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Le Québec doit mieux intégrer ses immigrants

La Presse Canadienne|Publié le 23 mai 2019

Le poids démographique du Québec au sein du Canada passera de 22,6% à 20,2% en 2040.

La décision du gouvernement Legault de faire passer le nombre d’immigrants d’environ 51 000 personnes par année à 40 000 dès cette année fera chuter le poids démographique du Québec au sein du Canada de 22,6 pour cent _ où il se trouve présentement _ à 20,2 pour cent d’ici 2040 s’il maintient ce rythme.

Cependant, avant de se préoccuper du nombre d’immigrants qu’il accueillera, le Québec doit absolument améliorer leur intégration, estiment des chercheurs de l’Institut du Québec dans une étude publiée jeudi où ils comparent quatre scénarios d’immigration d’ici 2040, et ce, à l’approche d’une consultation publique sur les seuils d’immigration.

La directrice générale de l’Institut et coauteure du rapport intitulé «Seuils d’immigration au Québec: analyse des incidences démographiques et économiques», Mia Homsy, est d’ailleurs très claire à ce sujet: «En raison des difficultés d’intégration des immigrants en emploi au Québec, il n’existe pas de seuil optimal qui viendrait, telle une solution magique, régler tous nos enjeux démographiques et économiques à plus long terme».

«Le nombre annuel de nouveaux arrivants devrait surtout être établi en fonction de notre capacité à les intégrer sur le marché du travail», écrit-on dans les documents de l’Institut.

Intégration: faiblesses du système

Le rapport insiste sur cette question dans sa conclusion, où l’on peut lire que «le gouvernement doit mettre les bouchées doubles pour pallier aux faiblesses du système actuel comme les délais et la lourdeur du processus de sélection des immigrants, les difficultés de la reconnaissance des qualifications et de l’expérience étrangères et les succès mitigés de la francisation».

Certes, les chercheurs reconnaissent que l’intégration s’est améliorée très récemment, avec des taux de chômage chez les nouveaux arrivants qui se sont beaucoup rapprochés de ceux de la population dite «native», mais cette amélioration, d’une part, est fonction des besoins pressants d’un marché du travail en pénurie de main-d’oeuvre et, d’autre part, «le Québec accuse toujours un important retard par rapport au reste du Canada quant à l’intégration en emploi des immigrants, principalement pour ceux arrivés depuis moins de cinq ans», rappelle-t-on.

Quatre scénarios

L’Institut, un organisme de recherche indépendant créé par HEC Montréal et le Conference Board du Canada, note que le seuil de 40 000 représente 12 pour cent de l’immigration canadienne totale et que la conséquence inévitable de maintenir une telle proportion ne peut être autre qu’un affaiblissement du poids démographique du Québec.

À terme, cette proportion de 12 pour cent se traduirait par un accueil de 54 000 nouveaux arrivants par année en 2040.

Sans aucune immigration _ un autre des quatre scénarios analysés par les chercheurs pour établir des comparatifs bien qu’ils le considèrent comme étant «contrefactuel» _ le faible taux de natalité et le vieillissement rapide de la population porteraient le poids démographique du Québec à 17,5 pour cent de la population canadienne dans 20 ans. Mais surtout, il ne resterait plus que 1,8 travailleur par retraité de 65 ans et plus, comparativement à 3,1 aujourd’hui, ce qui mettrait une pression insoutenable sur les régimes de pension gouvernementaux et le réseau de la santé.

Les deux autres scénarios sont le statu quo, soit le maintien de la proportion de 16 pour cent du total canadien comme c’était le cas en 2018, c’est-à-dire recevoir 53 000 immigrants en 2019 et augmenter progressivement jusqu’à 71 000 en 2019 et enfin, aligner l’immigration sur le poids démographique du Québec, soit en accueillir 23 pour cent, ce qui représenterait 63 000 nouveaux arrivants dès cette année pour aboutir à 103 000 immigrants dans 20 ans.

Dans ce dernier cas, le poids démographique du Québec bougerait à peine, pour se situer à 22,5 pour cent de la population canadienne. Le ratio de travailleurs chuterait tout de même, mais beaucoup moins, pour se situer à 2,3 travailleurs par retraité, comparativement à 2,1 dans le scénario de 12 pour cent du gouvernement actuel et de 2,2 selon le scénario du statu quo.

Impact économique important

En bout de piste, les chercheurs estiment qu’à elle seule, «l’immigration ne pourra pas annuler totalement l’impact du vieillissement de la population sur l’économie. Elle pourra toutefois en atténuer les effets démographiques et économiques, notamment en assurant un ratio plus élevé de travailleurs par retraité.»

De plus, le choix du niveau d’immigration ne sera pas sans conséquence sur l’économie globale de la province: «si le Québec opte pour un seuil d’immigration qui correspond à 12 pour cent de la cible canadienne, l’apport économique des nouveaux arrivants assurerait un tiers de sa croissance économique en 2040. Dans le scénario où il augmenterait cette part à 23 pour cent du solde canadien, l’immigration aurait davantage d’incidence sur la croissance économique, contribuant à la moitié de la croissance en 2040.»