Le projet de loi du budget fédéral sera adopté sous le bâillon
La Presse Canadienne|Publié le 14 juin 2021La ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland (Photo: Getty images)
Le volumineux projet de loi de mise en oeuvre du budget fédéral, notamment, se dirige plus rapidement vers un vote final aux Communes: le gouvernement libéral a réussi lundi à abréger le débat, invoquant des manoeuvres dilatoires partisanes.
Après avoir obtenu l’appui du Bloc québécois, le gouvernement a décidé que le projet de loi C−30 disposerait désormais de 10 heures supplémentaires de débats aux Communes avant que les députés ne votent. Le sort du gouvernement libéral minoritaire est intimement lié à l’issue de ce vote, considéré comme un «vote de confiance»: si le projet de loi était rejeté en Chambre, des élections fédérales pourraient être déclenchées aussitôt.
Le projet de loi C−30 contient notamment plusieurs mesures du budget d’avril, y compris des modifications dans les programmes de soutien aux entreprises et aux travailleurs.
Selon la ministre des Finances, Chrystia Freeland, le gouvernement craint que le projet de loi ne puisse être adopté avant que les Communes n’ajournent leurs travaux pour l’été, ce qui entraînerait l’expiration des mesures de soutien à la fin du mois, alors que l’économie canadienne commence à émerger.
Lors d’une conférence de presse, lundi matin, le leader du gouvernement en Chambre, Pablo Rodriguez, a blâmé les tactiques dilatoires des conservateurs pour le retard dans l’adoption du projet de loi C−30 et de trois autres projets de loi que les libéraux veulent faire adopter avant l’ajournement du 23 juin — il restait lundi huit jours de séances aux Communes.
Les autres projets de loi sont le C−6, qui interdirait la thérapie de conversion pour les LGBTQ, actuellement en troisième lecture, le projet de loi C−10, qui modifierait la Loi sur la radiodiffusion pour faire en sorte que les services de diffusion en continu respectent la réglementation sur le contenu canadien, et le C−12, qui mettrait en oeuvre une loi sur la responsabilité climatique.
Les conservateurs soutiennent que le projet de loi C−6 est trop large — il empêcherait les Canadiens d’avoir des conversations avec un leader spirituel au sujet de leur sexualité. Ils estiment aussi que C−10 limiterait la liberté d’expression en ligne. Quant au projet de loi C−12, les conservateurs soutiennent que des militants écologistes ont été nommés par le gouvernement au sein d’un groupe d’experts qui le conseille sur la manière d’atteindre des émissions nettes nulles d’ici 2050.
Siéger pendant l’été? Des élections à l’automne?
Le porte−parole conservateur en matière de finances, Ed Fast, a déclaré en Chambre que l’opposition officielle faisait son travail en examinant ce qu’il a appelé le plus grand transfert intergénérationnel de risque financier et de dette nationale.
«Pourquoi (Mme Freeland) ne veut pas que l’opposition fasse son travail ? Notre travail consiste à demander des comptes au gouvernement, à exercer un contrôle et une surveillance», a déclaré M. Fast. « Il s’agit du plus gros budget de l’histoire du Canada. La plus grosse dette — bien au−dessus de 1000 milliards $, en route vers 1800 milliards $: les Canadiens n’ont jamais vu cela.»
M. Rodriguez a déclaré lundi qu’il ne croyait pas utile de siéger tout l’été, comme l’ont fait les députés l’année dernière pendant le premier été de pandémie. Il a appelé les partis «progressistes» à faciliter l’adoption des projets de loi du gouvernement.
Même s’il a suggéré que les députés pourraient simplement revenir à la fin de l’été, des indices laissent croire de plus en plus à un scrutin fédéral cet automne, qui ferait mourir au feuilleton les projets de loi des libéraux. Les députés qui n’ont pas l’intention de se représenter peuvent d’ailleurs prononcer cette semaine un discours d’adieu à la Chambre des communes.
La députée verte Elizabeth May a déclaré qu’elle était favorable à la nécessité d’adopter le projet de loi C−30, mais elle s’oppose à la «limite d’attribution de temps», communément appelée le «bâillon».
«Cette Chambre existe pour examiner les projets de loi, pour prendre le temps qu’il faut pour les réviser», a−t−elle déclaré lors du débat sur la motion. «Nous semblons être sous la fausse pression que le temps manquera sur de nombreux projets de loi parce qu’une élection se profile.»
Mme Freeland a déclaré que le gouvernement ne souhaitait pas d’élections, mais elle a blâmé les manoeuvres politiques pour avoir entravé le travail de la Chambre sur les réformes de la subvention salariale et des prestations de soutien. «Ces mesures expirent ce mois−ci et je crois fermement que les Canadiens ont besoin de ce soutien», a déclaré la ministre des Finances. «Il est donc vraiment temps de mettre fin aux jeux partisans, aux effets de théâtre, il est temps que tous les députés se mettent au travail.»
Le chef néo−démocrate, Jagmeet Singh, a dénoncé le plan des libéraux de forcer l’adoption du projet de loi C−30 sans corriger ce qu’il a appelé une réduction inutile des prestations, par le biais de la Prestation canadienne de la relance économique, alors que des centaines de milliers de Canadiens sont toujours sans emploi.
Le projet de loi C−30 contient en effet des dispositions visant à réduire les prestations, qui passeraient de 500 $ à 300 $ par semaine. Des dispositions similaires sont en place pour réduire progressivement la subvention salariale. M. Singh a déclaré que les néo−démocrates prévoyaient de s’opposer à la décision, ce qui pourrait mettre un frein à l’appel du gouvernement au NPD et au Bloc québécois pour qu’ils permettent l’adoption des projets de loi en Chambre.
Mme Freeland répond que les indicateurs ne la persuadent pas de changer de cap. «Quand je regarde à la fois la situation avec les vaccins et le niveau de contagion, ainsi que les indicateurs économiques, en ce moment, aujourd’hui, je suis vraiment à l’aise avec les mesures et le plan que nous avons en place», a−t−elle soutenu.