Des figures politiques ont été mises sur la sellette, et d’autres ont dû jeter l’éponge. (Photo: 123RF)
Malgré une crise sanitaire qui prend encore énormément de place cette année, les couloirs du Parlement ont vu de nombreux rebondissements autres que la pandémie de COVID-19.
Des figures politiques ont été mises sur la sellette, et d’autres ont dû jeter l’éponge. Des enjeux internationaux se sont invités dans les débats, alors que des élections anticipées ont pris les devants de la scène.
Une gouverneure générale dans la tourmente
Le 21 janvier, l’ancienne astronaute Julie Payette démissionne de son poste de gouverneure générale du Canada, entourée de scandales.
Après avoir pendant des mois fait l’objet d’allégations d’intimidation et d’avoir créé un climat de travail toxique au sein de Rideau Hall, c’est le dépôt d’un rapport de la firme Quintet Consulting Corporation qui met le dernier clou dans son cercueil.
« Les informations faisaient état de cris, de hurlements, de comportement agressif, de commentaires dégradants et d’humiliation publique », peut-on lire dans le document, qui a été rendu public une semaine après le départ de Mme Payette.
Une successeure controversée
En juillet, Justin Trudeau annonce que la prochaine gouverneure générale ne sera nulle autre que la militante et diplomate inuite Mary Simon, qui devient ainsi la première autochtone à occuper ce poste.
Son curriculum vitae est impressionnant: outre un mandat d’ambassadrice canadienne au Danemark, elle a été présidente de l’Inuit Tapiriit Kanatami, une organisation nationale des Inuits, et de la Société Makivik, qui défend les droits inuits au Nunavik.
Mme Simon a aussi reçu de nombreuses distinctions, dont l’Ordre du Canada, l’Ordre national du Québec et onze doctorats honorifiques.
Mais de nombreux Québécois voient d’un mauvais œil le fait qu’elle ne parle pas français, malgré qu’elle ait grandi dans le nord du Québec. Plus d’un millier de plaintes sont déposées devant le commissaire aux langues officielles du Canada, Raymond Théberge. Celui-ci conclut dans son rapport préliminaire que « les plaintes sont non fondées », puisque le premier ministre, qui est celui qui a choisi la gouverneure générale, « n’est pas une institution fédérale assujettie à la Loi » sur les langues officielles.
À ces critiques, Mme Simon répond que le français ne lui avait pas été enseigné dans l’externat fédéral pour Autochtones qu’elle a dû fréquenter, et s’engage à l’apprendre le plus rapidement possible.
Après que la gouverneure générale a récité son discours du Trône dans un français approximatif, en novembre, le sénateur conservateur Claude Carignan dépose un projet de loi qui obligerait tout nouveau gouverneur général à « comprendre clairement les deux langues officielles ».
Jour de la marmotte au Parlement
Après avoir répété pendant des semaines qu’il ne compte pas déclencher des élections anticipées, le premier ministre libéral Justin Trudeau annonce finalement la tenue d’un scrutin.
Au lendemain du vote du 20 septembre, le Parlement est presque inchangé: le Parti libéral a gagné cinq sièges, et le Nouveau Parti démocratique un seul. En contrepartie, cinq députés indépendants n’ont pas été réélus et un poste vacant a été pourvu.
En recevant les résultats, M. Trudeau a répondu aux Canadiens : « Je vous ai entendus, ça ne vous tente plus qu’on parle de politique ou d’élections, vous voulez qu’on se concentre sur le travail qu’on a à faire. »
Les talibans prennent le pouvoir
Au moment où M. Trudeau lance les élections, la situation en Afghanistan devient critique et les talibans marchent sur Kaboul, la capitale du pays.
Le gouvernement canadien récolte les critiques sur le sort des interprètes et autres afghans qui ont travaillé avec les forces canadiennes, et dont la vie est maintenant en danger.
Un pont aérien est déployé à l’aéroport de Kaboul du 16 au 26 août. En tout, plus de 2700 personnes sont évacuées, en majorité des Afghans susceptibles de subir des représailles par les talibans. Beaucoup d’autres n’ont pas cette chance.
Les libéraux promettent aussi d’accueillir 20 000 réfugiés qui ont déjà fui le pays.
En date du 15 décembre, ils sont 3800 à être arrivés au Canada par l’entremise du Programme spécial d’immigration pour les Afghans qui ont aidé le gouvernement du Canada, sur 14 705 demandes reçues. De plus, 2080 autres sont arrivés grâce à un programme humanitaire.
Les déboires du Parti vert
En octobre 2020, les verts élisent Annamie Paul comme successeure à la cheffe Elizabeth May, faisant ainsi l’histoire avec la première femme noire à la tête d’un parti représenté au Parlement.
La lune de miel est cependant de courte durée, et l’un des trois députés verts, Jenica Atwin, claque la porte du parti pour rejoindre les libéraux en juin 2021.
