétiques. La situation est critique», a souligné sur Telegram le chef adjoint de la présidence, Kyrylo Tymochenko. Selon lui, ce sont «plus de sept millions de foyers» qui étaient privés d’électricité mardi soir dans toute l’Ukraine.
«Ce que veut l’ennemi est clair. Il ne parviendra pas à ses fins», a pour sa part réagi le président Volodymyr Zelensky dans une courte vidéo mise en ligne. «Nous travaillons, nous restaurerons tout, nous survivrons à tout», a-t-il promis, habillé de kaki derrière son bureau.
Selon lui ce sont 85 missiles qui ont été tirés sur les villes ukrainiennes, de Kyiv à Lviv, près de la frontière polonaise, et de Kharkiv au nord-est à Odessa au sud-ouest. Mais d’après l’armée de l’Air, ce sont pas moins de cent missiles qui ont été tirés, y compris par des bombardiers stratégiques, soit «plus que le 10 octobre, quand les occupants en avaient tiré 84″, selon le porte-parole Iouri Ignat.
À Kyiv, où deux immeubles résidentiels ont été touchés, «les secours ont retrouvé le corps d’une personne décédée», et les opérations de secours étaient toujours en cours, a indiqué de son côté le maire de la capitale Vitaly Klitschko.
«Dans la capitale, au moins la moitié des (habitants) sont sans électricité», a-t-il indiqué sur Telegram. L’opérateur national «a déclenché des coupures de courant d’urgence dans toute l’Ukraine», notamment à Kyiv, «pour équilibrer le réseau», a-t-il ajouté.
Les sirènes d’alerte de la défense antiaérienne avaient retenti dans toute l’Ukraine peu avant 15h30 (13h30 GMT). Quelques minutes plus tard, des explosions étaient entendues notamment à Kyiv, Lviv (ouest) et Kharkiv (nord-est).
«Plusieurs missiles ont été abattus par la défense aérienne» au-dessus de la capitale, a indiqué le maire de Kyiv.
Immeuble en flammes
Un responsable de l’administration présidentielle ukrainienne a publié une vidéo montrant un immeuble de cinq étages en flammes.
«Nous étions au lit (quand l’immeuble a été frappé). Nous nous sommes précipités dans le couloir, et c’était déjà enfumé», a raconté à l’AFP Svitlana Romantchouk, 66 ans, qui vivait au quatrième étage de cet immeuble en brique avec son mari Petro, 72 ans.
«Je crois qu’une femme est morte en dessous de chez nous, la frappe a touché son balcon», a-t-elle ajouté, alors que les pompiers de Kyiv éteignaient l’incendie.
Lviv, Kharkiv, Vinnitsia, Krementchouk, Rivné, régions de Soumy, Khmelnistky, Volyn, Odessa et autres, les frappes ont touché tout le pays, et les autorités locales annonçaient tour à tour les dommages dans leur ville sur les réseaux sociaux.
Plus d’électricité à Odessa, la grande ville portuaire du sud-ouest, courant coupé à 80% à Lviv, la ville majeure de l’ouest du pays, où le métro était bloqué, tout comme à Kharkiv, la deuxième ville du pays près de la frontière russe au nord-est.
En Moldavie, pays voisin au sud-ouest de l’Ukraine, les frappes russes ont aussi entraîné des coupures d’électricité.
«Chaque bombe qui tombe en Ukraine affecte aussi la Moldavie et notre peuple», a écrit sur Twitter le chef de la diplomatie moldave Nicu Popescu.
Les précédentes frappes ayant visé la capitale ukrainienne remontaient aux 10 et 17 octobre, et avaient avant tout visé, comme ailleurs dans le pays, les infrastructures énergétiques ukrainiennes, afin de priver la population d’électricité à l’approche de l’hiver.
En retour, des frappes ukrainiennes sur la région russe de Belgorod, frontalière au nord-est, ont fait deux morts et trois blessés, a indiqué sur Telegram le gouverneur de la région, Viatcheslav Gladkov.
Les frappes massives sur l’Ukraine ont eu lieu quatre jours après l’humiliant retrait des forces russes d’une partie de la région de Kherson, dont la ville du même nom, dans le sud, après plus de huit mois d’occupation.
Nouveau repli russe
Le Kremlin a dû s’y résoudre du fait d’une contre-offensive de l’armée ukrainienne, galvanisée par les armes livrées par les Occidentaux. Les troupes russes avaient déjà dû se replier du nord du pays au printemps, puis du nord-est en septembre.
Signe des difficultés des Russes sur le terrain, les autorités d’occupation dans la région de Kherson, dont Moscou revendique l’annexion, ont dû abandonner une nouvelle ville, Nova Kakhovka.
Cette ville est située sur la rive gauche (orientale) du Dniepr, où les forces russes s’étaient repliées la semaine dernière faute de pouvoir tenir la rive droite (occidentale), où se trouve Kherson.
Après le retrait russe le 11 novembre de la rive droite du Dniepr, «Nova Kakhovka s’est retrouvé sous le feu direct de l’artillerie lourde et des mortiers des forces armées ukrainiennes», a déclaré l’administration d’occupation.
Lavrov quitte le G20
Les frappes sont aussi survenues en plein sommet du G20 en Indonésie, boudé par le président russe Vladimir Poutine qui n’a pas même souhaité s’y exprimer par visioconférence.
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a souligné sur Twitter que Kyiv était «dans l’attente d’une réaction de principe du sommet du G20».
«Ces frappes russes ne feront qu’approfondir les préoccupations au sein du G20 concernant l’impact déstabilisateur de la guerre de Poutine», a pour sa part déclaré le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan, dans un communiqué.
À l’issue d’un entretien de trois heures la veille avec son homologue américain Joe Biden, le président chinois Xi Jinping, donc chaque froncement de sourcil à l’égard de son allié russe est scruté, avait reconnu être «très préoccupé» par le conflit en Ukraine.
Mais Moscou, qui avait dépêché sur place son chef de la diplomatie Sergueï Lavrov, n’a donné aucun signe de vouloir cesser ses attaques.
«Tous les problèmes proviennent de la partie ukrainienne qui refuse catégoriquement des négociations et avance des revendications manifestement irréalistes» en réclamant au préalable le retrait des forces russes de son territoire, a-t-il déclaré.
M. Lavrov a quitté le sommet dès mardi, «comme prévu» selon l’agence de presse publique russe Ria Novosti.