Tarifs de Trump: le salut passe par la productivité, selon Christine Fréchette
François Normand|Publié à 15h33 | Mis à jour il y a 35 minutesLa ministre Christine Fréchette lors d'une grande entrevue à Les Affaires. (Photo: Les Affaires / Martin Flamand)
En marge des négociations entre Ottawa et Washington, la meilleure stratégie des entreprises pour réduire les répercussions de possibles tarifs douaniers imposés par l’administration de Donal Trump est d’accroître leur productivité. Elles seront ainsi plus compétitives et attrayantes sur le maché américain.
C’est ce qu’a expliqué la ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Christine Fréchette, lors d’une grande entrevue accordée à Les Affaires – sa première table éditoriale dans un média – au cours de laquelle quatre journalistes l’ont interrogée sur les grands défis économiques, incluant les menaces tarifaires du nouveau président élu aux États-Unis.
«Moi, je pense que c’est par l’amélioration de la productivité que les entreprises doivent passer en termes de réaction. Baisser les prix, c’est une chose, mais améliorer la productivité, ça rapporte davantage», a déclaré la ministre.
La productivité est la valeur et la quantité de biens produits lors d’une heure travaillée par un employé. Avec le Canada et l’Ontario, le Québec affiche l’un des plus faibles niveaux de productivité parmi les pays industrialisés.
En 2022, la productivité aux États-Unis (PIB en $CA, par heure travaillée, calculé selon la parité du pouvoir d’achat) s’élevait à 106,55$, selon les données Centre sur la productivité et la prospérité – Fondation Walter-J. Somers à HEC Montréal (CPP).
C’est beaucoup plus élevé qu’au Québec (75,88$), mais aussi qu’en Ontario et dans l’ensemble du Canada (83,68$).
Christine Fréchette a accordé cette entrevue à Les Affaires un peu plus d’une semaine avant que Donald Trump n’annonce sur son réseau Truth Social qu’il comptait imposer des tarifs de 25% sur les importations canadiennes et mexicaines.
«Cette taxe restera en vigueur jusqu’à ce que les drogues, en particulier le fentanyl, et tous les immigrants illégaux arrêtent cette invasion de notre pays!», a-t-il indiqué, appelant le Canada et le Mexique à agir. «D’ici là, il est temps qu’ils payent le prix fort.»
Avant son message publié ce lundi 25 novembre, Donald Trump parlait plutôt d’imposer des tarifs de 10 à 20% sur les importations de marchandises en provenance du Canada.
Comment accroître la productivité des entreprises
Une entreprise peut essentiellement accroître sa productivité de trois manières, selon la littérature économique:
- Investir dans de nouvelles technologies, par exemple pour automatiser des tâches répétitives;
- Mieux former ses employés afin qu’ils utilisent de manière optimale les nouvelles technologies;
- Améliorer l’organisation du travail, par exemple en supprimant une étape inutile dans un processus de production.
Quand une entreprise est plus productive, elle peut faire plus avec moins ou accroître sa production avec le même nombre d’employés.
Ainsi, un travailleur génère plus de valeur par unité de production, ce qui permet à l’entreprise d’être plus concurrentielle, en l’occurrence sur le marché américain.
Une entreprise plus productive est aussi moins dépendante de l’embauche de personnel dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, alors que plusieurs entreprises doivent notamment recruter à l’international pour combler leurs besoins.
Christine Fréchette rappelle qu’Investissement Québec – le bras financier du gouvernement – a lancé plusieurs initiatives, au fil des années, pour aider les entreprises québécoises à augmenter leur productivité.
«Depuis six ans, on a développé des outils d’amélioration de la productivité, justement pour éviter que les gens ne s’en remettent systématiquement à de l’embauche de recrutement à l’international», précise-t-elle.
La dernière en lice est l’initiative grand V afin de stimuler davantage l’innovation et la productivité durable (qui inclut de l’efficacité énergétique) des entreprises québécoises, et ce, peu importe leur taille.
La faiblesse du huard nuit à la productivité
Cela dit, Christine Fréchette dit craindre les répercussions de la faiblesse du huard par rapport au dollar américain sur les efforts des entreprises québécoises pour accroître leur productivité.
Car si une devise faible favorise les exportations québécoises au sud de la frontière, elle rend en revanche plus dispendieuses les importations de nouvelles technologies et d’équipements pour accroître la productivité en provenance des États-Unis.
À ses yeux, cette situation donne même «un congé de productivité» à certains exportateurs qui profitent du taux de change sur le marché américain.
«Il faut faire attention à ce que les gens ne se reposent pas là-dessus, ne s’assoient sur cette possibilité-là d’être moins productifs: ce n’est pas si grave, parce que de toute façon, le taux de change va nous aider. On n’est pas à l’abri d’un électrochoc. Et il ne sera pas volontaire», insiste la ministre.