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Ukraine: la bataille pour Severodonetsk continue

AFP et La Presse Canadienne|Mis à jour le 16 avril 2024

Ukraine: la bataille pour Severodonetsk continue

Les forces ukrainiennes devront peut-être quitter Severodonetsk pour des positions mieux fortifiées, a déclaré mercredi le gouverneur régional Serguiï Gaïdaï. (Photo: Getty Images)

Ce texte regroupe tous les derniers développements à propos de l’invasion de la Russie en Ukraine pour la journée du 08 juin. Pour retrouver toute notre couverture sur le conflit, c’est ici. NDLR. Certains contenus sont explicites et peuvent être difficiles à lire. 

10h38 | Lyssytchansk — Des combats intenses se poursuivaient mercredi dans la ville stratégique de Severodonetsk, le gouverneur de cette région du Donbass évoquant un retrait possible des forces de Kyiv, tandis que les chefs des diplomaties russe et turque ont discuté à Ankara du déblocage des exportations des céréales ukrainiennes, sans rien annoncer de concret.

«Il faudra peut-être se retirer» de Severodonetsk, a indiqué mercredi Serguiï Gaïdaï, gouverneur de la région de Lougansk, sur la chaîne ukrainienne 1 +1. Mardi soir, il avait déjà indiqué que tenir cette ville tenait de la «mission impossible», même si le ministère ukrainien de la Défense affirmait encore mercredi que les forces ukrainiennes «résistent aux attaques» russes.

Depuis la chute le 20 mai du port de Marioupol, sur la mer d’Azov, les Russes concentrent leur offensive sur cette ville de Severodonetsk, à la limite occidentale de la région de Lougansk, une des deux régions du Donbass avec celle de Donetsk. 

Ils visent à prendre le contrôle total de ce bassin minier de l’est de l’Ukraine, déjà partiellement contrôlé par des séparatistes prorusses depuis 2014.

Les forces de Moscou n’ont progressé que lentement jusqu’ici, faisant dire aux analystes occidentaux que l’invasion russe lancée le 24 février a tourné à la guerre d’usure, avec des avancées limitées obtenues au prix de destructions massives et de lourdes pertes.

Si beaucoup de civils ont évacué Severodonetsk et la ville voisine de Lyssytchansk, plusieurs milliers sont restés — des personnes âgées, les gens qui s’occupent d’elles ou ceux qui n’ont pas les moyens de partir ailleurs. 

«Tous les jours, il y a des bombardements, tous les jours quelque chose brûle», dit Iouri Krassnikov, assis sur un banc, dans un quartier de Lyssytchansk aux nombreux immeubles endommagés et pavillons calcinés, alors que l’artillerie gronde non loin de là. «Il n’y a personne pour m’aider (…) J’ai essayé d’aller voir les autorités municipales, mais il n’y a personne, tout le monde a déguerpi. Ils ont abandonné la population! (…) Où vais-je aller à 70 ans?», lance ce retraité.

 

«Défense héroïque»

Dans un rare breffage télévisé mardi, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a affirmé que les forces russes avaient «totalement libéré» les zones résidentielles de Severodonetsk — ville connue pour sa grande usine chimique Azot — et contrôlaient désormais «97%» du territoire de cette région de Lougansk. 

Severodonetsk et Lyssytchansk, séparées par la rivière Donetsk, constituent la dernière agglomération encore sous contrôle ukrainien de la région de Lougansk. Leur prise faciliterait une percée russe vers Kramatorsk, grande ville de la région de Donetsk.

Si le président ukrainien Volodymyr Zelensky a assuré mardi soir que ses hommes poursuivaient «la défense absolument héroïque du Donbass», les Ukrainiens répètent avoir urgemment besoin d’armes plus puissantes pour arrêter l’armée russe.

La livraison de systèmes de lance-roquettes multiples, d’une portée de quelque 80 km, soit légèrement supérieure aux systèmes russes, a été annoncée par Washington et Londres, mais on ignore quand les Ukrainiens pourront commencer à les utiliser.

«Nous sommes reconnaissants» pour ces annonces, mais «les quantités annoncées sont très faibles, nous avons besoin de beaucoup plus», a martelé mercredi le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba.

Les Ukrainiens se sont jusqu’ici contentés d’armes occidentales de moindre portée comme les 22 obusiers M-109, de conception américaine et d’une portée de quelque 20 km, que la Norvège a annoncé mercredi avoir envoyés en Ukraine.

