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Une colère sourde gronde au Québec, M. Legault!

L'économie en version corsée|Publié le 28 mars 2019

Une colère sourde gronde au Québec, M. Legault!

Faire la sourde oreille n'a jamais été une bonne politique... Photo: DR

Des centaines de milliers de jeunes qui manifestent partout au Québec pour obliger le gouvernement Legault à ouvrir les yeux : son dédain pour les enjeux environnementaux met bel et bien en péril notre petit coin de planète, et donc l’avenir des jeunes d’ici…

Des milliers de chauffeurs de taxi qui bloquent à répétition les axes principaux des grandes villes du Québec pour obliger le gouvernement Legault à ouvrir les yeux : sa politique en matière de transport met bel et bien en péril l’industrie, et donc l’avenir des chauffeurs de taxi…

Des milliers d’immigrants qui défilent à Montréal pour obliger le gouvernement Legault à ouvrir les yeux : sa politique en matière d’immigration met bel et bien des bâtons dans les roues des nouveaux et des futurs arrivants, et donc dans l’avenir des immigrants…

Comment réagit le principal intéressé ? Bien malin qui pourrait dire ce que le premier ministre pense vraiment de ces vagues déferlantes de protestation, révélatrices pourtant d’un grave malaise socioéconomique. C’est qu’à aucun moment il n’a envoyé le signe clair qu’il était à l’écoute de la grogne grandissante, et encore moins qu’il était prêt à s’ouvrir aux idées d’autrui dans l’optique d’identifier ensemble la meilleure des solutions possibles. Ce qui laisse une fâcheuse impression d’indifférence.

Le premier ministre Legault serait-il, donc, un adepte de la philosophie qui veut qu’il n’y ait pas de problème qui résiste indéfiniment à une absence de solution ? Je croise les doigts pour que ce ne soit pas le cas. Et je les croise d’autant plus fort à présent que je sais que ces vagues déferlantes sont le signal faible d’une colère profonde et généralisée des Québécois, laquelle risque fort d’éclater sous peu avec une virulence à peine imaginable et d’avoir de gravissimes impacts socioéconomiques.

Est-ce que j’exagère ? Non, aucunement. Malheureusement.

Cette colère profonde et généralisée, elle transparaît en effet dans une étude renversante dévoilée aujourd’hui même par le cabinet-conseil Edelman, le Baromètre de confiance au Québec en 2019. Regardons ensemble de quoi il retourne…

Dans le cadre de cette étude annuelle, il a été demandé aux gens ce qu’ils pensaient du système socioéconomique actuel. Une vaste question, me direz-vous, mais dont il s’est dégagé des réponses à donner le tournis à n’importe quel gouvernement :

– Seulement 14% des Québécois disent qu’il fonctionne en leur faveur.

– 35% des Québécois disent n’avoir aucune idée de s’il leur est favorable, ou pas. À la limite, ils s’en fichent.

– 50% des Québécois disent carrément qu’il ne répond pas à leurs besoins.

Ce n’est pas tout. D’autres chiffres font froid dans le dos :

– Injustice. 76% des Québécois disent ressentir un sentiment d’injustice, en ce sens que le système en place leur semble plus favorable à d’autres qu’à eux-mêmes.

– Défiance. 63% des Québécois éprouvent un manque de confiance à l’égard du système socioéconomique actuel.

– Désespoir. 20% des Québécois avouent être totalement désespérés pour leur avenir.

Résultat ? Asseyez-vous bien avant de découvrir le chiffre qui suit :

– Changement. 70% des Québécois ressentent «un désir pressant de changement».

Oui, vous avez bien lu. Près de 3 Québécois sur 4 aimeraient qu’un tremblement socioéconomique se produise sous peu, et donc, de toute évidence, un bouleversement politique. Ni plus ni moins.

C’est que le désarroi est immense. Prenons un simple exemple, le travail :

– 2 Québécois sur 5 pensent qu’ils vont bientôt perdre leur emploi à cause de l’avènement prochain de l’intelligence artificielle (IA) et de l’accélération de l’automatisation. Et que fait le gouvernement Legault? Il vient d’accorder, entre autres, une enveloppe de 330 M$ au développement de l’IA au Québec.

– 1 Québécois sur 2 pense que son emploi est fragilisé à cause des différentes tensions commerciales mondiales (hausse des droits de douane sur l’acier et l’aluminium entre les États-Unis et le Canada, ouverture du marché canadien aux produits et services européens par l’entremise de l’Accord économique et commercial global (AECG), etc.) Et que fait le gouvernement Legault ? Le premier ministre vient d’effectuer une mission économique de trois journées en France, histoire de montrer que le Québec pouvait très bien tirer son épingle du jeu, et il en est revenu… totalement bredouille, sans aucune annonce d’investissement. Il a alors indiqué, laconique, qu’il s’agissait avant tout d’une «prise de contact» et que ses poches étaient maintenant «pleines de cartes d’affaires».

Que dites-vous de ça ? Tombons-nous d’accord sur le fait qu’une colère sourde gronde aujourd’hui au Québec, et qu’il suffirait d’un rien pour qu’elle éclate au grand jour ?

Et à votre avis, que vont dire M. Legault et les membres de son gouvernement de tous ces chiffres ainsi que de tout ce qu’ils mettent au jour ? Hum… Vous savez quoi ? Je suis prêt à parier qu’ils ne s’exprimeront même pas à leur sujet. Aucun mot. Rien. 

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Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l’actualité économique à la lumière des grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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