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Québec réinjecte 300 M$US dans l’Airbus A220

Dominique Talbot|Mis à jour le 23 juillet 2024

Québec réinjecte 300 M$US dans l’Airbus A220

(Photo: La Presse Canadienne)

Plus de deux ans après un réinvestissement de 300 millions de dollars américains (M$ US) dans le programme Airbus A220, dont il est actionnaire à hauteur de 25%, le gouvernement du Québec a annoncé mardi après-midi qu’il y réinjectait la même somme. Et ce n’est peut-être pas la dernière fois.

Depuis qu’il est actionnaire du programme, c’est donc plus de 600M$ US que l’État a injectés dans ce qui était auparavant la CSeries de Bombardier, dans lequel il avait déjà investi 1,3 milliard en 2016 sous le règne de Philippe Couillard.

Actionnaire à 75%, Airbus ajoute de son côté 900M$ US, tout comme il l’avait fait en 2022.

«Si nous n’investissions pas les 300 millions aujourd’hui, les 300 millions de 2022 disparaissaient, a affirmé le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon. Nous sommes très confortables que nous allons récupérer les deux 300 millions, en plus générer des retombées économiques importantes d’ici 2035.»

Négociations difficiles

De l’aveu même du premier ministre François Legault, les négociations ont été difficiles, car Québec exigeait le maintien dans la province des deux tiers des emplois du programme, ainsi que le centre décisionnel de celui-ci à Mirabel. Ce à quoi Airbus a consenti. L’autre tier des emplois du programme se situe à Mobile, dans l’État américain de l’Alabama, où Airbus exploite une autre usine d’assemblage du A220.

«Des entreprises comme Airbus ne donnent jamais ce genre de garanties. Si cela n’est pas respecté, les 300 millions devront être remboursés avec intérêt», dit François Legault.

C’est d’ailleurs pour conserver les 3500 emplois à Mirabel que le premier ministre a donné le feu vert pour ce réinvestissement. «3500 emplois à un salaire moyen de 87 500$. C’est la raison première pourquoi nous voulons participer à ce programme», a dit le premier ministre, qui est revenu à quelques reprises au cours de la conférence de presse sur l’écart de richesse entre le Québec et le reste du Canada.

Signe de l’importance qu’il accorde à ces emplois, François Legault n’a pas fermé la porte à une éventuelle réinjection de fonds publics dans l’avenir.

«Développer un nouvel avion, ça coûte 5, 6, 7 milliards. Dans la plupart des cas, parlons de Boeing et d’Airbus, il y a de l’aide des gouvernements parce qu’il y a des retombées énormes. […] Le coût réel pour le gouvernement doit être inférieur aux retombées économiques», dit le premier ministre.

«On ne sait jamais. C’est un programme qui est assez complexe. On ne peut pas dire non. Et si jamais il y avait une autre ronde de financement, je dis bien si, on verra à ce moment-là, a de son côté ajouté Pierre Fitzgibbon. On aurait pu ne pas investir cette fois, mais notre investissement antérieur serait tombé à zéro.»

Malgré toutes les sommes investies depuis le début de l’aventure, Québec n’a pas cherché à majorer sa participation dans le programme de l’A220.

«On focalise sur le premier 300 millions et celui d’aujourd’hui»

Rappelons qu’au moment d’y rajouter 300M$ US en février 2022, la participation de l’État était passée de 10% à 25%, avec la possibilité pour Airbus de racheter celle-ci en 2030.

Avec l’entente annoncée mardi, cette possibilité est maintenant repoussée à 2035. Mais les chances sont faibles de revoir le 1,3 milliard dépensé dans la CSeries à l’époque de Philippe Couillard, convient Pierre Fitzgibbon.

«L’idée, c’est qu’en 2035, Airbus va racheter le gouvernement. À ce moment-là, il y aura une valorisation à la valeur du marché qui sera prise en compte. Dans nos analyses, les chances sont faibles que l’on reçoive de l’argent du 1,3 milliard. Techniquement c’est possible. Si le programme vaut 10 milliards en 2035, on recevra 2,5 milliards. On focalise beaucoup sur le premier 300 millions et celui d’aujourd’hui.»

De son côté, le PDG d’Airbus Canada, Benoît Schultz, a indiqué que le partenariat entre l’avionneur européen et le gouvernement du Québec «était essentiel au succès du programme de l’A220». Ce qui ne signifie pas, dit-il, qu’Airbus quitterait le Québec si le gouvernement décidait de quitter l’aventure.

«Il ne faut pas tirer cette conclusion. Aujourd’hui, nous célébrons le renouvellement de l’investissement des actionnaires. Ce partenariat s’inscrit dans la durée. Airbus s’est engagé à garder non seulement des emplois ici, mais aussi le centre décisionnel du programme. Il n’y a aucun doute qu’Airbus voit le futur de l’A220 ici», a-t-il répondu à une question de Les Affaires à ce propos.

Airbus fait face à d’importants défis de rentabilité avec l’avion d’abord conçu par Bombardier. Pour atteindre ce seuil de rentabilité, la production devra passer à 14 appareils par mois d’ici 2026, alors que le carnet de commandes dépasse légèrement les 900 avions.

À titre d’exemple, 28 avions sont sortis des hangars de la multinationale entre janvier et juin 2024. Les sommes additionnelles serviront notamment à l’embauche de près de 1600 nouveaux employés et l’optimisation du centre d’essai industriel, aussi situé à Mirabel.

Mais aussi, Airbus fait face à certains problèmes avec ses fournisseurs, notamment avec le motoriste Pratt & Whitney.

«On ne peut pas aller plus vite que nos fournisseurs», a d’ailleurs mentionné Benoît Schultz.

Rappelons qu’en octobre 2017, Bombardier avait cédé à Airbus 50,1% de son programme CSeries pour la somme symbolique de 1$, après des investissements de 6,4 milliards de dollars américains. L’appareil est officiellement devenu l’Airbus A220 en juillet 2018. En février 2020, l’entreprise québécoise cédait le reste de sa participation dans ce qui est devenu une coentreprise en Airbus et le gouvernement du Québec, à hauteur respective de 90% et 10%. En février 2022, Québec a réinvesti pas moins de 300M$ US dans le projet, augmentant sa participation à 25%.