L’autre grande bataille se joue sur le front agricole. Le blocage des ports ukrainiens par la flotte russe de la mer Noire — à commencer par celui d’Odessa, principal port du pays —, paralyse ses exportations de céréales, notamment de blé, dont elle était avant la guerre en passe de devenir le troisième exportateur mondial. 

Les pays africains et moyen-orientaux sont les premiers touchés, et craignent de graves crises alimentaires.

 

Discussions russo-turques pour débloquer les céréales

Quelque 20 à 25 millions de tonnes sont actuellement bloquées, des quantités qui pourraient tripler d’«ici à l’automne» pour atteindre 75 millions de tonnes, a averti lundi le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Alors que Moscou accuse les Occidentaux d’être à l’origine de cette pénurie en raison de leurs sanctions, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a rencontré mercredi son homologue turc Mevlüt Cavusoglu à Ankara pour discuter de «corridors maritimes sécurisés» qui permettraient de reprendre les transports de céréales en mer Noire.

À la demande de l’ONU, la Turquie a proposé son aide pour escorter les convois maritimes depuis les ports ukrainiens, malgré la présence de mines dont certaines ont été détectées jusqu’à proximité des côtes turques.

Lors d’une conférence de presse après leurs discussions, M. Lavrov a assuré que la Russie était «prête à garantir la sécurité des navires qui quittent les ports ukrainiens (…) en coopération avec nos collègues turcs».

M. Cavusoglu a estimé de son côté «légitime» la demande de la Russie de lever les sanctions qui frappent indirectement ses exportations agricoles, pour faciliter les exportations ukrainiennes.

Il a cité spécifiquement les exportations «de céréales et d’engrais» russes, qui ne sont pas directement visées par les sanctions occidentales, mais sont de fait empêchées par la suspension des échanges bancaires et financiers.

Les deux hommes n’ont cependant annoncé aucun mécanisme concret pour exporter les céréales aujourd’hui bloquées.

Et le ministre ukrainien Dmytro Kouleba a balayé leurs déclarations. 

 

Échange de corps

La pénurie de céréales est provoquée par «l’agression russe» en Ukraine et non par les sanctions contre Moscou, a-t-il déclaré. Il a souligné que les discussions russo-turques, auxquelles l’Ukraine n’était pas conviée, avaient un «agenda plus large» que la question des transports de céréales.

Pour lui, la discussion doit se dérouler à l’ONU, et les autres efforts pour résoudre ce problème ne sont bienvenus «qu’à condition qu’ils tiennent compte des intérêts de sécurité de l’Ukraine».

Kyiv, soutenu par Washington, accuse Moscou de lui «voler» des céréales. Et les deux belligérants s’accusent mutuellement de détruire des stocks de céréales.

Mardi soir, le ministère russe de la Défense a notamment affirmé que les forces ukrainiennes avaient «incendié à dessein un important dépôt de céréales», contenant quelque 50 000 tonnes de céréales, dans le port de Marioupol, aux mains des Russes.

La guerre a poussé quelque 6,5 millions d’Ukrainiens à fuir leur pays et fait des milliers de morts: au moins 4 200 civils, selon le dernier bilan de l’ONU, qui estime les chiffres réels «considérablement plus élevés», et des milliers de militaires, même si belligérants communiquent rarement sur leurs pertes.

Pour la deuxième fois en une semaine, Russes et Ukrainiens ont échangé des corps mercredi, 50 de chaque côté, selon le ministère ukrainien responsable des territoires occupés. Le 2 juin, 160 corps avaient déjà été échangés.

Parmi les corps récupérés côté ukrainien, «37 sont des héros d’Azovstal», a précisé ce ministère.

Les derniers défenseurs ukrainiens du port de Marioupol, qui étaient retranchés dans l’immense aciérie Azovstal, se sont rendus aux forces russes le 20 mai, après trois mois d’intenses combats. Près de 2 500 combattants sont désormais détenus par les Russes, qui entendent les juger comme des criminels de guerre.

 

À la page suivante, Guerre en Ukraine: la situation sur le terrain au 105e jour

7h14 | Paris — Les forces ukrainiennes ont émis mercredi l’hypothèse de se retirer de Severodonetsk, ville clé de l’est de l’Ukraine, désormais largement contrôlée par les forces russes et soumise à des bombardements constants.

