Ukraine: nouvelles tensions avec la Russie sur le gaz
AFP et La Presse Canadienne|Publié le 07 septembre 2022Plus grande centrale nucléaire d'Europe, Zaporijjia, occupée depuis six mois par les forces russes et dont le site subit des bombardements dont Kyiv et Moscou s'accusent mutuellement, est au centre de vives préoccupations pour sa sécurité. (Photo: 123RF)
Kyiv — La tension est encore montée mercredi entre Moscou et l’UE sur les livraisons de gaz russe, Kyiv prévenant de son côté qu’une catastrophe à la centrale de Zaporijjia pourrait avoir des conséquences au-delà de l’Ukraine.
Tout en se défendant d’utiliser l’énergie comme une «arme», Vladimir Poutine a menacé de cesser toute livraison d’hydrocarbures en cas de plafonnement des prix, un projet relancé le même jour par Bruxelles.
Plafonner les prix des hydrocarbures russes serait «une bêtise», a-t-il lancé au cours d’un forum économique à Vladivostok (Extrême-Orient russe).
«Nous ne livrerons rien du tout si c’est contraire à nos intérêts, en l’occurrence économiques. Ni gaz, ni pétrole, ni charbon (…). Rien», a ajouté le président russe.
Mais, quelques instants plus tard, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen relançait l’idée d’un tel plafonnement, dans le cadre de mesures destinées à alléger la facture énergétique des Européens.
Pour Bruxelles, cela permettrait aussi de «réduire les revenus» utilisés par le pouvoir russe pour «financer cette guerre atroce contre l’Ukraine».
«Au début de la guerre, le gaz russe par gazoduc représentait 40% de tout le gaz importé (par l’UE). Aujourd’hui, il n’en représente que 9%», a également souligné Mme von der Leyen.
Kyiv a dénoncé une «propagande de la Russie qui bat son plein en menaçant l’Europe d’un hiver glacial».
«Poutine s’avance vers la deuxième étape d’une guerre hybride, en menaçant la stabilité des foyers européens», a déclaré le porte-parole de la diplomatie ukrainienne Oleg Nikolenko.
Les griefs de M. Poutine ne se sont pas limités aux hydrocarbures, le chef du Kremlin s’en prenant à la «fièvre de sanctions» occidentales, qui ne parviendront pas selon lui à «isoler la Russie».
Il a insisté sur le renforcement des liens avec l’Asie, la Chine en particulier, face à «l’agression technologique, financière et économique de l’Occident».
«Catastrophe humanitaire»
À Berlin, le chancelier Olaf Scholz, dont le pays est très dépendant au gaz russe, a affirmé que l’Allemagne allait passer l’hiver «avec courage et bravoure» malgré les risques de pénuries.
M. Poutine a par ailleurs retourné contre les Occidentaux les accusations selon lesquelles le conflit en Ukraine et ses conséquences agricoles permettaient à Moscou de faire pression sur les pays en développement dépendant du blé ukrainien.
Selon lui, l’immense majorité des céréales ukrainiennes, dont les exportations viennent de reprendre, vont vers les pays européens et non pas vers les pays pauvres, ce qui crée un risque de «catastrophe humanitaire».
«Mensonges», lui a rétorqué le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba, une responsable du gouvernement américain qualifiant quant à elle de fausses les affirmations du président russe.
Les craintes autour de la centrale nucléaire de Zaporijjia, occupée depuis six mois par les forces russes continuent par ailleurs de rester vives.
Dans un communiqué, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a déclaré mercredi soir que «de nouveaux bombardements ont endommagé une ligne électrique de secours» de cette centrale, «sans impact immédiat sur les opérations courantes» de ce complexe de six réacteurs.
Un accident nucléaire aurait «des conséquences non seulement pour l’Ukraine, mais aussi, clairement, des conséquences au-delà des frontières», a averti Oleg Korikov, le responsable de l’agence ukrainienne de sécurité nucléaire.
Plus grande centrale nucléaire d’Europe, Zaporijjia subit des frappes dont Kyiv et Moscou s’accusent mutuellement.
Le patron de l’opérateur public ukrainien Energoatom, Petro Kotine, a souhaité pour sa part mercredi que cette centrale soit placée sous la protection d’un «contingent de maintien de la paix».
Mais le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a réclamé des «clarifications» à l’AIEA sur ce rapport et M. Poutine a démenti des affirmations de l’agence sur la présence d’équipements militaires sur le site.
À Moscou, le parti de Vladimir Poutine, Russie Unie, a proposé d’organiser le 4 novembre des référendums dans les territoires sous contrôle russe en Ukraine, en vue de les rattacher à la Russie.
«Donetsk, Lougansk et de nombreuses autres villes russes vont enfin retrouver leur port d’attache. Et le monde russe, aujourd’hui divisé par des frontières formelles, retrouvera son intégrité», a déclaré le secrétaire du Conseil général de Russie Unie, Andreï Tourtchak.
Dans son discours vidéo du soir, le président Zelensky a par ailleurs affirmé que son armée avait repris aux Russes plusieurs localités de la région de Kharkiv, dans le nord-est.
«Cette semaine, nous avons de bonnes nouvelles de la région de Kharkiv», a déclaré M. Zelensky. Refusant de les nommer, il a évoqué des «localités où le drapeau ukrainien est revenu».
Des observateurs faisaient état ces derniers jours d’une percée supposée des forces ukrainiennes dans cette région, sans que ces informations soient toutefois vérifiables de source indépendante.
À Kyiv, le commandant en chef des forces ukrainiennes, Valery Zaloujny, a pour la première fois reconnu que celles-ci avaient tiré des missiles en août sur des bases russes en Crimée.
L’Ukraine a «effectué avec succès des frappes de missiles sur des bases militaires de l’ennemi, notamment sur l’aérodrome de Saki», a-t-il écrit dans un article.
À New York, la sous-secrétaire générale des Nations unies pour les droits de l’Homme, Ilze Brands Kehris, a pour sa part fait état d’«accusations crédibles» d’enfants seuls transférés de force d’Ukraine vers la Russie.