Négociations du secteur public: les syndicats furieux
La Presse Canadienne|Publié le 29 octobre 2023Magali Picard (FTQ), François Enault (CSN), Eric Gingras (CSQ), et Robert Comeau (APTS) (Photo: La Presse Canadienne)
La présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a déposé sa nouvelle offre pour les travailleurs et travailleuses du secteur public, dimanche matin, qui a aussitôt été qualifiée de «dérisoire» par les syndicats concernés dans un contexte de grèves imminentes.
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L’offre précédente était une augmentation salariale de 9 % sur cinq ans, à laquelle s’ajoutaient le montant forfaitaire de 1000 $ la première année et une somme équivalant à 2,5 % pour les «priorités gouvernementales», une offre présentée comme une hausse de 13 % sur cinq ans.
«Je sais que la ministre LeBel va vous parler de 14,8 %. Soyons clairs: ce qu’un travailleur ou une travailleuse de l’État va recevoir sur sa paye s’il avait fallu accepter ça, c’est 10,3 sur cinq ans», a dit en conférence de presse Magali Picard, présidente de la FTQ.
«Lorsqu’elle parle du 14,8, elle inclut le montant forfaitaire de 1000 $, elle inclut les 4000 prochaines embauches d’aide à la classe. Ça, ça ne donne absolument rien sur le salaire des gens qu’on représente.»
En entrevue avec La Presse Canadienne, Mme LeBel a soutenu qu’il est nécessaire de regarder l’offre dans son ensemble, non pas seulement la hausse salariale, puisque le montant forfaitaire de 1000 $ représente un investissement non récurrent de 1,5 %. «Ça vaut un milliard de dollars pour les Québécois. C’est de l’argent», a-t-elle fait valoir, rappelant qu’il s’agit de l’argent des contribuables.
Éric Gingras, président de la CSQ, a renchéri en conférence de presseen abordant la question de l’inflation. «Quand on nous propose l’offre, maintenant 10,3 %, avec un taux d’inflation qui est prévu à 18 % pour ces cinq années-là, on va bouger comment? On va baisser en bas du taux d’inflation? Il n’en est pas question.»
Le gouvernement Legault a laissé entendre qu’améliorer les conditions en éducation et en santé sont des priorités. «En éducation, il est maintenant question d’ajouter de l’aide dans les classes du secondaire (en plus de celles du primaire) et en santé, de favoriser une couverture plus optimale des quarts de soir, de nuit et de fins de semaine, en haussant le salaire des infirmières qui voudront participer, sur une base volontaire, à l’effort», peut-on lire dans un communiqué.
La ministre LeBel a aussi indiqué que toutes les primes temporaires, sauf celles liées à l’urgence sanitaire, seront reconduites jusqu’au renouvellement des conventions collectives.
Des milliers de travailleurs du secteur public, comme le personnel infirmier ou ceux qui travaillent dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), étaient sur le qui-vive pour savoir si leurs primes continueraient d’être versées ou si Québec allait plutôt choisir d’interrompre leur versement pour faire pression sur les syndicats.
L’ensemble de ces primes vaut 600 millions $, selon la ministre LeBel. Cela peut représenter plusieurs milliers de dollars pour chaque travailleur concerné.
Sonia LeBel s’est dite étonnée que les syndicats réagissent aussi rapidement. «Je suis extrêmement surprise de la rapidité à laquelle on s’est positionné. L’offre avait à peine commencé à être déposée aux tables que déjà, ils la rejetaient de la main avec une vigueur qui était quand même étonnante pour une offre qui est sérieuse.»
Les syndicats feront la grève
De son côté, le front commun réclame un contrat de trois ans, soit l’Indice des prix à la consommation (IPC) plus 2 % pour la première année, ou bien 100 $ par semaine, selon la formule la plus avantageuse pour les travailleurs, puis l’IPC plus 3 % pour la deuxième année et l’IPC plus 4 % pour la troisième année.
En conférence de presse dimanche avant-midi, Mme Picard a dit d’emblée qu’elle était très mal à l’aise par rapport aux offres de la ministre LeBel, qu’elle a qualifiées de dérisoires.
«On avait de l’espoir, a déclaré Mme Picard, mais on continue ce même régime, ce même ton d’arrogance et d’insultes pour les 420 000 travailleuses et travailleurs qu’on représente.»
Le front commun, constitué de la CSN, de la CSQ, de la FTQ et de l’APTS, qui représentent ensemble 420 000 membres, a annoncé une première journée de grève, le 6 novembre.
«On sera dans la rue le 6 novembre prochain», a affirmé Mme Picard, qui a ajouté que le niveau de frustration «ne fera qu’augmenter».
La Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), qui représente 80 000 infirmières et autres professionnelles de la santé, a annoncé des premières journées de grève les 8 et 9 novembre.
Les 65 000 enseignants de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) se sont aussi dotés d’un mandat de grève, mais on ne sait pas exactement quand il sera exercé.
La présidente du Conseil du trésor a dit être préoccupée par les grèves annoncées, puisque les services pour les citoyens seront perturbés.
«Mais ce n’est pas les mandats de grève qui me motivent à trouver des solutions. Mon objectif c’est de trouver des solutions le plus rapidement possible depuis le début. Par contre, quand j’entends une réaction aussi vive et aussi rapide de la part des syndicats, je me demande où on en est dans la volonté réelle de leur part d’arriver à une entente d’ici la fin de l’année.»
Mme LeBel a dit qu’elle était prête à discuter de son offre avec les syndicats, mais elle s’est défendue en disant qu’elle n’est «certainement pas insultante».
Dans son communiqué, le gouvernement souligne aussi qu’il souhaite s’attaquer à l’attraction et à la rétention du personnel. Pour ce faire, il réitère son offre d’une bonification supplémentaire qui représente en moyenne de 1 % aux employés qui gagnent moins de 52 000 $ annuellement et ceux débutant leur carrière.
Les négociations entre Québec et les syndicats du secteur public durent depuis des mois; elles ont commencé au début de l’année.
«Pour la suite des choses, je m’attends à ce que (les syndicats) fassent enfin une contre-offre au gouvernement, ce qu’ils n’ont jamais fait, a déclaré Mme LeBel. Je m’attends à ce qu’ils prennent un petit pas de recul sur ce qui s’est passé ce matin (dimanche), qu’ils prennent le temps d’analyser l’offre correctement et dans les détails — parce qu’il y a beaucoup de détails dans une offre gouvernementale — et qu’ils me reviennent, pas par des déclarations médiatiques, mais aux tables de négociation avec une contre-offre sérieuse.»
Katrine Desautels, avec des informations de Lia Lévesque