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Daniel Dufort

Finances publiques et grands défis économiques

Daniel Dufort

Expert(e) invité(e)

3 juillet 2024 | 9:00 am

Bâtir notre chemin vers l’abordabilité

Daniel Dufort|Mis à jour à 09h03

Bâtir notre chemin vers l’abordabilité

Les économistes travaillant à la Société canadienne d’hypothèques et de logement parlent, à la grandeur du Québec, d’un besoin de 1,2 million de nouveaux logements d’ici 2030. (Photo: Robert Macleod pour Unsplash)

EXPERT INVITÉ. Le manque de logements abordables touche la classe moyenne.

Au Québec, près de la moitié – 47% – des gens considèrent qu’ils auraient besoin d’un deuxième emploi pour se payer une maison, selon un récent sondage mené pour le compte de la Banque Royale.

Toujours selon le même sondage, le rêve de devenir propriétaire demeure fort, avec 64% des répondants affirmant qu’il s’agit d’un projet qu’ils chérissent toujours.

Pourtant, à écouter les maires et mairesses et les activistes du logement, la solution proposée n’offre pas plus de choix de nouvelles propriétés pour les Québécois et Québécoises, mais plutôt plus de logements détenus par l’État.

À Montréal, par exemple, la mairesse Valérie Plante a présenté un plan visant à transformer 20% du parc immobilier montréalais en logement social, plutôt que les sept % actuels.

Ce plan propose d’accroître la taille du parc immobilier résidentiel montréalais de 207 000 logements, et que les différents paliers de gouvernements bâtissent ou achètent autour de 161 000 unités résidentielles d’ici 2050.

Fidèle à son habitude, l’administration Plante en profite pour promettre la construction d’une panoplie d’autres infrastructures, comme 184 kilomètres de lignes de tramway, une nouvelle ligne de métro et quelques 448 kilomètres additionnels de pistes cyclables.

Les coûts, bien qu’ils ne soient pas chiffrés, se situeraient dans les «dizaines de milliards de dollars», de l’aveu même de la mairesse dans un article paru dans La Presse. Et bien que la répartition de ces coûts entre les différents paliers de gouvernements ne soit pas précisée, il est clair que c’est nous tous, chers contribuables, qui devrons payer la note.

En l’apparence, le plan peut sembler ambitieux. Pourtant, lorsque l’on observe la tendance, le plan vise un objectif plus bas que celui que le marché a accompli au courant des dernières années.

En moyenne, il s’est bâti 10 514 nouveaux logements par année à Montréal, entre les années 2018 et 2023, selon les données de la Ville. Cela inclut à la fois de bonnes années – comme 2021 – et de piètres années – comme 2023.

Sans même accroître le rythme de construction, et en conservant le rythme actuel, le secteur privé serait en mesure de bâtir plus de 273 000 nouveaux logements sur le territoire montréalais d’ici 2050. C’est presque 70 000 logements de plus que ce que propose le plan de l’administration Plante, et ce sans imposer d’énormes coûts aux contribuables.

Dans un contexte où Montréal, et dans une plus large mesure l’ensemble du Québec, manque de logements, un plan qui propose de bâtir moins et pour plus cher collectivement équivaut à s’assurer de pérenniser le problème de l’inabordabilité du logement.

Il faut être clair cependant, d’ici 2050, si l’on suit la tendance actuelle, ces presque 273 000 nouveaux logements bâtis sur le territoire montréalais seront nettement insuffisants.

Faire mieux

Les économistes travaillant à la Société canadienne d’hypothèques et de logement parlent, à la grandeur du Québec, d’un besoin de 1,2 million de nouveaux logements d’ici 2030. En fonction de cela, on peut se douter que les besoins à Montréal en représentent une grande part et qu’ils seront encore plus importants d’ici 2050.

S’il est improbable que l’on puisse bâtir suffisamment de logements d’ici 2050 pour restaurer cette abordabilité – le nombre de travailleurs de la construction reste limité après tout –, il n’en demeure pas moins que l’on pourrait faire mieux, c’est-à-dire cesser de voir la situation empirer chaque année.

Pour ce faire, nos maires et mairesses doivent œuvrer à simplifier les étapes nécessaires avant que nos bâtisseurs de logements puissent faire leur première pelletée de terre.

On l’a bien vu, à Montréal, les délais d’obtention de permis de construction résidentiels ont explosé au cours des dernières années.

Entre 2019 et 2023, le délai moyen pour obtenir un permis de construction résidentiel a augmenté de 120 jours, pour atteindre 326 jours.

Dans l’arrondissement de la mairesse Plante, Ville-Marie, les demandes de permis de construction accordées à des projets en 2023 avaient été déposées, en moyenne, 540 jours plus tôt.

Et il ne s’agit là que d’une seule des nombreuses étapes réglementaires à franchir entre l’idéation d’un projet et le lancement du chantier.

Freiner le retour de l’abordabilité

Il va de soi que, plus un projet prend du temps à être développé, plus ses coûts augmentent, et plus il faut attendre longtemps avant que l’argent investi dans un projet puisse être réinvesti dans le projet suivant.

Et cela si seulement le projet va de l’avant.

Entre 2017 et 2023, l’Institut économique de Montréal a recensé près de 25 000 unités résidentielles dont le développement a été entravé par les décisions de l’administration Plante.

Dans certains cas, tel celui du projet Cap-Nature par exemple, une seule décision de la Mairie est venue mettre fin à 14 ans d’efforts pour développer 5500 nouveaux chez-soi pour des familles montréalaises.

Chaque fois que nos administrations municipales prennent des décisions de la sorte, elles contribuent à freiner le retour à l’abordabilité en réduisant l’offre de logements disponible, par rapport à ce qu’elle aurait pu être.

Si nos villes sont déterminées à assurer que leurs citoyens et citoyennes puissent y trouver des logements dans leurs budgets, ce dont on a besoin n’est pas de plus d’implication des fonctionnaires et des élus, mais plutôt de leurs efforts pour ôter les obstacles qu’ils ont dressés au fil des ans.