Trump président: les répercussions économiques sur le Québec
François Normand|Mis à jour le 08 novembre 2024(Photo by Chip Somodevilla/Getty Images)
ANALYSE GÉOPOLITIQUE. Les politiques de la nouvelle administration de Donald Trump – qui prendra le pouvoir à la fin du mois de janvier – risquent d’entraîner des répercussions économiques importantes et négatives sur les entreprises du Québec.
Tout d’abord en raison des tarifs douaniers de 10% à 20% que le futur président Trump compte imposer sur tous les produits importés aux États-Unis, incluant ceux en provenance du Canada – malgré le libre-échange nord-américain.
Dans le cas de la Chine, on parle de tarifs d’au moins 60%.
Élections américaines: notre couverture
Dans le cas du Canada, des tarifs ou des taxes à l’importation feraient en sorte que les importateurs américains (ceux qui achètent nos produits et paieraient en fait ces tarifs) auraient sensiblement deux options:
- Cesser d’acheter certains produits au Canada devenus trop dispendieux pour se rabattre sur des biens similaires fabriqués aux États-Unis;
- Continuer d’acheter des produits canadiens nichés et assez uniques, et ce, pour soit refiler la taxe de 10% à 20% aux consommateurs américains (des particuliers et/ou des entreprises) ou accepter de réduire leur marge bénéficiaire afin de ne pas trop faire augmenter les prix.
Pour plusieurs entreprises québécoises exportatrices, ces tarifs se traduiront donc par des pertes de ventes, voire carrément des pertes de clients.
En 2018, lors de son premier mandat, l’administration Trump avait imposé des tarifs respectifs de 25% et de 10% sur les importations américaines d’acier en provenance de plusieurs pays, dont la Russie, la Chine et le … Canada.
À l’époque, Ottawa a fait des représentations auprès de Washington, faisant valoir l’intégration continentale des chaînes de valeur. L’administration Trump a finalement entendu les arguments du Canada, exemptant le pays de ces tarifs en 2019.
Comme le Québec expédie environ 75% de ses exportations aux États-Unis, on comprend rapidement à quel point un tarif de 10% serait très dommageable pour nos exportateurs et des pans importants de notre économie.
La prochaine administration Trump pourrait aussi renforcer les clauses d’achat local dites du Buy America et du Buy American, comme l’ont fait du reste l’administration de Barak Obama (2009-2017) puis celle de l’administration sortante de Joe Biden (2021-2025).
Donald Trump n’a pas inventé le protectionnisme.
Pour l’essentiel, ces mesures forcent les agences fédérales américaines à acheter plus de biens, de produits et de matériaux (incluant pour la construction) qui sont fabriqués aux États-Unis.
Réexamen de l’ACÉUM en 2026
L’autre menace qui plane sur nos entreprises est l’examen en 2026 de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACÉUM), qui a remplacé l’ancien Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) de 1994.
Cet examen est prévu depuis l’entrée en vigueur de l’ACÉUM, en 2020.
Sans surprise, il faut s’attendre à ce que l’administration Trump demande de nouvelles concessions au Canada et au Mexique en faveur des entreprises et des travailleurs américains.
N’oublions que la devise phare de Donald Trump est «America First» ou «l’Amérique d’abord».
On peut imaginer par exemple de nouvelles exigences de contenu local pour l’industrie automobile américaine, incluant les producteurs de voitures électriques. Or, au Québec, nous avons fournisseurs qui approvisionnement des constructeurs automobiles aux États-Unis en pièces et en équipements.
L’industrie automobile est jugée très stratégique par Washington, peu importe qui, des démocrates ou des républicains, sont aux commandes à la Maison-Blanche.
En 2018, l’administration Trump a imposé un tarif de 25% sur l’importation de voitures électriques chinoises. Joe Biden a porté ce tarif à 100% en 2024 – le Canada a fait de même en octobre, portant son tarif à 106%.
Et, durant la campagne électorale, Trump s’est même engagé à imposer un tarif de 200% sur les voitures chinoises qui sont fabriquées au Mexique pour ensuite être vendues aux États-Unis.
Marchés publics, gestion de l’offre, culture
Durant l’examen de l’ACÉUM, l’administration Trump pourrait aussi demander un meilleur accès aux marchés publics au Canada, c’est-à-dire les achats des gouvernements et des sociétés d’État comme Hydro-Québec.
Les entreprises québécoises feraient alors face à une plus grande concurrence, alors qu’HQ dépensera de 155 à 185 milliards de dollars (G$) d’ici 2035 pour accroître sa capacité de 8000 à 9000 mégawatts (MW).
Des contrats à venir qui doivent d’ores et déjà faire saliver des entreprises américaines au sud de la frontière.
La nouvelle administration Trump pourrait aussi exiger de nouvelles concessions au système canadien de la gestion de l’offre, qui gère la production de lait, d’œuf et de volaille au Canada.
À l’aide de tarifs douaniers très élevés, le Canada limite l’importation de ces produits. Ottawa garantit ainsi des ventes stables aux producteurs canadiens dans les régions, dont une partie importante est située au Québec.
Les producteurs de lait américain – dont ceux du Wisconsin, dans le nord des États-Unis – dénoncent ce système qui limite grandement leur accès au marché canadien.
Il ne faut pas non plus exclure que l’administration Trump fasse également pression pour avoir un meilleur accès aux industries culturelles au Canada.
L’ACÉUM a maintenu l’exception culturelle contenue dans le défunt ALÉNA. Cette exception préserve la capacité des industries culturelles au pays, notamment au Québec, de produire du contenu local, notamment dans un environnement de plus en plus numérique.
La grande question que l’on doit se poser est la suivante: si le président Trump impose des tarifs de 10% et qu’ils sont toujours en vigueur en 2026, quelles concessions serons-nous prêts à faire pour les faire réduire, voire les éliminer?
Quels secteurs pourrons-nous encore protéger?