Northvolt serait en discussion avec le géant chinois Catl
Dominique Talbot|Publié à 13h48 | Mis à jour il y a 33 minutes(Photo: Getty Images)
Selon ce que rapportent les médias suédois, Northvolt serait en négociations avec le géant chinois des batteries pour véhicules électriques Catl. Ces négociations en vue d’un partenariat auraient commencé l’été dernier.
En pleine expansion, Catl est le plus grand producteur mondial de batteries pour véhicules électriques. L’entreprise détient près de 40% des parts de marché.
De son côté, Northvolt s’est mise à l’abri de ses créanciers la semaine dernière en vertu du chapitre 11 de la loi sur les faillites aux États-Unis.
Le Québec compte parmi les créanciers de l’entreprise, avec un investissement de 200 millions de dollars (M$) dans celle-ci. Avec les récents déboires de la multinationale suédoise, impossible de connaître la valeur de cet investissement aujourd’hui.
Cette somme s’ajoute aux 246M$ consentis par le gouvernement pour l’achat du terrain en Montérégie où Northvolt prévoit construire une méga-usine de 7 milliards de dollars (G$). La Caisse de dépôt et placement du Québec a également investi 200M$.
Des aides à la production de 1,5G$ sont aussi prévues si le projet va de l’avant et que Northvolt réussit à produire et vendre ses cellules de batteries. L’entreprise suédoise s’est également vue octroyer 356 MW pour son projet.
Le gouvernement fédéral s’est engagé de son côté à verser près de 2G$ à Northvolt sous forme de subventions à la production. À ce jour, il n’a donc pas déboursé d’argent dans le projet.
Ottawa insiste depuis le début sur le fait que la stratégie était de faire entrer le Québec dans le secteur de l’automobile, et de contrer la montée en puissance de la Chine en participant à l’émergence d’un joueur occidental de batteries de véhicules électriques.
Contacté par Les Affaires, le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie n’a pas voulu commenter, tout comme Northvolt.
Du côté du gouvernement fédéral, le cabinet du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, s’est contenté de dire que «nous suivons de près tous les développements concernant Northvolt AB».
«Cheval de Troie»
Pour le professeur de stratégie à la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval, Yan Cimon, il n’y a pas de doute qu’un partenariat, voire même une prise de contrôle de Northvolt par Catl serait une excellente affaire pour le géant chinois.
«L’entreprise ramasserait des actifs d’une bonne valeur pour une fraction du prix. D’autre part, étant donné la localisation des actifs qui existent encore en Europe, et au Québec, cela pourrait être une belle tête de pont pour les marchés européens et nord-américains. Même si Catl choisissait d’être discrète, ça lui serait utile d’avoir une marque occidentale», analyse l’expert.
«Mais Northvolt pourrait devenir un cheval de Troie pour renforcer la domination des Chinois dans le marché mondial de la batterie, mais aussi en Occident. Si cela fonctionnait, c’est un renforcement de la domination chinoise que l’on va voir. Et cela pourrait consacrer, pour le moment, la fin d’une grande aventure occidentale dans la batterie», ajoute le professeur Cimon.
Une source contactée par Les Affaires, bien au fait du dossier, mais qui souhaite demeurer anonyme, pense également qu’une participation dans Northvolt aurait «plein de bon sens» pour Catl.
Par contre, s’il s’avérait, ce scénario pourrait compliquer le projet de Northvolt au Québec.
«S’il y avait un partenariat, nous aurions un nouveau problème. Le gouvernement canadien s’est érigé contre les investissements chinois sur notre territoire. Il faudrait passer par la loi canadienne en matière d’investissements étrangers (Loi sur Investissement Canada), explique la source. Dans la situation actuelle, il est loin d’être certain que le gouvernement canadien accepterait que les Chinois investissent.»
Cette loi, qui a d’ailleurs été modernisée cette année, prévoit en substance l’examen d’investissements étrangers précis, même minoritaires, pour vérifier qu’ils sont à l’avantage du Canada et qu’ils ne compromettent pas la sécurité nationale.
Problème américain
Mais de plus, ajoute cette source, dans l’éventualité où Northvolt et Catl en viendraient à un partenariat, «il serait fou de croire qu’il serait possible de passer cela sous les yeux de la future administration de Donald Trump».
Celle-ci souligne que le président élu accuse le Mexique, où la multinationale chinoise de véhicules électriques BYD construit une usine, de faire entrer la Chine aux États-Unis par la porte arrière. Et il menace d’imposer de lourds tarifs douaniers si ces voitures traversaient la frontière. Difficile, donc, de croire qu’il n’en serait pas ainsi ici, advenant une participation de Catl dans Northvolt, argumente-t-elle.
Rappelons que l’administration Biden a imposé à la fin de l’été des tarifs douaniers de 100% sur l’importation de véhicules électriques chinois. Le Canada a suivi quelques semaines plus tard.
«Biden a continué les politiques de Trump avec la Chine. Non seulement il ne les a pas annulées, mais il en a ajouté sous le prétexte de la sécurité nationale, qui ne va pas aller en diminuant. Ça serait une erreur de penser que la politique américaine va changer quand Trump partira dans quatre ans», conclut-elle