Entre l’automne 2008 et fin 2009, le Trésor américain avait injecté plus de 200 milliards de dollars pour recapitaliser les banques américaines, sans contrepartie. Il a, depuis, récupéré davantage qu’il avait investi. (Photo: Getty Images)
Le gouvernement américain est intervenu pour garantir les dépôts de banques en faillite, mais cherche depuis à éviter tout parallèle avec les sauvetages de 2008, qui avaient valu des critiques virulentes à George Bush et Barack Obama.
Le Trésor américain et l’Agence de garantie des dépôts, la FDIC, ont décidé, le 12 mars, de couvrir l’ensemble des dépôts au sein de Silicon Valley Bank (SVB) et Signature Bank, insolvables toutes les deux, au-delà du plafond théoriquement fixé à 250 000 dollars, pour rassurer leurs clients et les déposants américains en général.
Dès le communiqué d’annonce, les autorités ont précisé que le coût éventuel de l’opération ne serait « pas assumé par les contribuables » américains.
« Ce n’est pas un sauvetage », car les autorités « protègent les déposants, mais pas les créanciers obligataires et les actionnaires », fait valoir David Smith, professeur à l’université de Virginie, « à la différence de la crise financière ».
Entre l’automne 2008 et fin 2009, le Trésor américain avait injecté plus de 200 milliards de dollars pour recapitaliser les banques américaines, sans contrepartie. Il a, depuis, récupéré davantage qu’il avait investi.
L’intervention relative à SVB et Signature Bank a, cette fois, effacé la totalité de la valeur boursière des deux établissements, conduit au limogeage des dirigeants et devrait entraîner des pertes significatives pour les détenteurs de dette émise par les deux banques.
Le ministère américain de la Justice a ouvert une enquête sur la défaillance de SVB, selon plusieurs médias, et le président Joe Biden a appelé vendredi le Congrès à « agir pour sanctionner plus lourdement les dirigeants des banques dont la mauvaise gestion a contribué à la faillite de leurs établissements ».
Deux banquiers seulement, cadres de niveau intermédiaire, ont été poursuivis et condamnés après la crise financière aux États-Unis.
La gestion de 2008 avait suscité des critiques, donné naissance au mouvement Occupy Wall Street et nourri le ressentiment, préexistant, à l’égard des banques, aujourd’hui exprimé par plusieurs élus démocrates les plus à gauche.
Qui va payer la note ?
« Les gens qui appellent ça un sauvetage ont tort », a martelé, dans un entretien au site CT Insider, l’élu à la Chambre des représentants Jim Hines, parmi de nombreux parlementaires démocrates à relayer le discours du gouvernement.
Pour Aaron Klein, du centre de réflexion Brookings Institution, il s’agit bien d’un « bailout », une opération de secours, aux conséquences incertaines.
« Des clients comme Peter Thiel (investisseur du secteur technologique) ou les entrepreneurs des cryptomonnaies ont reçu une garantie du gouvernement », fait valoir le chercheur, alors qu’ils auraient vraisemblablement perdu, sans cela, une partie de leurs dépôts.
« Nous ne pouvons pas continuer avec ce paradigme qui offre plus de socialisme aux riches et l’individualisme rugueux pour tous les autres », a déclaré le sénateur indépendant Bernie Sanders, proche de la gauche radicale, fustigeant le coup de main apporté à des clients aux dépôts conséquents.
Il est « inexact », selon Aaron Klein, de dire que l’opération ne coûtera rien au contribuable américain. La reprise en main de SVB et Signature Bank va générer des frais supplémentaires pour la FDIC, qui seront assumés par le gouvernement américain.
Les autorités américaines ont expliqué que le coût éventuel de la garantie de tous les dépôts serait pris en charge par le Fonds d’assurance de la FDIC, alimenté par des contributions obligatoires de tous les établissements américains.
Fin 2022, son solde se montait à 128 milliards de dollars, soit 1,27% des 10 000 milliards de dépôts assurés.
Si l’utilisation de ce fonds nécessite de le renflouer, les banques devront mettre la main au portefeuille, et « clairement, ce sont les clients qui finiront par payer la note », reconnaît David Smith.
L’ancien vice-président américain Mike Pence a qualifié de « malhonnête » l’affirmation du président Biden. « Chaque Américain va devoir payer des frais (bancaires) plus élevés pour pouvoir reconstituer les milliards dépensés par la FDIC », a clamé le républicain dans une tribune publiée par le Daily Mail.
« Les déposants de banques en bonne santé sont contraints de subventionner la mauvaise gestion de Silicon Valley Bank », a commenté, de son côté, la candidate à la primaire républicaine Nikki Haley.
À court terme, l’initiative du gouvernement « a permis d’éviter la contagion », rappelle Mark Williams, professeur à l’université de Boston.
« Ils n’ont pas surréagi », estime David Smith, parce qu’il fallait contenir « la peur d’une contagion, de conséquences économiques majeures ».
« À plus long terme », cependant, « l’aléa moral a été alimenté », dit-il, notion selon laquelle neutraliser les conséquences d’une erreur de jugement économique encourage à la répéter. « Quel effet cela aura-t-il sur les comportements de banques? »