Dimitri Gourdin, adm.a., PRP, directeur général, Zú (Photo: courtoisie)
Un texte de Dimitri Gourdin, adm.a., PRP,
directeur général, Zú
COURRIER DES LECTEURS. Sommes-nous vraiment pourris gâtés comme le mentionnait récemment Nicolas Duvernois avec sa fougue habituelle?
Je ne le crois pas. Ne serait-on pas plutôt franchement mal pris comme citoyens?!
Effectivement, tout comme Nicolas, je suis inquiet, atterré, découragé même devant les taux faméliques de participation aux dernières élections municipales, comme à pas mal toutes les élections d’ailleurs.
Mais contrairement à lui, je n’ai aucune difficulté à le comprendre. Et contrairement à lui, je ne culpabiliserai certainement pas la population pour cela.
C’est en général le pire procédé pour convaincre quelqu’un de faire différemment ou d’évoluer sur telle ou telle question.
La population ne se déplace plus, car tout a été fait pour cela.
Des élites de plus en plus déconnectées qui oublient pourtant le rôle fondamental qu’elles doivent jouer dans une démocratie saine et qui passent trop souvent leur temps à mépriser le peuple plutôt qu’à l’écouter.
Des politiciens dont l’envergure diminue et qui sont relégués au rang de simples gestionnaires à mesure que leur pouvoir rétrécit, car toujours plus transféré vers les marchés financiers et les géants de l’économie.
Un système éducatif défaillant qui ne s’offusque même plus que la moitié des Québécois soient des analphabètes fonctionnels. Une société de consommation bien plus portée à produire en masse des consommateurs faciles à séduire plutôt que des citoyens conscients et éclairés.
Des médias qui ne favorisent pas assez la diversité d’opinions et qui décident trop vite du sort d’une élection (la ville de Québec ne s’en est toujours pas remis).
Comment le peuple serait-il supposé voter en grand nombre quand il n’est plus guidé par ses élites, quand il ne croit plus en ses élus, quand 50% ne comprennent pas un texte qu’il lit, quand la société le nivelle la plupart du temps vers le bas, quand les médias ont tendance à confisquer l’opinion ?!
Alors bien sûr je suis d’accord avec Nicolas quand il s’offusque des gérants d’estrade qui se prononcent pour tout et son contraire sur des médias sociaux aux algorithmes manipulateurs. Quand il rappelle l’importance cruciale du droit de vote, un droit si fondamental qui cimente les pays libres. Quand il se souvient de toutes les luttes féroces, de tous les sacrifices passés et actuels pour obtenir que les peuples puissent enfin s’exprimer et peser sur les choix du pays dans lequel ils vivent.
Mais ce fameux dimanche 7 novembre dernier, aux quatre coins de la province, les citoyens n’ont pas abandonné leur droit de parole Nicolas. Non et c’est tout le contraire. Ils ont plutôt crié, ils ont hurlé, ils lancent le seul vrai signal d’alarme de la démocratie !
Ne pas voter est un geste d’une puissance effrayante, un suicide démocratique, une bombe à fragmentation qui blesse et détruit tout aux alentours.
Et que faisons-nous? Rien. Nous n’entendons pas ce cri. Nous en faisons fi. Pire nous jugeons, nous culpabilisons, nous donnons des leçons à ce peuple si égoïste, si irresponsable, si soumis.
C’est là notre erreur, notre pire faute. Nous jouons un jeu bien dangereux, car lorsque cette partie du peuple retournera aux urnes, ce sera probablement parce que les extrémistes et les radicaux de tous bords les y auront convaincus.
C’est à ce moment que la démocratie s’écroulera. Pour le moment, elle vacille. Ce devrait être suffisant pour nous faire réagir.
Ce taux de participation, je ne l’ai pas en travers de la gorge. J’en ai honte personnellement et nous devrions tous en avoir honte. Mais c’est nous, les votants, qui devrions nous blâmer et nous remettre en cause. Nous devons faire quelque chose. Nous devons agir pour continuer à vivre ensemble et à voter ensemble.
Après tout, ne sommes-nous pas en train de confisquer la démocratie pour nous seuls, au lieu d’entraîner avec nous le plus grand nombre?
Montalembert disait au 19e siècle : « Vous avez beau ne pas vous occuper de politique, la politique s’occupe de vous tout de même. »
Je formule un vœu : que la politique s’occupe mieux de nous. Le temps presse.