À l'approche du 9 mai, date où la Russie commémore en grande pompe la victoire sur l'Allemagne nazie en 1945, le gouverneur de la région de Lougansk a dit s'attendre à «une intensification des bombardements». (Photo: Getty Images)
Ce texte regroupe tous les derniers développements à propos de l’invasion de la Russie en Ukraine pour la journée du 29 avril. Pour retrouver toute notre couverture sur le conflit, c’est ici. NDLR. Certains contenus sont explicites et peuvent être difficiles à lire.
9h36 | Energodar — Un bâtiment administratif est calciné, mais ceux des réacteurs semblent intacts: l’AFP a pu visiter dimanche la centrale nucléaire de Zaporijjia, la plus grande d’Ukraine et d’Europe, dont la prise par l’armée russe a suscité l’inquiétude de la communauté internationale.
Les forces de Moscou ont pris le contrôle début mars de cette centrale située dans la ville d’Energodar (écrit Enerhodar, en ukrainien) dans le sud de l’Ukraine, séparée par les eaux du Dniepr de la capitale régionale Zaporijjia, sous contrôle ukrainien.
Les affrontements qui s’y sont déroulés ont suscité la crainte au sein de la communauté internationale d’une catastrophe nucléaire similaire à celle survenue en 1986 à Tchernobyl.
Lors d’un voyage de presse organisé par l’armée russe, l’AFP a pu constater les dégâts: la façade d’un vaste bâtiment administratif qui servait de centre d’entraînement au personnel de la centrale est noircie par les flammes et de nombreuses fenêtres sont explosées.
Mais aucune trace de tir ou de bombardement n’était visible sur les six cubes surmontés d’un dôme rouge renfermant les réacteurs qui ont commencé à être construits dans les années 1980.
La semaine dernière, l’Agence internationale de l’énergie atomique a jugé «préoccupante» la situation à la centrale de Zaporijjia, à laquelle ses experts n’ont pas eu accès depuis sa prise par Moscou.
La centrale «fonctionne normalement, en accord avec les normes nucléaires, radioactives et environnementales», assure toutefois sur place le major général Valéri Vassiliev, spécialiste des questions nucléaires et chimiques, dépêchée par Moscou pour sécuriser le site.
Affichant leur décontraction, aucun des quelques soldats montant la garde derrière des piles de sacs de sable ne porte de combinaison, de masque ou tout autre équipement de protection contre les radiations.
«Ici, tout va bien!», claironne le nouveau maire pro-Moscou d’Energodar, Andreï Chevtchik, arrivé à ce poste dans le sillage des Russes.
«Nous sommes prêts à vendre de l’électricité à l’Europe. Tout acheteur est bienvenu. C’est très bon marché!», ajoute-t-il, avant de repartir à bord d’un VUS rutilant et bardé de drapeaux russes.
Un grand flou entoure cependant le fonctionnement de la centrale, qui continue d’être assuré par les équipes ukrainiennes.
L’AFP n’a pu rencontrer aucun des employés du site et le degré de coordination entre ceux-ci et les nouveaux maîtres des lieux n’est pas clair.
Avant le début de l’offensive russe en Ukraine, cette centrale avait une capacité de 5 700 mégawatts, soit de quoi couvrir plus de 20% des besoins du pays en électricité.
Guerre en Ukraine: la situation sur le terrain au 68e jour
8h53 | Paris — L’Ukraine est confrontée lundi dans l’est de son territoire à une lente progression des forces russes, en supériorité numérique et mieux dotées en armements lourds, au 68e jour d’une guerre un rien figée sur ses positions.
L’armée russe grignote du terrain en cherchant à prendre en étau son adversaire depuis le nord et le sud, afin de compléter son emprise sur le bassin minier du Donbass.
Mais selon l’Institut américain pour l’étude de la guerre (ISW), «les forces russes ont continué de mener des assauts infructueux au sol, le long de la ligne de front Donetsk-Lougansk, et n’ont pas enregistré de gains territoriaux substantiels le 1er mai».
Voici un point de la situation, à partir d’informations des journalistes de l’AFP sur place, de déclarations officielles ukrainiennes et russes, de sources occidentales, d’analystes et d’organisations internationales.
L’Est
«Les forces ukrainiennes ont conduit une frappe à l’artillerie sur un poste de commande russe à Izioum», au sud-est de Kharkiv, «le 30 avril», selon l’ISW.
Les Russes poursuivent de leur côté des «avancées marginales» vers la ville de Lyman», dans la région de Donetsk, «mais sont bloqués par leurs adversaires “sur la ligne de front d’avant le 24 février”, date du début de l’invasion russe en Ukraine.
Le Sud
Les autorités ukrainiennes prévoient de nouvelles évacuations d’habitants de Marioupol lundi, après une première opération qui a sorti une centaine de civils de l’usine Azovstal, assiégée par les forces russes dans ce port stratégique sur la mer d’Azov.
