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Le CPQ veut dépolitiser le choix des projets industriels

La Presse Canadienne|Publié le 02 août 2023

Le CPQ veut dépolitiser le choix des projets industriels

«La Régie doit permettre justement de jouer un rôle qui est neutre, de jouer un rôle qui est dépolitisé, mais surtout basé sur des données, sur des faits», plaide Karl Blackburn. (Photo: La Presse Canadienne)

Le porte-voix des employeurs aimerait enlever des mains du politique la décision de raccorder ou non un nouveau projet industriel au réseau d’Hydro-Québec.

Ce rôle devrait revenir à la Régie de l’énergie, plaide le Conseil du patronat du Québec (CPQ) dans son mémoire rédigé dans le cadre des consultations menées par le ministère de l’Énergie sur l’encadrement et le développement des énergies propres.

Québec garderait la prérogative de dicter les grandes orientations par rapport à ses objectifs économiques et environnementaux, mais l’analyse des mérites d’un projet devrait revenir à un organisme neutre, précise le président et chef de la direction du CPQ, Karl Blackburn. 

«La Régie doit permettre justement de jouer un rôle qui est neutre, de jouer un rôle qui est dépolitisé, mais surtout basé sur des données, sur des faits», plaide-t-il en entrevue.

L’hydroélectricité québécoise suscite un engouement encore jamais vu tandis que de nombreuses entreprises veulent réduire l’empreinte carbone de leurs projets. Or, la capacité d’Hydro-Québec, qui envisage la fin des surplus pour 2027, ne sera pas suffisante pour répondre favorablement à toutes les demandes.

Le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, a répété à maintes reprises que tous les projets ne pourraient pas aller de l’avant. Le gouvernement a reçu une liste de demandes équivalente à 23 000 MW et près de 10 000 MW sont sérieusement considérés.

Il ne faut pas voir en cette intervention une critique du ministre Fitzgibbon, répond Karl Blackburn. «Non, c’est une question de processus.»

Il ajoute qu’il faudra donner à la Régie le moyen de remplir «plus rapidement» ses responsabilités si on veut lui confier un plus grand rôle, concède Karl Blackburn. «Malheureusement, il est totalement impensable et illogique de prendre autant de temps pour évaluer des projets qui s’échelonnent sur une période d’années avant d’être capables de donner une réponse éclairée.»

Des tarifs plus élevés pour les ménages

Le CPQ souhaiterait également que les entreprises cessent progressivement de financer indirectement les plus bas tarifs d’électricité payés par les Québécois. Il remet ainsi en question le «contrat social» issu de la Révolution tranquille qui assurait de bas tarifs d’électricité pour les ménages québécois.

En 2021, les Québécois ne payaient que 86,2% de la valeur de l’électricité vendue par Hydro-Québec tandis que la contribution générale des entreprises était de 121% et celle des grands industriels de 113%. 

Avec ce qu’on appelle l’interfinancement, les tarifs payés par les entreprises permettent de financer de plus bas tarifs pour les ménages. 

Notons que le concept d’interfinancement prend en compte le coût de production. Par exemple, le tarif payé par les grands projets industriels est moins élevé que le tarif payé par les ménages, mais il est moins coûteux de raccorder les industries par rapport à leur consommation que ce ne l’est pour l’ensemble des ménages. 

En payant «le vrai coût de l’énergie», on enverrait un signal de prix aux Québécois, ce qui encouragerait de meilleurs comportements, défend Karl Blackburn. «Malheureusement, aujourd’hui, l’interfinancement pénalise grandement les PME et n’invite pas à une meilleure efficacité énergétique.»

«Étant donné que le tarif est supérieur au coût réel de l’énergie, on vient en quelque sorte pénaliser les PME au niveau de la compétition», ajoute-t-il.

Dans son mémoire, l’association demande toutefois qu’on maintienne des tarifs concurrentiels pour les grandes entreprises. «L’accès à une énergie à faible coût pour l’industrie n’est pas incompatible avec la mise en place de mesures d’efficacité énergétique et la recherche d’une plus grande productivité énergétique», peut-on lire.

Karl Blackburn ne voit pas de contradictions entre ses demandes pour les tarifs des ménages et pour les entreprises. Sa proposition vise à ce que les tarifs d’électricité des entreprises «ne soient pas plus élevés pour favoriser les individus», réitère-t-il.

Les entreprises qui cherchent à augmenter leurs bénéfices ont déjà un incitatif à augmenter leur efficacité énergétique, ajoute-t-il. «Elles sont soucieuses, déjà, de réduire leur coût de production pour demeurer compétitives.»

Dans son mémoire, qui compte 17 recommandations, le CPQ suggère également de laisser les producteurs privés d’énergie jouer un plus grand rôle. On suggère également de ne pas exclure d’emblée des sources d’énergie comme l’hydrogène ou le nucléaire. 

«Aujourd’hui, le nucléaire génère des déchets, explique Karl Blackburn. Par contre, on sait que la science et la technologie évoluent. (…)  Si on ferme la porte maintenant peut-être qu’on peut se priver d’opportunités pour demain.»