C’est que quelques jours plus tôt, la cheffe avait refusé de dénoncer les paroles de l’un de ses conseillers, qui avait publiquement accusé des députés verts d’antisémitisme. Mme Atwin avait publié sur les médias sociaux une critique des actions d’Israël envers les Palestiniens.
Mme Paul reçoit un ultimatum des instances de son parti, qui menacent de la confronter à un vote de confiance. La cheffe se dit de son côté victime de racisme et de sexisme. Les multiples démarches juridiques drainent les coffres du parti.
C’est dans cet état que la formation entre dans la campagne électorale, déclenchée à la mi-août. Avec peu de moyens financiers et une réputation entachée par les querelles intestines, Mme Paul choisit de se concentrer sur sa circonscription torontoise.
Signe supplémentaire de la crise de leadership, l’aile québécoise du parti publie sa propre plateforme, sans consulter la cheffe.
Au final, celle-ci n’arrive que quatrième dans sa circonscription, et les verts n’obtiennent que 2,3 % des voix, bien moins que les 6,5 % de 2019. La formation fait élire deux députés, soit un de moins qu’en 2019.
Annamie Paul annonce sa démission le 27 septembre, mais ne l’officialise qu’un mois et demi plus tard.
Les verts nomment l’astrophysicien Amita Kuttner comme chef intérimaire, faisant de lui la première personne non binaire à diriger un parti fédéral.
O’Toole en terrain instable
Le chef conservateur Erin O’Toole fait lui aussi face à des dissensions au sein de son parti, alors que sa défaite aux élections de septembre fragilise sa position.
La sénatrice conservatrice Denise Batters lance en novembre une pétition pour hâter la tenue d’un vote de confiance sur le leadership de M. O’Toole, qu’elle accuse d’avoir « édulcoré ou même complètement inversé nos positions politiques ».
Le lendemain, M. O’Toole expulse la sénatrice Batters de son caucus.
La pétition est finalement bloquée par le conseil national du parti, qui juge la démarche invalide.
Si la tendance se maintient, le vote ne devrait avoir lieu qu’en 2023, lors de la convention du parti. Entretemps, le chef devra maintenir un équilibre entre l’aile conservatrice sociale de son parti, et sa volonté de le recentrer pour rejoindre un électorat plus large.
Le grand retour des deux Michael
Après plus de 1000 jours de détention en Chine, Michael Kovrig et Michael Spavor foulent enfin le sol canadien le 25 septembre.
Les deux hommes avaient été arrêtés en décembre 2018, puis plus tard accusés d’espionnage.
Quelques jours auparavant, le Canada avait procédé à l’arrestation d’une haute dirigeante de l’entreprise Huawei, Meng Wanzhou, à la demande des États-Unis, qui l’accusent de fraude.
Pour de nombreux observateurs, le sort des deux Michael constitue des représailles directes aux démarches faites contre Mme Meng.
Comme de raison, leur libération a lieu le même jour où la femme d’affaires a pu rentrer en Chine.
Malgré cela, les relations entre les deux pays ne s’améliorent pas, et le Canada annonce en décembre qu’il se joint au boycottage diplomatique des futurs Jeux olympiques de Pékin, qui concerne les diplomates, mais pas les athlètes. Le mouvement a été lancé par les États-Unis, qui ont dit vouloir protester contre le traitement infligé à la minorité musulmane des Ouïghours, qualifié de « génocide ».
Remous au sujet de la Loi sur la laïcité de l’État
Plus de deux ans après son adoption par l’Assemblée nationale du Québec, la Loi sur la laïcité de l’État cause encore des tensions à Ottawa.
Lors du débat des chefs en anglais, la modératrice Shachi Kurl décrit les lois 96 et 21 comme « discriminatoires » et laisse entendre que le Québec « a un problème de racisme » dans une question posée au chef bloquiste, Yves-François Blanchet, provoquant une levée de boucliers dans la province.
Le sujet est remis à l’ordre du jour en décembre, quand une enseignante d’école primaire à Chelsea, en Outaouais, se fait affecter à d’autres fonctions parce qu’elle porte le hijab.
Quelques jours plus tard, l’ambassadeur canadien à l’ONU, Bob Rae, écrit sur Twitter que la loi a « un sens profondément discriminatoire » et qu’elle va à l’encontre de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Furieux, M. Blanchet, appelle le gouvernement à retirer M. Rae de ses fonctions.
Le premier ministre Justin Trudeau, quant à lui, réitère son « désaccord profond » avec la loi.
Ce à quoi le ministre québécois responsable de la laïcité, Simon Jolin-Barrette, lui répond de « s’occuper de ses affaires ».
Pendant ce temps, plusieurs villes canadiennes annoncent qu’elles soutiendront financièrement la contestation judiciaire de la loi, qui est toujours en cours.