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Des élus canadiens réagissent aux menaces de tarifs douaniers de Trump

La Presse Canadienne|Publié à 8h12

Des élus canadiens réagissent aux menaces de tarifs douaniers de Trump

(Photo: La Presse Canadienne)

Donald Trump a annoncé qu’il signerait un décret imposant un tarif de 25% sur tous les produits entrant aux États-Unis en provenance du Canada et du Mexique, envoyant une menace immédiate à ses voisins les plus proches qui pourrait bouleverser le commerce et les chaînes d’approvisionnement nord-américaines. 

Le président élu a indiqué sur Truth Social lundi que les droits de douane figureraient parmi ses actions lors de son premier jour de retour à la Maison-Blanche, le 20 janvier, jour de son investiture, ce qui n’a pas manqué de faire réagir des élus canadiens.

Le républicain a écrit que «comme tout le monde le sait, des milliers de personnes affluent par le Mexique et le Canada, amenant la criminalité et la drogue à des niveaux jamais vus auparavant». 

Donald Trump a averti que le tarif restera en place jusqu’à ce que les deux pays arrêtent les drogues, en particulier le fentanyl, et les personnes qui traversent illégalement les frontières. Il a déclaré que, tant que ces problèmes ne seront pas résolus, le Canada et le Mexique «paieront un prix très élevé!»

La directrice générale du Conseil des affaires canado-américaines, Beth Burke, a écrit dans un communiqué de presse que la proposition de Donald Trump nuirait aux entreprises des deux côtés de la frontière et «éroderait la force économique et géopolitique de l’Amérique du Nord».

Selon une modélisation réalisée par la Chambre de commerce du Canada, des droits de douane généralisés de 10% réduiraient la taille de l’économie canadienne de 0,9 à 1%, ce qui se traduirait par des coûts économiques d’environ 30 milliards de dollars (G$) par an.

La Chambre de commerce du Canada estime que les États-Unis subiraient quant à eux des coûts économiques de l’ordre de 125 G$ par an.

«Pour les entreprises et les consommateurs américains, cela signifierait une augmentation des prix et des coûts des intrants, ainsi qu’un environnement commercial moins compétitif pour l’Amérique du Nord», a déclaré Stephen Tapp, économiste en chef de la Chambre de commerce du Canada, en entrevue. 

La situation serait encore pire si d’autres pays ripostaient en érigeant leurs propres barrières tarifaires. Dans ce cas, les revenus des Canadiens diminueraient de 1,5% et la productivité de 1,6%, selon le rapport de la Chambre. 

Selon Stephen Tapp, dans ce cas, le pouvoir d’achat du consommateur américain diminuerait de 2000 $. Les chiffres sont encore plus élevés avec des droits de douane de 25%.

Il soupçonne que cette augmentation des coûts ne serait pas appréciée aux États-Unis, puisque Donald Trump a promis de réduire l’inflation et le coût de la vie.

La vice-première ministre du Canada, Chrystia Freeland, et le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, ont écrit lundi soir, dans une déclaration conjointe, que «le Canada et les États-Unis entretiennent l’une des relations les plus solides et étroites au monde, en particulier en matière de commerce et de sécurité frontalière». Ils ont déclaré qu’Ottawa continuerait de discuter des questions de sécurité frontalière avec la nouvelle administration républicaine.

«Le Canada accorde la plus haute priorité à la sécurité et à l’intégrité de ses frontières», ont-ils assuré.

La déclaration a mis en avant le commerce bilatéral, notamment dans le domaine de l’énergie, et a rappelé que le Canada achète plus aux États-Unis que la Chine, le Japon, la France et le Royaume-Uni réunis.

Les provinces s’inquiètent

Mais les dirigeants provinciaux ont sonné l’alarme : le Canada peut faire davantage pour rassurer son voisin du sud.

Le premier ministre québécois, François Legault, a mentionné que «cette promesse du président élu Donald Trump pose un risque énorme à l’économie québécoise et canadienne».

«Il faut tout mettre en œuvre pour éviter des tarifs de 25% sur tous les produits qu’on exporte aux États-Unis. L’intégrité des frontières doit être la priorité du gouvernement fédéral», a-t-il soutenu sur X, offrant par la même occasion la «pleine collaboration» du Québec au premier ministre Justin Trudeau.

Un tarif de 25% serait dévastateur pour les travailleurs et les emplois au Canada et aux États-Unis, a souligné sur les médias sociaux le premier ministre ontarien, Doug Ford. 

«Le gouvernement fédéral doit prendre au sérieux la situation à notre frontière», a soutenu M. Ford. 

La première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a fait écho aux préoccupations de son homologue ontarien dans un message sur X, affirmant qu’«Ottawa doit intensifier ses efforts et donner la priorité à ce partenariat». 

En Colombie-Britannique, le premier ministre David Eby a écrit que «les tarifs douaniers de Trump nuiraient autant aux Canadiens qu’aux Américains. Les Canadiens doivent rester unis. Ottawa doit réagir avec force.»

