Ukraine: expulsions massives de diplomates russes
AFP et La Presse Canadienne|Publié le 04 avril 2022La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd) a annoncé lundi «suspendre avec effet immédiat» l'accès de la Russie et de la Biélorussie à ses financements et à son expertise. (Photo: Getty Images)
Ce texte regroupe toutes les réactions depuis l’invasion de la Russie en Ukraine pour la journée du 29 mars 2022. Il sera mis à jour au courant de la journée. Pour retrouver toute notre couverture sur le conflit, c’est ici.
Ukraine: expulsions massives de diplomates russes
La France et l’Allemagne ont annoncé lundi l’expulsion massive de diplomates russes de leurs pays, alors que les Occidentaux appellent à enquêter sur les «crimes de guerre» imputés aux soldats russes dans la région de Kyiv.
L’Allemagne a annoncé l’expulsion d’«un nombre élevé» de diplomates russes — 40 selon des informations de l’AFP — en poste à Berlin, en lien avec la guerre en Ukraine.
La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a souligné que ces employés de l’ambassade de Russie constituaient «une menace pour ceux et celles qui cherchent une protection chez nous».
«Nous ne le tolèrerons plus», a-t-elle ajouté dans une courte déclaration écrite.
Cette expulsion «inamicale» va « détériorer » les relations avec Moscou, a réagi la Russie.
La France va expulser, elle, 35 diplomates russes «dont les activités sont contraires à (ses) intérêts», a-t-on appris lundi de source proche du ministère français des Affaires étrangères.
«Cette action s’inscrit dans une démarche européenne», selon un communiqué du ministère français.
«Préserver les preuves »
La Lituanie a annoncé le jour même l’expulsion de l’ambassadeur de Russie dans ce pays balte « en réponse à l’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine souveraine et aux atrocités commises par les forces armées russes ».
Les Nations Unies et plusieurs pays occidentaux ont affiché leur indignation après la découverte ce week-end de dizaines de corps portant des vêtements civils à Boutcha, au nord-ouest de Kyiv, dans les rues ou des fosses communes, à la suite du retrait des Russes qui desserrent l’étau sur la capitale pour se redéployer dans le sud et l’est du pays.
La Haute-commissaire aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, s’est dite « horrifiée » et a appelé « à préserver toutes les preuves » de ces « possibles crimes de guerre » et « violations graves des droits de l’homme ».
Le président américain Joe Biden a réclamé lundi un « procès pour crimes de guerre » et dit vouloir prendre « des sanctions supplémentaires » contre la Russie.
«Il faut qu’il rende des comptes», a-t-il ajouté à propos de son homologue russe Vladimir Poutine, en répétant qu’il le considérait comme un « criminel de guerre ».
De nouvelles sanctions contre la Russie étaient discutées lundi au sein de l’Union européenne, réclamées notamment par la France et l’Allemagne.
«Embargos contraignants»
La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a appelé lundi les dirigeants des 27 à instaurer des « embargos contraignants » sur les importations énergétiques russes, et accuse la Russie d’avoir commis des « crimes de guerre » en Ukraine.
L’UE a annoncé avoir mis en place « une équipe d’enquête conjointe avec l’Ukraine pour recueillir des preuves et enquêter sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité », a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
L’UE souhaite unir ses forces avec la Cour pénale internationale (CPI) qui enquête depuis le 3 mars sur des allégations de crimes de guerre en Ukraine.
«Les auteurs de ces crimes odieux ne doivent pas rester impunis», a ajouté Ursula von der Leyen après un entretien avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Ce dernier s’est rendu lundi à Boutcha, où il a dénoncé les exactions de l’armée russe, des « crimes de guerre » qui seront « reconnus comme un génocide », terme mentionné un peu plus tôt par le premier ministre espagnol Pedro Sanchez et son homologue polonais Mateusz Morawiecki.
«Balle dans la nuque»
« Chaque jour, lorsque nos combattants entrent et reprennent des territoires, vous voyez ce qu’il se passe », a ajouté devant la presse M. Zelensky, vêtu d’un manteau kaki et d’un gilet pare-balle, entouré par des militaires dans les rues de Boutcha dévastée.
Lioudmila Denissova, chargée des droits humains auprès du Parlement ukrainien, a affirmé lundi que les soldats ukrainiens capturés par l’armée russe et récemment libérés avaient fait état de «traitements inhumains».
Le Kremlin avait vivement réagi lundi matin en rejetant « catégoriquement toutes les accusations », par la voix de son porte-parole, Dmitri Peskov.
L’armée russe était parvenue à Boutcha et dans la ville voisine d’Irpin, qui borde Kyiv au nord-ouest, très rapidement après le début de l’invasion de l’Ukraine le 24 février.
Dans les semaines qui ont suivi, les deux villes ont été le théâtre de féroces combats qui les ont en partie dévastées et fait fuir la plupart des habitants.
