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Affaire Huawei: accord pour un retour en Chine de Meng Wanzhou

AFP et La Presse Canadienne|Publié le 24 septembre 2021

Affaire Huawei: accord pour un retour en Chine de Meng Wanzhou

Meng Wanzhou est notamment accusée de «fraude bancaire» par les États-Unis. (Photo: La Presse Canadienne)

La justice américaine a entériné vendredi un accord entre Washington et Huawei permettant à la directrice financière du géant chinois des télécoms, assignées à résidence au Canada depuis trois ans, de rentrer en Chine, après une longue bataille judiciaire et des tensions entre Pékin, Washington et Ottawa.

Lors d’une audience publique du tribunal fédéral de Brooklyn à New York, le représentant du ministère de la Justice américaine David Kessler a proposé de «reporter» jusqu’au 1er décembre 2022 les «poursuites» engagées depuis fin 2018 contre la directrice financière, Meng Wanzhou, notamment pour «complot» en vue de commettre une «fraude bancaire».

M. Kessler a précisé que son ministère recommanderait aux autorités canadiennes de «libérer» Meng Wanzhou, sans le versement de caution financière, et qu’il abandonnerait de facto toute demande d’extradition vers les États-Unis pour qu’elle y soit jugée.

Meng Wanzhou, 49 ans, fille du fondateur du mastodonte des télécoms Huawei, avait été arrêtée le 1er décembre 2018 à l’aéroport de Vancouver à la demande de Washington, qui voulait la juger notamment pour «fraude bancaire».

Meng Wanzhou a comparu à distance, par vidéo, et s’exprimait en mandarin. Selon les termes de l’accord avec le gouvernement américain — que le Wall Street Journal avait été le premier à dévoiler vendredi — la directrice financière a plaidé «non coupable» des poursuites qui pesaient contre elle.

Après une audience de plus d’une heure, la juge du tribunal fédéral de Brooklyn Ann Donnely a formellement accepté l’accord qu’elle a qualifié de «sérieux».

Si cet accord n’est pas contesté ou rompu d’ici le 1er décembre 2022 (soit quatre ans après l’arrestation de la directrice financière), les poursuites seront abandonnées, selon le représentant du ministère américain de la Justice.

 

Fortes tensions

Avec l’acceptation de cette transaction en justice, ce sont trois années de bataille judiciaire et de tensions économiques et politiques parfois très fortes entre Pékin, Washington et Ottawa qui devraient prendre fin.

La justice américaine accusait le numéro 2 du géant chinois des télécoms d’avoir menti à un cadre de la Banque HSBC lors d’une rencontre à Hong Kong en 2013, à propos des liens entre le groupe chinois et une filiale nommée Skycom qui vendait des équipements à l’Iran, exposant l’établissement à des sanctions américaines.

Selon le Wall Street Journal, la directrice financière de Huawei aurait accepté dans les détails de l’accord de reconnaître certaines «fautes» mineures en échange d’un «report» puis d’un «abandon» des poursuites pour fraude bancaire.

L’intéressée a toujours nié ces accusations.

Le gouvernement chinois estime depuis 2018 que l’administration américaine — à l’époque du président d’alors Donald Trump — cherchait avant tout à affaiblir Huawei, entreprise chinoise de pointe et leader mondial des équipements et réseaux 5G, sans équivalent côté américain.

Ces dernières semaines, les avocats de Mme Meng ont de nouveau plaidé la thèse selon laquelle les États-Unis ont intenté un procès «abusif» à leur cliente.

Le Canada a en quelque sorte été pris dans la tourmente sino-américaine, rappelait le Wall Street Journal, qui spéculait sur le fait que l’accord entre Washington et Pékin débouche également sur la libération d’un homme d’affaires ainsi que d’un ancien diplomate, tous deux canadiens, détenus en Chine: Michael Spavor condamné à 11 ans d’emprisonnement pour espionnage et Michael Kovrig, en détention en Chine et en attente de verdict.

D’après le quotidien américain, l’administration de Joe Biden aurait repris des consultations sur le dossier Huawei, notamment à la lumière du désir de Mme Meng de retrouver en Chine sa famille, après près de trois ans de séjour forcé au Canada.

L’accord survient également une semaine après une annonce spectaculaire par les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni pour la fourniture à Canberra de sous-marins à propulsion nucléaire. Un contrat colossal au grand dam de la France, qui avait signé un premier contrat avec l’Australie pour des sous-marins à propulsion thermique — et qui a provoqué la colère de la Chine qui y voit un acte d’hostilité de pays occidentaux.

 

En rappel

Deux citoyens canadiens, Michael Spavor et Michael Kovrig, sont en détention en Chine depuis près de trois ans dans ce que beaucoup voient comme des représailles pour l’arrestation de Mme Meng.

Alors que la Chine a publiquement soutenu qu’il n’y avait aucun lien entre l’affaire Meng et l’emprisonnement de MM. Kovrig et Spavor, elle a laissé entendre que si elle était autorisée à être libérée, cela pourrait être favorable aux deux hommes canadiens.

Cong Peiwu, ambassadeur de Chine au Canada, a réitéré ce point de vue dans une entrevue avec La Presse Canadienne plus tôt ce mois-ci.

«Je voudrais suggérer, comme je le souligne toujours, que si la partie canadienne peut prendre des mesures résolues pour corriger son erreur et libérer Mme Meng à une date rapprochée, cela aidera sûrement les relations entre nos deux pays à revenir à la normale», avait dit M. Cong.

Plus tôt cette année, MM. Kovrig et Spavor ont tous deux été reconnus coupables d’espionnage devant des tribunaux chinois à huis clos — un processus qui, selon le Canada et des dizaines d’alliés, équivaut à une détention arbitraire pour de fausses accusations dans un système judiciaire fermé sans imputabilité.

M. Spavor a été condamné à 11 ans de prison, ce qui a alimenté les spéculations selon lesquelles il pourrait être simplement expulsé par la Chine. M. Kovrig n’a pas encore été condamné.

MM. Spavor et Kovrig ne sont pas autorisés à voir leur famille ou leurs avocats (sauf dans le cas de leurs procès séparés plus tôt cet été) et ont été limités aux visites de diplomates canadiens environ une fois par mois.