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Tensions avec la Chine: pas d’embellie pour les entreprises

François Normand|Publié le 13 avril 2021

Tensions avec la Chine: pas d’embellie pour les entreprises

(Photo: 123RF)

Les entreprises canadiennes qui brassent des affaires en Chine continentale ou à Hong Kong risquent de déchanter : les relations économiques et politiques tendues entre le Canada et l’empire du Milieu peuvent difficilement s’arranger tant qu’Ottawa ne libérera pas la numéro deux de Huawei, Meng Wanzhou, détenue au Canada depuis décembre 2018.

Ce mardi midi, devant le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), l’ambassadeur chinois au Canada, Cong Peiwu, a répondu aux questions de l’ancien premier ministre du Québec, Pierre-Marc Johnson, avocat-conseil chez Lemery et président du conseil du CORIM.

Plusieurs thèmes ont été abordés, et ce, des relations économiques entre les deux pays à l’enjeu des droits de la personne en passant par le rôle de la Chine dans le monde.

À quelques reprises, Pierre-Marc Johnson a rectifié des informations incomplètes ou loin de la vérité avancées par le représentant de la Chine communiste au Canada, à commencer par les conditions de détentions de deux Canadiens en Chine, l’ancien diplomate Michael Kovrig et l’homme d’affaires Michael Spavo.

C’est sans parler du fait que l’ambassadeur a aussi rejeté du revers de la main les accusations de «génocide» à l’égard des musulmans ouïghours dans la province occidentale du Xinjiang (pourtant documentées par des ONG et l’ONU ainsi que des reportages) et de répression des démocrates à Hong Kong.

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Malgré un discours mettant entre autres l’accent sur les «opportunités» d’affaires pour les entreprises canadiennes dans son pays, l’ambassadeur chinois a été clair sur la manière d’améliorer les relations très tendues entre Ottawa et Pékin : la libération inconditionnelle de Meng Wanzhou.

«Il faut libérer Mme Meng aussi vite que possible», a insisté le diplomate, qui a écorché auparavant le gouvernement canadien en raison de son «rôle de complice» des États-Unis dans l’arrestation de la directrice financière du géant des télécommunications — elle est toujours assignée à résidence au Canada.

 

L’ambassadeur chinois au Canada, Cong Peiwu, a répondu aux questions de l’ancien premier ministre du Québec, Pierre-Marc Johnson, avocat-conseil chez Lemery et président du conseil du CORIM. (Photo: capture d’écran)

Les autorités canadiennes ont arrêté la femme d’affaires — elle est la fille du fondateur de Huawei, Ren Zhengfei, membre du parti communiste chinois depuis longtemps — à la demande de la justice américaine.

Washington veut extrader Meng Wanzhou afin qu’elle réponde à des accusations de fraude liées à des contrats que Huawei aurait conclus avec l’Iran, transgressant ainsi les sanctions imposées par Washington contre Téhéran.

Après son arrestation à Vancouver, la police chinoise a arrêté Michael Kovrig et Michael Spavo. La plupart des analystes dans le monde estiment qu’il s’agit d’une mesure de représailles à la suite de l’arrestation de la numéro deux de Huawei.

En mars, les autorités chinoises ont jugé les deux Canadiens pour espionnage lors de procès séparés à huis clos. Ils risquent maintenant la prison à vie.

Devant le CORIM, Cong Peiwu a déclaré que les deux Michael ont été arrêtés pour des motifs liés à la sécurité nationale et à de l’espionnage au profit de puissances étrangères — sans toutefois les nommer.

L’ambassadeur affirme que les autorités chinoises auraient de «fortes évidences» prouvant leur culpabilité.

Les journalistes n’ont pas pu poser des questions à l’ambassadeur après son passage devant le CORIM — le deuxième en moins d’un an, ce qui a d’ailleurs été critiqué par certains analystes dans les médias et les réseaux sociaux.

 

Des entreprises délaissent la Chine

Cong Peiwu n’a pas pu être ainsi questionné sur le fait que plusieurs gens d’affaires au Canada hésitaient, avant la pandémie de COVID-19, à se rendre en Chine ou gardaient un profil très bas lorsqu’ils allaient dans ce pays, de crainte d’être arrêtés de manière arbitraire par les autorités chinoises.

Ce climat d’incertitude depuis l’arrestation des deux Michael — combiné aux problèmes vécus par d’autres entreprises étrangères, notamment australiennes, depuis des années en raison des tensions entre leur gouvernement national et le gouvernement chinois — a d’ailleurs incité certaines entreprises canadiennes à réduire leur présence sur le marché chinois.

Le producteur canadien d’acier, de charbon, de cuivre et de zinc Teck Resources fait partie de ces entreprises. Ces dernières années, la multinationale a réduit ses ventes de charbon sidérurgique en Chine pour les accroître en Inde.

En entrevues à Les Affaires récemment, Ari Van Asche, professeur titulaire à HEC Montréal et spécialiste en commerce international, et Guy Saint-Jacques, ex-ambassadeur canadien en Chine de 2012 à 2016 et aujourd’hui fellow à l’Institut d’études internationales de Montréal (IEIM-UQAM), ont déclaré que les entreprises canadiennes ont tout intérêt à diversifier leurs marchés en Asie afin de ne pas trop s’exposer aux risques politiques en Chine.

À leurs yeux, des pays comme le Vietnam, l’Indonésie et l’Inde (notamment dans les services) représentent également des marchés intéressants dans cette région du monde.