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Québec veut créer une grappe pour la production en serre

François Normand|Publié le 12 mai 2020

La pandémie de la Covid-19 renforce la volonté du gouvernement qui veut renforcer ce secteur depuis son élection.

Non seulement le gouvernement Legault veut-il doubler la superficie de la production en serre au Québec (de 120 à 240 hectares) dans les prochaines années, mais il souhaite aussi structurer l’industrie à l’image d’une grappe industrielle.

«On veut avoir un programme, une vision, un accompagnement pour créer un genre de grappe pour le secteur serricole», affirme en entrevue le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, André Lamontagne.

Il souhaite aussi que l’on favorise la recherche pour stimuler l’innovation dans ce secteur, mais la forme reste à déterminer.

Depuis son élection, le gouvernement Legault souhaite augmenter la superficie de la production en serre au Québec. Le dernier budget contenait d’ailleurs une enveloppe de 50 millions de dollars sur 5 ans pour accélérer la croissance de l’industrie ainsi qu’une aide de 15 M$ pour l’amélioration des branchements électriques.

Toutefois, la pandémie de la Covid-19 renforce la volonté du gouvernement d’aller de l’avant avec ce projet, alors qu’une plus grande autonomie alimentaire est devenue une priorité au Québec et dans la plupart des États dans le monde.

«On fera des annonces dans les prochains mois», précise le ministre Lamontagne.

Selon lui, les tarifs d’électricité offerts aux producteurs en serre sont un enjeu pour accroître la superficie de la production au Québec, mais il y a bien d’autres, à commencer par les coûts de la main-d’œuvre.

Aussi, dans sa stratégie à venir, Québec compte donner un meilleur accès à du financement et à des technologies, et ce, afin que les entreprises se dotent de nouveaux équipements et qu’ils augmentent leur productivité.

Une étude du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) publiée en 2015 (et mise à jour en 2018) montre que les coûts de la main-d’œuvre au Québec sont le double de ceux de l’industrie serricole ontarienne.

En revanche, le prix de l’électricité en Ontario est environ 30% plus élevé qu’au Québec. Par contre, l’éclairage prolongé des serres y est peu répandu, selon La Presse. Car, contrairement au Québec, les producteurs ontariens ne bénéficient pas d’un tarif réduit pour la photosynthèse.

Le nerf de la guerre, c’est le prix de l’électricité 

L’Association des Producteurs en serre du Québec – qui confirme être en discussion avec le gouvernement – ne voit pas les choses de la même manière en ce qui a trait à la bougie d’allumage requise pour stimuler l’industrie.

Aux yeux du président de l’association André Mousseau, propriétaire du Cactus Fleuri (à Sainte-Marie-Madeleine, près de Saint-Hyacinthe), le nerf de la guerre pour doubler la superficie d’ici 5 ans est le prix d’électricité.

«Actuellement, sur environ 1 000 producteurs au Québec, seulement une quinzaine de serres bénéficient du tarif à 5,8 cents le kilowattheure. Il faudrait l’étendre à tout le monde», affirme-t-il au bout du fil.

Actuellement, pour tenter de demeurer compétitifs, trop de producteurs doivent se tourner vers des carburants fossiles (propane, gaz naturel, pétrole), déplore André Mousseau.

Les producteurs en serre du Québec produisent surtout des tomates, de la laitue, des concombres, des poivrons, sans parler de fines herbes et des micropousses. L’industrie pourrait se diversifier en produisant des fèves et des melons, selon André Mousseau.

L’Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA), qui regroupe des dépanneurs, des détaillants indépendants et des propriétaires bannières, voit d’un très bon œil ce projet de doubler la superficie de la production en serre.

«On a un intérêt pour encourager les produits locaux», souligne son PDG Pierre-Alexandre Blouin, et ce, même si leurs prix sont un peu plus élevés que les produits importés.

«Cela dépend bien entendu de la différence de prix», précise-t-il. Pour autant, il dit faire confiance aux producteurs locaux pour vendre leurs produits à des prix raisonnables.

Dans le meilleur des mondes, le patron de l’ADA estime qu’il faudrait prolonger la saison des récoltes en serre au Québec afin de ne pas pénaliser les producteurs agricoles dans les champs.

Grosso modo, la saison des récoltes au Québec s’étire de la fin juin à la mi-octobre.

Dans ce contexte, une production en serre supplémentaire en avril-mai et en octobre-novembre serait complémentaire à la production estivale des maraîchers, souligne Pierre-Alexandre Blouin.