Kyiv vise pour autant toujours une victoire «sur le champ de bataille» avant toute négociation, a déclaré mardi le président ukrainien Volodymyr Zelensky, répétant que son pays avait besoin d’au moins «autant d’armes que les Russes». Mais à l’heure actuelle, «nous ne pouvons pas avancer de façon puissante» sans subir de lourdes pertes, a-t-il souligné.

Voici un point de la situation au 105e jour de la guerre à partir d’informations des journalistes de l’AFP sur place, de déclarations officielles ukrainiennes et russes, de sources occidentales, d’analystes et d’organisations internationales.

 

Front de l’est

Les forces ukrainiennes devront peut-être quitter Severodonetsk pour des positions mieux fortifiées, a déclaré mercredi le gouverneur régional Serguiï Gaïdaï. Mais il a assuré qu’un retrait n’équivaudrait pas à abandonner définitivement cette ville cruciale pour le contrôle de l’ensemble du bassin minier du Donbass, objectif prioritaire de leurs ennemis russes. «Il y a des bombardements partout, 24 heures sur 24″ et la Russie concentre toutes ses forces dans la région, a-t-il souligné. 

Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou avait affirmé mardi que ses forces avaient «totalement libéré» les zones résidentielles de Severodonetsk. «La prise de contrôle de sa zone industrielle et des localités voisines se poursuit», avait-il assuré.

Severodonetsk est la plus grande agglomération encore aux mains des Ukrainiens à Lougansk, l’une des deux régions du Donbass, où les soldats russes ont progressé laborieusement ces dernières semaines.

«Environ 800 civils se sont réfugiés dans les abris de l’usine chimique d’Azot, propriété du Group DF de Dmytro Firtach», a indiqué dans un communiqué un avocat du magnat ukrainien. «Parmi ces 800 civils figurent environ 200 des 3 000 employés de l’usine et environ 600 habitants de Severodonetsk». 

Selon le communiqué, les 200 employés «restent (…) pour assurer la protection des produits chimiques hautement explosifs encore sur le site». L’Institut américain pour l’étude de la guerre (ISW) a par ailleurs indiqué que les forces russes poursuivaient leurs efforts pour progresser autour de Slovyansk.

 

Front alimentaire

La Turquie juge «légitime» la demande de la Russie de lever les sanctions appliquées aux exportations agricoles russes pour faciliter les exportations ukrainiennes, a indiqué le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu, après avoir reçu à Ankara son homologue russe Serguei Lavrov.

«Nous sommes prêts à garantir la sécurité des navires qui quittent les ports ukrainiens (…) en coopération avec nos collègues turcs», a ensuite déclaré M. Lavrov, qui est arrivé mardi soir à Ankara pour discuter de l’instauration de corridors sécurisés afin de permettre les exportations de céréales ukrainiennes via la Mer Noire

«Les prochaines semaines seront cruciales pour débloquer la situation. Nous attendons de la Russie des signaux clairs et concrets, car bloquer les exportations de blé signifie tenir en otage et condamner à mort des millions d’enfants, de femmes et d’hommes», a déclaré de son côté le ministre italien des Affaires étrangères Luigi Di Maio.

 

Dizaines de milliers de morts

Il n’existe aucun bilan global des victimes civiles du conflit. Pour la seule ville de Marioupol (sud-est), tombée en mai au terme d’un terrible siège, les autorités ukrainiennes évoquent un bilan de l’ordre de 20 000 morts.

Sur le plan militaire, des sources militaires occidentales évoquent 12 000 à 15 000 soldats russes tués, quand Kyiv affirme avoir abattu plus de 30 000 militaires ennemis.

Les forces ukrainiennes perdent chaque jour entre 60 et 100 soldats au combat, avait indiqué la semaine dernière le président Volodymyr Zelensky au média américain Newsmax, sans fournir de total. 

Aucune statistique indépendante n’est disponible.

 

Un tiers des Ukrainiens déplacés ou réfugiés

Plus de huit millions d’Ukrainiens sont déplacés à l’intérieur de leur pays, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR). S’y ajoutent 6,9 millions qui ont fui à l’étranger, dont plus de la moitié — 3,6 millions — en Pologne.

Avant l’invasion russe, l’Ukraine comptait 37 millions d’habitants dans les régions contrôlées par Kyiv.