Des négociations sont en cours pour éliminer les «chemins Roxham»
La Presse Canadienne|Publié le 23 mars 2023Le traité bilatéral que le Canada et les États−Unis ont signé en 2004 exige que les demandeurs d’asile le fassent dans le premier pays où ils arrivent. (Photo: La Presse Canadienne)
Ottawa — Le Canada et les États-Unis négocient un accord qui pourrait désigner les 8900 kilomètres de leur frontière commune comme passage officiel en vertu de l’Entente sur les tiers pays sûrs.
Un responsable du gouvernement canadien au courant des pourparlers a indiqué jeudi que le premier ministre Justin Trudeau et le président Joe Biden discuteront de la question au cours de leur rencontre à Ottawa vendredi.
La Presse Canadienne a accordé l’anonymat à ce responsable afin de pouvoir discuter de sujets qui n’ont pas encore été rendus publics.
Le traité bilatéral que le Canada et les États-Unis ont signé en 2004 fait en sorte qu’un potentiel réfugié se présentant à un poste frontalier officiel canadien et ayant d’abord foulé le sol américain est refoulé puisqu’il doit poursuivre sa demande d’asile dans le premier «lieu sûr» où il est arrivé.
Mais cette Entente sur les tiers pays sûrs ne s’applique qu’aux passages frontaliers officiels. Ainsi, des milliers de migrants contournent cette règle en traversant la frontière à pied par des endroits non officiels, comme le chemin Roxham, en Montérégie.
Une fois qu’ils sont au Canada et ont été interceptés par les autorités canadiennes après qu’ils eurent officiellement mis les pieds au Canada, leur demande d’asile peut être traitée. En 2022, 39 171 personnes ont ainsi traversé irrégulièrement la frontière, selon le nombre d’interceptions faites au Québec rapportées par la Gendarmerie royale du Canada.
Il reste encore de nombreuses questions à résoudre avant qu’Ottawa et Washington ne puissent annoncer officiellement un accord, notamment le fait que le Canada accepte d’accueillir un plus grand nombre de migrants par les voies officielles.
La source gouvernementale a souligné qu’il n’y a pas, à l’heure actuelle, d’entente sur papier. Elle a soutenu que beaucoup de détails sont encore source de discussion, notamment le fait que le Canada accepte d’accueillir un plus grand nombre de migrants par les voies officielles.
Néanmoins, le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, s’est montré optimiste, jeudi, que des détails pourront bientôt être communiqués.
«Je sais que vous aimeriez en savoir autant que moi, mais ce sera bientôt le cas», a-t-il lancé aux journalistes qui le pressaient de questions.
Il était interpellé sur le fait que Radio-Canada a rapporté que le gouvernement canadien et l’administration américaine aient trouvé un terrain d’entente.
«C’est une très bonne nouvelle. Ça fait des mois, je dirais même des années, que M. Trudeau et d’autres membres de l’équipe ministérielle travaillent fort là-dessus et je comprends qu’il y aura des précisions rapidement», a-t-il dit.
Le premier ministre québécois, François Legault, presse Ottawa de «fermer» le chemin Roxham depuis des mois, affirmant que la capacité d’accueil de la province a été atteinte.
À Ottawa, les bloquistes et néo-démocrates demandent la suspension de l’Entente sur les tiers pays sûrs depuis longtemps.
Le porte-parole du Bloc québécois en matière d’immigration, Alexis Brunelle-Duceppe, a noté jeudi que de nombreux détails étaient pour l’heure inconnus.
«Si l’objectif est atteint, c’est-à-dire fermer Roxham et permettre aux demandeurs d’asile de faire leur demande de façon régulière à travers tout le Canada, donc désengorger la capacité d’accueil du Québec, à ce moment-là ce sera une victoire», a-t-il déclaré dans le foyer de la Chambre des communes.
Appelé à préciser ce qu’il entendait par «fermer», il a souligné qu’il était loin de parler de l’installation d’une barricade au passage de fortune emprunté irrégulièrement.
«Ce n’est pas en mettant une barrière à Roxham qu’on va régler le problème. Ça, je le dis depuis le début. (…) Si on ne s’attaque pas à la brèche au sein même de l’Entente sur les tiers pays sûrs, soit les passages irréguliers, à ce moment-là ça ne changerait absolument rien.»
Il y a un peu plus d’un mois, le chef conservateur Pierre Poilievre a aussi demandé la «fermeture» du chemin Roxham, arguant pour sa part que cela peut être accompli sans avoir à attendre une renégociation du traité de 2004. Il n’a toutefois pas expliqué exactement comment y parvenir.
De son côté, le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, a dit être «ouvert» à une autre solution que la suspension de l’Entente sur les tiers pays sûrs, comme d’appliquer l’accord tout le long de la frontière canado-américaine.
«On ne sait pas c’est quoi la solution qui va être proposée, mais oui, c’est une solution. Ce n’est pas notre solution préférée», a-t-il affirmé.
M. Trudeau tiendra un point de presse conjoint avec M. Biden vendredi après-midi après leur rencontre bilatérale.