Plus tôt lundi, les premiers ministres du Canada avaient d’ailleurs demandé au premier ministre Justin Trudeau de tenir une réunion urgente avant le retour au pouvoir de Donald Trump. 

Du côté d’Ottawa, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a rapidement réagi à l’annonce de Donald Trump. «Justin Trudeau, vous ne pouvez pas faire l’autruche. Levez-vous et battez-vous. Les emplois canadiens sont en jeu», a-t-il déclaré dans une publication sur X.

Le républicain a fait campagne sur la promesse d’imposer un tarif général sur toutes les importations. Cette décision a suscité de vives inquiétudes, un rapport de la Chambre de commerce du Canada suggérant qu’un tarif de 10% pourrait coûter 30 G$ à l’économie canadienne. 

Plus de 77% des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis et le commerce représente 60% du produit intérieur brut du Canada. 

Les tarifs provoqueraient également un bouleversement majeur de l’économie américaine et il n’est pas certain que Donald Trump les appliquerait après avoir fait campagne sur le fait de rendre la vie plus abordable et d’augmenter le marché de l’énergie. 

Le Canada est aussi la plus grande source d’importations d’énergie des États-Unis. Presque toutes les exportations canadiennes de pétrole brut ont été destinées à son voisin en 2023. 

Un message fort selon les experts

«C’est extrêmement préoccupant», a déclaré Eric Miller, président de Rideau Potomac Strategy Group, un cabinet de conseil transfrontalier axé sur le commerce, les chaînes d’approvisionnement et les affaires gouvernementales. 

«C’est une mauvaise situation. Cela va avoir un impact énorme sur la confiance des investisseurs au Canada. Cela aura un impact énorme sur les chaînes d’approvisionnement intégrées, le secteur automobile.»

Eric Miller a prévenu qu’Ottawa doit adopter une approche «de la carotte et du bâton» qui montre que le Canada s’occupe des problèmes à la frontière tout en envisageant sa propre réponse tarifaire. 

«Tout le monde va mettre la main à la pâte», a dit l’expert. 

On s’attendait à ce que le marché de l’énergie puisse obtenir des exemptions des tarifs de Trump, et le président élu a fait campagne pour que l’Amérique devienne dominante dans le domaine de l’énergie. Mais les experts disent qu’il est préférable de prendre au mot le républicain lorsqu’il dit que les droits de douane s’appliqueront à tout. 

Carlo Dade, directeur du commerce et de l’infrastructure commerciale à la Canada West Foundation, a indiqué que les tarifs douaniers contre les principaux partenaires commerciaux des États-Unis sont destinés à envoyer un message fort au reste du monde. 

«(Il) les attaque essentiellement gratuitement avant même d’être en fonction», a pointé Carlo Dade, faisant référence à un vieux proverbe chinois selon lequel il faut faire un exemple de quelqu’un pour menacer les autres. 

«S’il s’agit d’une stratégie de négociation, il vient de tuer quelques poulets pour effrayer le reste des singes du monde.»

L’immigration a été un enjeu clé de l’élection et une majorité d’électeurs, tant républicains que démocrates, ont déclaré qu’il était important d’améliorer la sécurité aux frontières. 

La vague de migrants a atteint des niveaux record sous la présidence de Joe Biden, mais les chiffres ont considérablement diminué, en particulier depuis le durcissement des règles en juin. Le nombre de migrants traversant depuis le Canada est bien inférieur à celui de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, mais les augmentations récentes ont attiré l’attention des républicains.

Les données de la police des frontières montrent environ trois millions de heurts aux frontières américaines pour l’exercice 2024, et 7% des personnes impliquées provenaient du Canada. Environ 20 000 livres de fentanyl ont été saisies à la frontière, mais seulement 45 livres provenaient du nord. 

L’an dernier, selon une source gouvernementale canadienne, la police des frontières des États-Unis a procédé à 2 475 669 arrestations à la frontière sud des États-Unis. Comparativement, ce chiffre est de 10 171 en ce qui a trait à la frontière canado-américaine.

Laura Dawson, experte des relations canado-américaines et directrice générale de la Future Borders Coalition, a déclaré que cela signifie que les exigences de Trump peuvent être gérées. 

Il est plus probable que le tarif douanier soit un argument de négociation pour l’Accord Canada–États-Unis–Mexique, qui doit être révisé en 2026. L’accord trilatéral a remplacé l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), déchiré sous la première administration Trump. 

Mme Dawson a précisé que les Canadiens devraient croire que le tarif sera mis en œuvre en janvier, mais qu’il pourrait y avoir des exemptions négociées. Cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas d’impacts à long terme. 

«Je ne pense pas que ces tarifs vont durer longtemps, a-t-elle ajouté. Mais ce qui m’inquiète, c’est que toute imposition de tarifs fait apparaître le Canada comme un endroit moins attrayant pour investir.»

Par Kelly Geraldine Malone