Fitzgibbon: Investissement Québec doit prendre plus de risques
François Normand|Publié le 19 février 2019«Il y a une carence dans la chaîne de capitaux avec le capital de démarrage», affirme le ministre de l'Économie.
Investissement Québec (IQ), le bras financier du gouvernement du Québec, doit prendre plus de risques financiers en amont pour accélérer la création et la croissance d’entreprises, notamment en régions.
«Il va falloir que la prise de risques soit plus grande chez IQ, car il y a une carence dans la chaîne de capitaux avec le capital de démarrage», a déclaré ce mardi à Les Affaires le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, en marge d’un forum sur le financement d’entreprises organisé par le cabinet d’avocats BCF, à Montréal et à Québec.
Le gouvernement de François Legault planche actuellement sur une réforme d’Investissement Québec (un engagement de la dernière campagne électorale), dont la teneur devrait être annoncée dans les prochaines semaines.
Le ministre de l’Économie reconnaît que la société d’État investit déjà beaucoup dans les entreprises québécoises, notamment dans des secteurs où les banques sont parfois frileuses comme dans le secteur minier, au début des projets.
Par contre, Pierre Fitzgibbon estime qu’Investissement Québec est trop concentré dans le segment du financement occupé traditionnellement par les institutions financières. «IQ fait plus de prêts que ne le font les banques», affirme-t-il.
Pour favoriser la création d’entreprises, le gouvernement veut aussi qu’Investissement Québec devienne le «guichet unique» des entreprises. L’idée est de retirer la paperasserie des mains des entrepreneurs pour la confier aux employés de la société d’État.
«On veut qu’une personne, du nouveau IQ, soit responsable d’être le point de contact de l’entrepreneur, et que les enjeux interministériels, qui vont demeurer, soient le travail de cette ressource et non pas de l’entrepreneur», explique le ministre.
Accroître la productivité et les investissements
Par ailleurs, la réforme d’investissement Québec comprendra aussi deux autres mesures importantes : la première pour accroître la productivité des entreprises québécoises, la seconde pour attirer beaucoup plus d’investissements étrangers au Québec.
Les entreprises québécoises -et canadiennes- affichent une faible productivité (le PIB produit pas heure travaillée) par rapport à la plupart des pays industrialisés.
En 2016, un Irlandais avait une productivité de 119,54$CA (la meilleure au monde), alors que celle d’un Québécois s’élevait seulement à 57,99$ (64,71$ dans l’ensemble du Canada), selon les plus récentes données du Centre sur la productivité et la prospérité à HEC Montréal.
À titre de comparaison, les États-Unis affichaient une productivité de 79,42$, alors qu’elle s’établissait respectivement à 83,47 et à 85,14$ en France et en Allemagne.
Selon Pierre Fitzgibbon, le rattrapage du Québec passe par une hausse des investissements privés des entreprises québécoises dans l’intelligence artificielle et le manufacturier intelligent ou 4.0, c’est-à-dire des usines qui utilisent, connectent et intègrent les nouvelles technologies, une approche qui va beaucoup plus loin que l’automatisation ou la robotisation des procédés.
Or, plusieurs sociétés -surtout les PME- n’ont pas nécessairement l’expertise pour évaluer le type et l’ampleur des investissements à faire dans l’IA et le 4.0 pour accroître leur productivité, estime le ministre de l’Économie.
C’est pourquoi il veut donner un nouveau rôle à Investissement Québec, qui sensibilise déjà les entreprises aux quatre coins de la province avec sa tournée québécoise l’Initiative manufacturière pour démystifier le 4.0.
Pierre Fitzgibbon souhaite que la société d’État aide par exemple des entreprises à entrer en contact avec des consultants spécialisés dans l’intelligence artificielle et le manufacturier intelligent afin d’évaluer leurs besoins.
«On veut qu’Investissement Québec fédère cette offre pour que l’entrepreneur puisse avoir accès à ces gens-là», dit-il, en précisant que le gouvernement est prêt à aider les entreprises à financer leur transformation numérique.
Mieux cibler la «chasse» aux investissements
Enfin, Québec veut aussi que la société d’État coordonne davantage les efforts de prospection des investisseurs à l’étranger, et ce, de concert avec le réseau des délégations du Québec ou d’organismes d’attraction comme Montréal International.
Dans certains cas, IQ pourrait aussi collaborer avec la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui a aussi des bureaux et un réseau de contacts à l’étranger.
Toutefois, la chose la plus importante aux yeux du ministre, c’est que les efforts d’attraction des investissements au Québec soient plus ciblés sur des grappes dynamiques et prometteuses pour l’économie québécoise comme l’intelligence artificielle et l’aéronautique.
Bref, il faut que la «chasse à l’investissement» soit plus raffinée, insiste Pierre Fitzgibbon.
«Je veux que l’argent pour aider les entreprises étrangères à venir ici, au Québec, soit assigné à des secteurs particuliers, et nos chasseurs pourront chasser sur les bons territoires, dit-il. Si j’ai le goût de manger un canard, je ne veux pas avoir un faisan dans mon assiette.»