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Réduire l’immigration temporaire aura un coût, selon l’Institut du Québec

La Presse Canadienne|Publié le 30 octobre 2024

Réduire l’immigration temporaire aura un coût, selon l’Institut du Québec

(Photo: La Presse Canadienne/ Jacques Boissinot)

La réduction de l’immigration temporaire est nécessaire, mais «il y aura un prix à payer» sur le plan économique, suggère une nouvelle étude de l’Institut du Québec (IDQ). Il recommande aux gouvernements fédéral et québécois de mieux planifier et d’éviter «de prendre des décisions à la pièce» à l’avenir. 

Selon le rapport rendu public mercredi, la Belle province a connu une croissance démographique «hors norme» en 2023 et 2024 (2 et 2,4%), rejoignant des taux habituellement enregistrés dans des pays en développement. Cette situation résulte d’une forte hausse de l’immigration temporaire. 

Celle-ci a été portée principalement par une augmentation dans la catégorie des permis de travail (49% entre 2021 et 2024), tandis que l’accueil des demandeurs d’asile a connu une hausse de 31% durant la même période. 

Tant Québec et Ottawa sont responsables de cet accroissement significatif de l’immigration temporaire. Ils ont «ouvert les vannes» au sortir de la pandémie avec divers programmes. Chacun avec «sa propre logique et ses objectifs spécifiques, sans coordination suffisante ni vision d’ensemble cohérente», souligne l’étude.

Ces mesures sont toutefois arrivées au moment où l’économie montrait déjà des signes de faiblesse, mentionne la présidente-directrice générale de l’IDQ, Emna Braham. 

«Ce qui a fait que le rythme de création d’emplois a été plus lent que le rythme de croissance de la population. Et qui en a payé les frais? Ce sont les immigrants eux-mêmes qui ont eu davantage de difficulté à trouver un emploi et qui ont vu leur taux de chômage augmenter de manière importante», a-t-elle affirmé en entrevue. 

Les deux ordres de gouvernement souhaitent maintenant faire marche arrière, observant des pressions sur le logement et les services publics. L’IDQ convient également qu’une réduction des immigrants temporaires est nécessaire dans ce contexte. 

«Un prix à payer»

Mais ce changement de cap s’annonce difficile, prévient Mme Braham. 

«Il pourrait y avoir un prix à payer. Parce que multiplier les ajustements à l’immigration temporaire et sans vision, ça risque de faire perdre l’adhésion de la population, historiquement forte. On risque de perdre les meilleurs talents et on risque de déstabiliser des secteurs de l’économie qui comptent sur ces travailleurs», a-t-elle soutenu. 

Les objectifs de réduction d’Ottawa et de Québec sont d’autant plus «ambitieux», jugent les auteurs de l’étude, qui ne précisent pas ce que devraient être les cibles. Mme Braham prend l’exemple de l’annonce du gouvernement Trudeau la semaine dernière voulant que les immigrants temporaires représentent 5% de la population canadienne d’ici la fin de 2026. 

«Selon les estimations, ça pourrait vouloir dire pour le Québec de délivrer trois fois moins de permis de résidence temporaire que l’an dernier», a-t-elle exposé, ajoutant que cela pourra avoir des impacts sur les personnes déjà présentes sur le territoire et sur les entreprises. 

«Reprendre le contrôle»

L’IDQ appelle à une approche plus cohérente et à mieux coordonner les différents programmes en matière d’immigration temporaire et permanente entre Québec et Ottawa à l’avenir. 

«Plutôt que de prendre des décisions à la pièce sur chacun des programmes, de voir tout ça dans une vision d’ensemble. Puis essayer de voir comment tout ça peut s’insérer pour que cela bénéficie à la fois aux Québécois, aux Canadiens et aux immigrants eux-mêmes», a affirmé l’économiste principal et directeur adjoint à l’IDQ, Simon Savard, en entrevue. 

Les auteurs invitent aussi les gouvernements à «reprendre le contrôle de leur politique d’immigration en limitant l’influence d’acteurs externes comme les employeurs et les institutions d’enseignement».

Le programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), qui devait d’abord servir comme une solution de dernier recours, a connu des assouplissements à la demande des employeurs pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre. 

«Dans la dernière année, ça s’est un peu inscrit en porte-à-faux avec le ralentissement économique et une croissance importante de la population», a souligné M. Savard. 

Depuis peu, le fédéral et l’État québécois ont annoncé un resserrement des critères concernant le PTET. Selon Mme Braham, le rôle revient aux gouvernements de s’assurer d’aligner leurs programmes en fonction de leurs propres capacités d’intégration. 

L’IDQ propose également de «renouer avec les objectifs économiques et la productivité», pointant que le recours accru à l’immigration temporaire «peut aussi dissuader les entreprises à investir dans l’innovation et le développement technologique».

L’organisme suggère de trouver un équilibre entre les besoins immédiats en termes de main-d’œuvre et «la promotion d’une économie plus productive et innovante à long terme».

Par Frédéric Lacroix-Couture