Québec doit inclure le climat à la gestion des finances publiques
François Normand|Publié le 26 janvier 2022En 2017 et 2019, les inondations au Québec ont coûté 506 millions de dollars à la Sécurité publique, (Photo: Getty Image)
Depuis des années, les changements climatiques ont un impact sur les dépenses du gouvernement du Québec, et ce, des infrastructures aux soins de santé. Le hic, c’est qu’il n’a aucune idée des coûts réels, ce qui l’empêche de gérer adéquatement l’impact financier des catastrophes naturelles sur son budget.
Voilà le principal constat d’une étude que publie ce mercredi l’Institut du Québec (IDQ) à ce sujet (Intégration des risques climatiques dans les finances publiques du Québec), et qui a été remise au ministère des Finances.
À la pièce, il existe certaines estimations qui permettent d’évaluer l’impact financier des changements climatiques sur les finances publiques, souligne Luc Belzile, économiste principal à l’IDQ et co-auteur de l’étude avec la PDG de l’organisme, Mia Homsy.
«Par exemple, en 2017 et 2019, les inondations au Québec ont coûté 506 millions de dollars à la Sécurité publique», dit-il en entrevue à Les Affaires.
En 2016, le consortium Ouranos avait aussi publié une étude estimant à 825 M$ (vers 2050) la valeur actualisée nette des coûts d’érosion et de submersion des zones côtières de l’Est du Québec si aucune intervention n’était faite pour s’adapter à la montée des eaux.
Le problème, c’est que le gouvernement québécois n’a pas de vue d’ensemble sur les coûts totaux causés actuellement et qui seront causés à l’avenir par les changements climatiques sur son budget, fait remarquer Mia Homsy, qui a essayé d’évaluer cet impact global en réalisant l’étude, mais sans succès.
Incapacité à constituer une provision climatique
À ses yeux, cette situation empêche Québec de constituer une provision pour gérer l’impact financier des changements climatiques, comme le font la plupart des entreprises dans le cas des mauvaises créances, par exemple.
«Nous avons essayé d’évaluer l’impact global. Or, nous avons réalisé que le gouvernement n’a pas cette information pour constituer une provision», dit-elle.
Dans son étude, l’IDQ affirme que le gouvernement devrait rapidement prendre en compte les risques climatiques dans l’évaluation des coûts d’entretien des infrastructures publiques.
L’organisme déplore par exemple que le Plan québécois des infrastructures (PQI, 2021-2031) — qui prévoit des investissements de plus de 130 milliards de dollars sur 10 ans — n’inclut aucune provision pour faire face aux inondations plus fréquentes.
Des semi-remorques et des voitures sont abandonnées sur la route 1, alors que l’eau continue de couvrir les voies en direction est de la route, le 18 novembre, à Abbotsford, en Colombie-Britannique. (Photo: Getty Images)
L’approche ontarienne pour les bâtiments
Luc Belzile estime que le Québec pourrait par exemple s’inspirer de l’Ontario pour mieux évaluer ses risques climatiques.
Le Bureau de la responsabilité financière (BRF) vient d’y publier le premier d’une série de rapports à ce sujet. Uniquement dans le secteur des bâtiments, le BRF estime que, sans mesure d’adaptation et dans un scénario d’émissions moyennes, la facture pourrait augmenter de 8% à 15%.
Une fois que Québec aura pris des mesures pour le PQI, Mia Homsy insiste toutefois sur le fait que le gouvernement doit rapidement élargir la réflexion pour l’ensemble de ses dépenses, pas seulement pour les infrastructures.
Selon elle, Québec a deux types de coûts à évaluer: les coûts pour s’adapter aux changements climatiques et les coûts pour accélérer la transition énergétique, et ce, pour limiter les coûts d’adaptation au réchauffement de la planète.
«Il faut faire une modélisation sur ces deux aspects, car ce sont des vases communicants», souligne-t-elle. Car plus on attend pour investir dans la transition énergétique, plus la facture des coûts d’adaptation augmentera, et vice-versa.
Dans son étude, l’IDQ donne l’exemple de pays qui peuvent être des sources d’inspiration pour le Québec comme le Danemark, la Suisse, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande, sans parler des États-Unis.
«Parmi les pays occidentaux, il faut souligner les exemples des États-Unis, du Royaume-Uni et de la Nouvelle-Zélande, peut-on lire dans l’étude. La particularité de ces trois exemples réside dans l’examen des risques climatiques, qui est initialement enchâssé dans une loi et dont l’exercice est ancré dans les processus administratifs et politiques.»
Le Canada n’a pas autant formalisé ces processus, fait remarquer l’IDQ. En revanche, l’organisme souligne la série de rapports d’évaluation qui ont été réalisés par Ressources naturelles Canada à ce sujet.