Le PDG d'Amazon, Jeff Bezos (Photo: Getty images)
Le procureur de la capitale américaine Washington a lancé des poursuites mardi contre Amazon, qu’il accuse d’entrave à la concurrence dans le commerce en ligne.
«Le comportement d’Amazon et sa part de marché prouvent son intention de bâtir un monopole, avec une dangereuse probabilité de succès», détaille la plainte du procureur Karl Racine.
Il reproche au géant du e-commerce d’empêcher les entreprises de vendre leurs produits moins chers ailleurs que sur sa plateforme. Il réclame des dommages et intérêts ainsi que des mesures pour interdire ce genre de pratiques à l’avenir.
Le groupe de Seattle «maximise ses profits aux dépens des vendeurs et des consommateurs forcés de payer des prix artificiellement élevés, tout en nuisant à la compétition et à l’innovation», continue-t-il.
«C’est exactement l’inverse», a réagi un porte-parole d’Amazon, contacté par l’AFP. «Les commerçants déterminent leurs prix pour les produits qu’ils vendent dans notre magasin».
«Amazon est fier de proposer des prix bas sur une sélection large, et, comme n’importe quel magasin, nous nous réservons le droit de ne pas mettre en avant des offres dont le prix n’est pas compétitif», a-t-il ajouté.
Capacité de nuire
Le magistrat vise en particulier une clause dans les contrats avec les commerçants, qui leur interdisait de proposer leurs biens à des prix inférieurs sur d’autres sites. Amazon dit avoir arrêté cette pratique en 2019.
«En réalité, ils ont discrètement remplacé cette clause par une autre, équivalente, qui dit que les vendeurs tiers peuvent être sanctionnés ou renvoyés d’Amazon s’ils commercialisent leurs produits pour des prix moins élevés ailleurs», assure le juge.
Il mentionne aussi les «commissions élevées» prélevées par la firme, «jusqu’à 40% du prix du produit».
La plainte demande de «retirer à Amazon la capacité de nuire à la compétition», y compris en ayant recours à des mesures structurelles, qui peuvent désigner un démantèlement.
«Les demandes du procureur général forceraient Amazon à afficher des prix plus élevés pour les clients, ce qui est paradoxalement contraire aux objectifs essentiels des lois antitrust», a commenté le porte-parole du groupe.
«Cela nuirait aussi aux PME, qui sont déjà suffisamment en difficulté en ce moment», a abondé Ryan Young, un analyste du centre de réflexion Competitive Enterprise Institute.
Il estime en outre qu’Amazon fait déjà face à de la compétition de la part de Walmart, qui a sa propre plateforme de e-commerce ouverte aux tiers, ainsi que d’autres sites comme Ebay, Etsy ou Shopify.
Juges et parties
La Commission européenne multiplie les attaques depuis des années contre les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), dont les comportements sont jugés anti-concurrentiels.
Mais la pression monte aussi aux États-Unis. Google et Facebook font l’objet de poursuites lancées par des autorités fédérales et des coalitions d’États américains visant leurs «monopoles», notamment sur la publicité.
Plusieurs enquêtes examinent également les pratiques d’Apple et Amazon, accusées d’être à la fois juges et parties sur leurs plateformes respectives.
Le gouvernement de Joe Biden semble décidé à remettre en cause le pouvoir qu’elles ont accumulé dans leurs secteurs, y compris à la faveur de la pandémie, qui a rendu leurs services encore plus prépondérants.
Le président a notamment fait part de son intention de nommer la juriste Lina Khan, connue pour son hostilité aux monopoles des géants de la tech, à la tête de l’agence américaine de la concurrence (FTC).
Cette universitaire s’était faite connaître dans le monde académique en 2017, alors qu’elle était encore étudiante, en publiant un article intitulé «Le paradoxe antitrust d’Amazon» dans la revue de droit de l’université de Yale. Elle y estimait que l’arsenal législatif américain était insuffisant pour lutter contre les pratiques monopolistiques de groupes comme le géant du commerce en ligne.
Le multi-milliardaire Jeff Bezos, fondateur et patron d’Amazon, affirme lui sa différence avec les sociétés de la Silicon Valley, en faisant valoir que son groupe «ne compte que pour 1% du marché mondial de la distribution, et 4% aux États-Unis».
Le leader mondial du commerce en ligne et du cloud (informatique à distance) a plus que triplé son bénéfice net au premier trimestre, à plus de 8 milliards de dollars.