(Photo: Andrew Vaughan pour La Presse Canadienne)
Toujours en négociations avec d’autres transporteurs aériens, Ottawa s’entend sur les modalités d’un plan d’aide pouvant atteindre 5,9 milliards $ avec Air Canada, qui remboursera en échange ses clients dont les vols ont été annulés par la pandémie de COVID-19 en plus de rétablir des liaisons régionales annulées.
Les clients d’Air Canada dont les vols ont été affectés par la pandémie de COVID-19 depuis le 1er février 2020 peuvent désormais présenter une demande afin d’obtenir un remboursement.
Le plus important transporteur aérien au pays a indiqué, mardi, que sa politique de remboursement révisée s’appliquait aux billets et les forfaits Vacances Air Canada achetés avant ce mardi, pour les vols annulés par la compagnie ou par le client pour quelque raison que ce soit.
Les clients qui ont déjà accepté un crédit de voyage ou des points Aéroplan auront la possibilité de les échanger contre un remboursem
Annoncé à la suite de négociations qui se sont amorcées l’automne dernier, l’accord, dont le montage financier comporte des prêts ainsi qu’une prise de participation, s’accompagne également d’autres restrictions, comme le plafonnement à 1 million $ de la rémunération totale de chacun des membres de la haute direction et l’interdiction de verser des dividendes ainsi que de procéder à des rachats d’actions.
«Il était important d’avoir un accord avec les compagnies aériennes qui était gagnant pour le fédéral», a expliqué la vice-première ministre Chrystia Freeland, lundi soir, dans le cadre d’une conférence de presse à laquelle participait son collègue aux Transports, Omar Alghabra.
Air Canada, qui avait licencié 20 000 employés l’an dernier et plus de 1 700 autres en janvier dernier, devra également maintenir les niveaux d’emplois actuels — environ 15 000 employés — et s’engager à accepter le reste des 33 A220 d’Airbus construits à Mirabel dans le cadre de sa commande. Ce contrat avait fait l’objet de 12 annulations l’automne dernier.
Par l’entremise du Crédit d’urgence pour les grands employeurs (CUGE), c’est ainsi 4 milliards $ en prêts qui sont mis à la disposition de la société. Le gouvernement Trudeau achètera également pour 500 millions $ d’actions, ou 21,6 millions de titres, d’Air Canada au prix unitaire de 23,18$, ce qui constitue un escompte d’environ 16,5% par rapport au cours de clôture du titre (27$), lundi, à la Bourse de Toronto. La participation d’Ottawa dans l’actionnariat devrait osciller aux alentours de 6%. Le gouvernement fédéral pourrait également acheter 14 millions d’actions de plus par l’entremise de bons de souscription.
Un prêt de 1,4 milliard $ supplémentaire sera également offert — une mesure disponible pour les autres compagnies — à Air Canada pour aider à rembourser ses clients au plus tard à compter de la fin du mois.
«Les contribuables ne financent pas les remboursements (pour les vols annulés), s’est défendue Mme Freeland, lorsque interrogée sur la question. Le gouvernement s’attend à être pleinement remboursé.»
Jacques Roy, professeur de gestion des transports aux HEC Montréal, a toutefois estimé que par l’entremise du prêt à faible taux d’intérêt offert à Air Canada, les contribuables assumaient en quelque sorte les remboursements aux voyageurs.
«Ils ont sept ans pour rembourser, a-t-il observé, au cours d’un entretien téléphonique. Ce n’est donc pas une contrainte très sévère pour Air Canada.»
Les remboursements seront offerts aux clients ayant acheté des billets non remboursables pour un voyage qui devait débuter «au plus tôt en février 2020», mais qui n’ont pas «voyagé en raison» de la pandémie.
Aide tardive
Le Canada était le seul pays du G7 à ne pas offrir une aide spécifique à l’industrie aérienne depuis le début de la crise sanitaire, qui a engendré, depuis l’an dernier, des restrictions qui se sont avérées catastrophiques pour l’industrie aérienne.
Si les compagnies aériennes ont pu bénéficier de mesures comme la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC), elles ont décidé d’offrir des crédits de voyages plutôt que de rembourser leurs clients. Par exemple, Air Canada avait indiqué, en février, qu’elle conservait 2,3 milliards $ en vente de billets à son plus récent trimestre.
«Ce programme nous procure les liquidités supplémentaires dont nous pourrions avoir besoin pour rebâtir notre entreprise dans l’intérêt de toutes les parties prenantes et pour continuer à contribuer largement à l’économie canadienne durant la reprise et à long terme», a commenté le président et chef de la direction d’Air Canada, Michael Rousseau, dans un communiqué.
Interrogée à savoir l’entente avec Air Canada pourrait servir de modèle dans l’éventualité d’un accord avec WestJet, Mme Freeland a répondu qu’il était important d’avoir deux transporteurs nationaux au pays en qualifiant de «constructives» les discussions avec la société aérienne de Calgary. Transat A.T., dont le mariage avec Air Canada vient d’être annulé, négocie également avec Ottawa afin d’obtenir du financement en vertu du CUGE.
Plusieurs dizaines de milliers de licenciements ont eu lieu chez les principaux transporteurs depuis le début de la crise sanitaire à la suite de l’imposition de restrictions visant à limiter la propagation du nouveau coronavirus, ce qui a fait plonger la demande. Air Canada a perdu 4,6 milliards $ au cours de l’exercice terminé le 31 décembre dernier en plus de voir ses revenus plonger de 70% et le volume de passagers transportés s’effondrer de 73%.
Par voie de communiqué, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui représente 10 000 agents de bord d’Air Canada, a dénoncé l’entente, affirmant qu’elle «trahissait l’engagement du gouvernement à soutenir les travailleurs des compagnies aériennes touchés par la pandémie».
«C’est exactement ce à quoi nous craignions qu’un accord concocté à huis clos ressemble: il arrive avec un an de retard, sans transparence, sans suffisamment de mesures pour soutenir les milliers d’agents de bord encore sous le choc des effets de la pandémie.»
Le directeur du groupe d’études en management des entreprises en aéronautique à l’UQAM, Mehran Ebrahimi, a estimé que la prise de participation dans le plus important transporteur aérien au pays était «intéressante» pour les contribuables.
«On peut espérer qu’avec la reprise des activités aériennes, la valeur de ces actions va grimper, a-t-il affirmé, au bout du fil. Le remboursement des billets et le retour dans les régions, c’est positif également.»
D’ici le 1er juin, Air Canada devra recommencer à offrir des liaisons suspendues vers 13 aéroports régionaux. Elle devra également trouver des solutions, comme en concluant des ententes avec d’autres transporteurs, pour sept aéroports dont le service avait été suspendu définitivement. Au Québec, les aéroports de Baie-Comeau, Gaspé, des Îles-de-la-Madeleine et Val-d’Or étaient concernés par cette décision.