Lundi, le bureau de la procureure générale d’Ukraine a affirmé que les corps de cinq hommes avec les mains liées ont été retrouvés dans la cave d’un sanatorium pour enfants à Boutcha. Des « civils » qui ont été «battus» avant d’être tués par des «soldats russes», selon cette source.
«fosses communes»
Les Ukrainiens ont annoncé les avoir reprises ces derniers jours, après que les Russes ont indiqué desserrer l’étau sur Kyiv et le nord pour concentrer leurs efforts militaires sur l’est du pays.
Selon la procureure générale d’Ukraine, Iryna Venediktova, les dépouilles de 410 civils ont été retrouvées à Boutcha et dans d’autres territoires de la région de Kyiv récemment repris aux troupes russes.
Samedi, l’AFP avait vu à Boutcha les cadavres d’au moins 22 personnes portant des vêtements civils dans des rues. Le maire de la ville, Anatoli Fedorouk, avait assuré qu’elles ont été tuées d’« une balle dans la nuque », suggérant des exécutions sommaires massives de la part des soldats russes.
M. Fedorouk a affirmé que «280 personnes» avaient été enterrées «dans des fosses communes», car elles ne pouvaient être inhumées dans les cimetières communaux, tous à portée des tirs russes pendant les combats.
«On ne peut pas faire confiance à ces images vidéo», a répondu M. Peskov. Selon le porte-parole du Kremlin, des experts russes ont découvert des signes de «falsifications» dans ces images.
Alors que l’armée russe semble se retirer des alentours de Kyiv et du nord de l’Ukraine, le but semble être une attaque «massive» dans l’est, selon les autorités locales ukrainiennes.
«Nous voyons que des équipements arrivent de différentes directions, qu’ils (les Russes) amènent des hommes, qu’ils apportent du carburant (…). Nous comprenons qu’ils se préparent à une attaque massive», a déclaré lundi dans un message-vidéo le gouverneur la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï.
Selon des experts militaires occidentaux, la Russie cherche à contrôler un territoire continu allant de la Crimée aux deux républiques séparatistes prorusses du Donbass, Donetsk et Lougansk.
Gaz et pourparlers
Une seule ville l’empêche: la cité portuaire de Marioupol (sud-est), qu’elle pilonne sans relâche depuis plus d’un mois, laissant la population livrée à elle-même, dans des conditions terribles.
Marioupol, qui comptait près d’un demi-million d’habitants, est détruite « à 90% », a annoncé lundi son maire Vadim Boïtchenko.
Les Occidentaux veulent désormais adopter de nouvelles mesures contre Moscou, après avoir déjà acté plusieurs trains de sanctions depuis le 24 février, ciblant des entreprises, des banques, de hauts responsables, des oligarques, et interdisant l’exportation de biens vers la Russie.
La pression porte sur les hydrocarbures, importante ressource financière pour la Russie.
Mais l’Allemagne a prévenu lundi qu’elle ne pouvait pas se passer des livraisons de gaz russe « à court terme », par la voix de son ministre des Finances, Christian Lindner.
Les États-Unis ont interdit l’importation de pétrole et de gaz russes peu après l’invasion de l’Ukraine, mais pas l’UE qui s’approvisionnait en Russie à hauteur de 40% environ en 2021.
La guerre, intense, a fait, a minima, des milliers de morts et contraint à l’exil plus de 4,2 millions d’Ukrainiens, à 90% des femmes et des enfants.
11h29 | Francfort — L’État allemand va prendre le contrôle temporaire de la filiale allemande du géant russe Gazprom, en raison de son «importance pour l’approvisionnement» en énergie de l’Allemagne, a annoncé le ministre de l’Économie Robert Habeck.
L’agence fédérale des réseaux va devenir jusqu’au 30 septembre l’administrateur de «Gazprom Germania» dont Gazprom était l’unique propriétaire.
Or le groupe avait annoncé vendredi son «retrait» de cette filiale, sans immédiatement indiquer de repreneur, créant un flou sur l’avenir de l’entité en plein conflit autour du gaz russe.
Les filiales de Gazprom sont les opérateurs d’importantes infrastructures de stockage de gaz et de carburants en Allemagne. Gazprom Germania détient à son tour plusieurs filiales au Royaume-Uni, en Suisse et en République tchèque.
«Le gouvernement fait ce qui est nécessaire pour assurer la sécurité d’approvisionnement en Allemagne, et ceci inclut de ne pas exposer les infrastructures d’énergie à des décisions arbitraires du Kremlin», a expliqué M. Habeck lors d’une conférence de presse.
«Les droits de vote des propriétaires de Gazprom Germania sont transférés à l’agence fédérale des réseaux», la Bundesnetzagentur, qui «peut prendre toutes les décisions nécessaires pour garantir l’approvisionnement», a détaillé le ministre.
Vendredi, le géant russe avait annoncé dans un communiqué avoir «mis fin le 31 mars à sa participation dans Gazprom Germania et l’ensemble des actifs de celle-ci» sans détailler la nouvelle structure de propriété.