Ces civils étaient attendus lundi à Zaporijjia, ville située à quelque 200 km au nord-ouest de Marioupol et toujours sous contrôle ukrainien, même si la ligne de front s’en rapproche.
Kyiv a affirmé lundi avoir détruit deux patrouilleurs russes, près de l’île aux Serpents, en mer Noire, devenue symbole de la résistance ukrainienne depuis le début de l’invasion.
Les patrouilleurs russes de classe Raptor font partie des navettes les plus rapides de la marine russe, pouvant atteindre près de 90 km/h à pleine vitesse.
Moscou n’a pas confirmé l’information.
Bilan humain
Il n’existe aucun bilan global des victimes civiles de l’invasion russe contre l’Ukraine. Rien qu’à Marioupol, les autorités ukrainiennes ont parlé de 20 000 morts dans les combats et les privations liées au blocus.
Les enquêteurs ukrainiens affirment de leur côté avoir identifié “plus de 8 000 cas” présumés de crimes de guerre depuis le début de l’invasion russe.
Selon un bilan du ministère ukrainien de la Défense publié samedi, l’armée russe a perdu 23 000 hommes, 190 avions et 1 000 chars depuis le début de son offensive.
Le Kremlin a récemment admis des “pertes importantes”, sans donner de chiffres. Le 25 mars, il avait reconnu la mort de 1 351 soldats pour 8.825 blessés. Certaines sources occidentales font état de jusqu’à 12 000 soldats russes tués.
Côté ukrainien, le président Zelensky a déclaré qu’environ 2 500 à 3 000 soldats ukrainiens avaient été tués depuis le début du conflit et quelque 10 000 blessés.
Aucun chiffre véritablement indépendant n’est disponible.
Selon le ministère britannique de la Défense, Moscou a engagé dans la guerre 120 bataillons tactiques dans ce conflit, soit 65% de sa capacité totale au sol. Un quart de ces bataillons seraient aujourd’hui inaptes au combat.
Déplacés et réfugiés
Selon le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR), plus de 5,4 millions d’Ukrainiens ont fui leur pays. Les femmes et les enfants représentent 90% de ces réfugiés, les hommes de 18 à 60 ans, susceptibles d’être mobilisés, n’ayant pas le droit de partir.
Plus de 7,7 millions de personnes ont quitté leur foyer, mais se trouvent toujours en Ukraine, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Quelque 8,3 millions de personnes pourraient fuir le pays cette année, selon des estimations de l’ONU publiées la semaine passée.
À la page suivante, ukraine: les premiers évacués d’Azovstal attendus à Zaporijjia.
6h29 | Zaporijjia — L’Ukraine espère lundi pouvoir continuer à évacuer des civils depuis Marioupol, tandis que les forces russes poursuivent leur offensive sur le Donbass et que les Européens finalisent un projet d’embargo progressif sur le pétrole russe.
Une centaine de personnes ont déjà été évacuées ce week-end depuis l’immense aciérie Azovstal, dernière poche de résistance ukrainienne de ce port stratégique du sud du Donbass presqu’entièrement sous contrôle russe. Elles étaient attendues lundi à Zaporijjia, ville située à quelque 200 km au nord-ouest et toujours sous contrôle ukrainien même si la ligne de front s’en rapproche.
Deux 4×4 blindés de l’Unicef et d’autres véhicules d’ONG internationales ainsi que des journalistes les attendaient sur un stationnement de la périphérie de Zaporijjia transformé en point d’accueil pour les réfugiés, a constaté l’AFP.
Les évacuations, qui ont commencé samedi en coordination entre l’Ukraine, la Russie et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), ont permis, pour la première fois en deux mois de siège de la ville d’évacuer «plus de 100 civils» terrés dans les caves de l’immense aciérie Azovstal, avec les derniers combattants ukrainiens, selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
«Aujourd’hui, pour la première fois depuis le début de la guerre, ce couloir humanitaire vital a commencé à fonctionner. Pour la première fois, il y a eu deux jours de vrai cessez-le-feu sur ce territoire» du complexe sidérurgique, s’est-il réjoui dimanche soir.
La vice-première ministre ukrainienne, Iryna Verechtchouk, a cependant rappelé que «des centaines de civils restent bloqués à Azovstal».
Un nouveau train d’évacuation devait commencer lundi matin vers 07h00 (minuit, heure du Québec), mais les bus n’étaient «pas encore arrivés au point de rassemblement» après 12h00, a indiqué la mairie de Marioupol sur son compte Telegram.
9 mai
Depuis le début de l’invasion russe le 24 février, des milliers de civils ont quitté cette ville portuaire transformée en champ de ruines. Les Ukrainiens estiment qu’au moins 20 000 personnes y ont trouvé la mort depuis le début du siège russe début mars.
