Le gouvernement devrait en profiter pour proposer la suspension du Parlement jusqu’en octobre.
Justin Trudeau a été contraint mardi de procéder à un léger remaniement de son gouvernement, nommant son fidèle bras droit Chrystia Freeland aux Finances après une démission fracassante dans le sillage d’un scandale éthique qui le vise personnellement.
Mme Freeland devient la première femme de l’histoire du Canada à occuper le poste de ministre des Finances, au moment où le pays traverse sa pire crise économique depuis la Seconde Guerre mondiale en raison de la pandémie de coronavirus.
Chrystia Freeland a prêté serment mardi en début d’après-midi lors d’une cérémonie officielle à Ottawa, en présence notamment de M. Trudeau et de la gouverneure générale Julie Payette, représentante de la reine Elizabeth au Canada, tous masqués.
Mme Freeland et M. Trudeau se sont salués d’un coup de coude, pandémie oblige.
M. Trudeau devait ensuite donner une conférence de presse vers 15h30. Il devait par ailleurs demander à la Gouverneure générale la suspension de l’actuelle session du parlement jusqu’en octobre, selon une source gouvernementale.
Son gouvernement, minoritaire depuis les législatives de fin 2019, engagerait alors sa responsabilité devant les députés lors d’un « discours du Trône » présentant les grandes lignes de l’action gouvernementale, et lors de la présentation de son nouveau budget.
Deux occasions potentielles offertes à l’opposition pour faire tomber le gouvernement et provoquer des élections anticipées.
Ancienne ministre des Affaires étrangères qui avait piloté la renégociation de l’accord de libre-échange nord-américain avec les États-Unis et le Mexique, Chrystia Freeland, 52 ans, avait été promue vice-première ministre après la réélection des Libéraux de Justin Trudeau en octobre dernier. Elle est considérée comme sa plus proche ministre, et comme une candidate potentielle à sa succession à la tête du parti libéral.
Elle conserve le poste de vice-première ministre et cède celui de ministre des Affaires intergouvernementales à Dominic Leblanc, actuellement président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, le ministère du chef du gouvernement.
« Bouc-émissaire »
Ce remaniement limité fait suite à la démission surprise lundi soir de Bill Morneau, ministre des Finances depuis 2015. Il a expliqué qu’il partait de son plein gré, afin de permettre à son successeur de mener la relance économique du pays, et pour se consacrer à sa candidature au poste de secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Depuis une semaine, plusieurs médias canadiens rapportaient de profondes divergences entre M. Morneau et le premier ministre sur la façon de relancer l’économie, affaiblie par la pandémie de coronavirus, sans mettre en péril les finances publiques alors que le déficit attendu atteint plus de 340 milliards de dollars (216 milliards d’euros).
Le ministre des Finances est par ailleurs visé par une enquête du Commissaire canadien à l’éthique sur ses liens avec l’association caritative We Charity (Unis en français) qui employait sa fille, et à laquelle le gouvernement avait attribué un important contrat sans appel d’offres.
Cette enquête vise également le premier ministre dont la mère, le frère et l’épouse ont été rémunérés par cette association à hauteur d’environ 300 000 dollars au total pour leur participation à divers événements.
Tout comme M. Trudeau, M. Morneau a présenté ses excuses pour avoir participé aux discussions sur l’attribution du contrat gouvernemental à l’association. Le contrat lui a depuis été retiré, sans mettre fin à la polémique qui a fait reculer le gouvernement de Justin Trudeau dans les sondages.
M. Morneau a démenti que son départ soit lié à ce scandale, mais l’opposition a immédiatement soupçonné Justin Trudeau d’avoir fait de son ancien ministre un « bouc-émissaire », sacrifié dans l’espoir de faire retomber le scandale « We Charity ».
« Nous savons tous que c’est ce scandale qui a provoqué la chute de M. Morneau », a réagi le porte-parole du parti conservateur, Pierre Poilièvre. « En fait, nous avons maintenant un gouvernement corrompu, dissimulateur et en plein chaos au beau milieu d’une pandémie mortelle et du pire effondrement économique depuis la Grande dépression ».