Berlin dit toutefois avoir «eu connaissance» d’une acquisition de l’entreprise par des entités aux «origines incertaines», qui aurait dû être signalée au gouvernement, et d’une «volonté de liquidation» de Gazprom Germania.
Cette «incertitude sur la propriété» de Gazprom Germania et la nécessité de «garantir la sécurité de l’approvisionnement» en énergie du pays a poussé le ministère à prendre cette mesure exceptionnelle
Ukraine: Biden veut un «procès pour crimes de guerre» après Boutcha
11h25 | Washington — Le président américain Joe Biden a déclaré lundi vouloir un «procès pour crimes de guerre» après la découverte de nombreux corps portant des vêtements civils à Boutcha, dans les environs de Kiev, mais a estimé qu’il ne s’agissait pas d’un «génocide».
«Nous devons rassembler les informations» et «nous devons avoir tous les détails» pour «avoir un procès pour crimes de guerre», a-t-il dit.
Interrogé pour savoir s’il pensait qu’il s’agissait là d’un «génocide», il a dit: «Non, je pense que c’est un crime de guerre».
Le président américain a également assuré qu’il voulait prendre «des sanctions supplémentaires» contre la Russie.
«Vous vous souvenez peut-être que j’ai été critiqué pour avoir appelé Poutine un +criminel de guerre+. Hé bien la vérité (…) c’est qu’il est un criminel de guerre», a-t-il encore déclaré.
«Ce gars est brutal, ce qui se passe à Boutcha est scandaleux et tout le monde l’a vu», a dit Joe Biden.
«Il faut qu’il rende des comptes», a-t-il encore lancé à la presse, en arrivant à Washington après un week-end dans sa résidence familiale du Delaware.
Le président Volodymyr Zelensky s’est rendu lundi à Boutcha et il y a accusé l’armée russe de «crimes de guerre» qui seront «reconnus comme un génocide».
Cette petite ville au nord-ouest de Kiev a été occupée par l’armée russe dès le 27 février, restant inaccessible pendant plus d’un mois.
L’AFP y a vu samedi les cadavres d’au moins 22 personnes portant des vêtements civils dans des rues. L’une d’elles était couchée près d’un vélo et une autre avait des sacs à provisions à côté d’elle. Un cadavre avait les mains liées dans le dos.
On ne pouvait dans l’immédiat déterminer la cause de leur mort, mais deux personnes présentaient une large blessure à la tête.
Moscou a pour sa part démenti avoir tué des civils à Boutcha, le Kremlin et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov évoquant des «falsifications» et mises en scène à destination de la presse.
La Russie et la Biélorussie privées d’accès aux fonds de la Berd
6h59 | Londres — La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd) a annoncé lundi «suspendre avec effet immédiat» l’accès de la Russie et de la Biélorussie à ses financements et à son expertise, dans la foulée de l’invasion en Ukraine.
Cette décision «signifie qu’il ne peut y avoir de nouveaux financements de projets ou d’activités de coopération technique» de la Berd en Russie ou en Biélorussie, a précisé l’institution dans un communiqué.
La banque, qui avait déjà annoncé être en train de fermer ses bureaux à Moscou et à Minsk, indique qu’elle «se réserve le droit de suspendre ou d’annuler de nouveaux versements de financements sur des projets existants».
Cette annonce est intervenue alors que l’Union européenne discutait lundi de sanctions supplémentaires contre Moscou, après la découverte d’un grand nombre de corps de civils dans la région de Kyiv, notamment à Boutcha, après le retrait russe.
«Il est triste d’en être arrivé là après tant d’années de coopération et d’activité dans ces deux pays», a commenté Odile Renaud-Basso, présidente de la Berd, citée dans le communiqué. «Mais la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine ne nous a laissé d’autre choix que de condamner avec davantage que des mots», a-t-elle ajouté.
La Berd dit se concentrer désormais sur le déploiement d’un programme de soutien de 2 milliards d’euros à l’Ukraine et aux pays de la région directement touchés par la crise des réfugiés, annoncé début mars.
La banque s’est aussi engagée à participer à un programme de reconstruction de l’Ukraine dès que les conditions le permettront.
L’institution avait averti la semaine dernière que la guerre faisait peser sur l’économie mondiale le risque de se trouver confrontée au «plus fort choc d’approvisionnement depuis au moins le début des années 1970».
Selon elle, l’économie de l’Ukraine devrait se contracter de 20% cette année à cause de l’invasion du pays par la Russie, qui verra de son côté son PIB plonger de 10% — en partant du principe qu’un arrêt des hostilités sera décidé sous quelques mois, suivis d’un effort majeur de reconstruction de l’Ukraine.
D’après ce scénario, l’économie de l’Ukraine devrait rebondir de 23% l’an prochain, tandis que le PIB de la Russie, qui devrait encore subir des sanctions, devrait tout juste se stabiliser avec une croissance nulle.
La Berd a été fondée en 1991 pour aider les pays de l’ex-bloc soviétique à passer à une économie de marché, mais elle a depuis étendu son périmètre pour inclure des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.