Dans le reste du Donbass, les forces russes poursuivent leur offensive, avec des combats particulièrement intenses autour d’Izioum, de Lyman et de Roubijné, dont les Russes tentent de «prendre le contrôle pour préparer leur attaque sur Severodonetsk», l’une des grandes villes du Donbass encore contrôlées par Kyiv, a indiqué lundi l’état-major ukrainien.
À l’approche du 9 mai, date où la Russie commémore en grande pompe la victoire sur l’Allemagne nazie en 1945, le gouverneur de la région de Lougansk a dit s’attendre à «une intensification des bombardements».
Mais à ceux qui pronostiquaient une action militaire particulière à l’approche du 9 mai, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a semblé envoyer une fin de non-recevoir.
«Nos militaires n’ajusteront pas artificiellement leurs actions à une quelconque date, y compris le jour de la Victoire», a déclaré M. Lavrov dans une interview à la chaîne de télévision italienne Mediaset diffusée dimanche.
Interrogé sur les affirmations russes selon lesquelles la guerre vise à «dénazifier» l’Ukraine alors que le président Zelensky est juif, le ministre a suscité un tollé en affirmant: «Je peux me tromper, mais Hitler avait aussi du sang juif».
Son homologue israélien Yaïr Lapid a jugé ces propos «scandaleux, impardonnables et une horrible erreur historique», et convoqué l’ambassadeur russe pour «clarifications».
Bateaux russes détruits
Dans le sud du pays, les Russes tentent aussi d’élargir la région qu’ils contrôlent autour de Kherson: dans cette ville côtière, seule ville ukrainienne d’importance dont Moscou ait revendiqué le contrôle total jusqu’ici, les Russes devaient introduire le rouble ce week-end, afin d’éliminer progressivement l’usage de la monnaie ukrainienne hryvnia.
Kyiv, qui a dénoncé «un acte d’annexion», accuse aussi Moscou de vouloir organiser prochainement un «référendum» visant à proclamer l’indépendance» de cette région, comme cela a été fait par les séparatistes prorusses du Donbass en 2014.
L’armée ukrainienne a affirmé par ailleurs avoir détruit avec des drones Bayraktar deux bateaux patrouilleurs russes de type Raptor près de l’île aux Serpents, en mer Noire. L’île est devenue symbole de la résistance ukrainienne depuis le début de l’invasion des forces de Moscou le 24 février.
Ces patrouilleurs, qui peuvent transporter une vingtaine de personnes, font partie des navettes les plus rapides de la marine russe.
Nouvelles sanctions
Les Occidentaux, qui ont accéléré leurs livraisons d’armes lourdes pour aider l’Ukraine à résister à l’offensive russe, travaillent de leur côté à durcir encore leurs sanctions économiques contre Moscou.
L’Union européenne finalise notamment un arrêt progressif de ses achats de pétrole et de produits pétroliers à la Russie. Les ministres de l’Énergie des 27 — dont 30% des importations de pétrole viennent de Russie — devaient se retrouver lundi après-midi à Bruxelles pour peaufiner un calendrier.
Un contrat avec le groupe russe Rosatom pour construire un réacteur nucléaire dans le nord de la Finlande a par ailleurs été annulé en raison des «risques» supplémentaires liés à l’invasion russe de l’Ukraine, a annoncé lundi le consortium à majorité finlandaise pilotant le projet.
Estimé à plus de 7,5 milliards d’euros, ce projet de réacteur de 1 200 mégawatts, situé à Pyhajöki, remonte à 2010 et avait déjà souffert de nombreux retards et d’incertitudes.
Les Européens espèrent aussi plaider pour une aide à l’Ukraine avec le premier ministre indien, Narendra Modi, qui entame lundi en Allemagne une tournée de trois jours en Europe.
L’Inde cherche un équilibre difficile entre ses relations avec l’Occident et celles avec la Russie, un de ses grands fournisseurs en armes et en énergie. Elle s’est abstenue de condamner ouvertement l’invasion russe de l’Ukraine, et de se joindre aux votes en ce sens aux Nations unies.
En bientôt 10 semaines de guerre, plus de 5,4 millions d’Ukrainiens ont quitté leur pays, selon l’ONU, et plus de 7,7 millions ont quitté leur foyer, d’après l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Mais aucun bilan fiable n’est disponible, notamment du côté des pertes militaires: la Russie avait indiqué le 25 mars que 1 351 militaires russes étaient morts et 3 825 blessés dans le conflit, bilan non actualisé depuis et sous-estimé selon les Occidentaux.
Le président Zelensky avait lui indiqué le 16 avril qu’entre 2 500 et 3 000 militaires ukrainiens avaient péri, et une dizaine de milliers avaient été blessés.