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Appels, messages et Internet illimités pour 40$/mois?

Alain McKenna|Publié le 24 février 2020

Appels, messages et Internet illimités pour 40$/mois?

(Courtoisie)

BLOGUE. Contre vents et marées, Fonus, un ambitieux projet d’un jeune entrepreneur montréalais, tente de révolutionner le sans-fil avec une offre illimitée à prix fixe incluant voix, textos et données sur les meilleurs réseaux, partout dans le monde. Y croyez-vous?

J’ai rencontré Simon Tian pour la première fois en 2013. À l’époque, il venait de lancer le Neptune Pine, un agenda numérique cossu animé par Android et tenant au poignet, sur la plateforme Kickstarter. L’appareil avait ses (nombreux) défauts, mais ça n’a pas empêché Neptune de récolter plus de 500 000 dollars sur le populaire site de prévente.

C’était avant qu’Apple ne lance l’Apple Watch, évidemment, et que les premières montres connectées d’un format plus raisonnable voient officiellement le jour… Mais déjà à l’époque, on sentait la volonté du jeune entrepreneur sino-montréalais de brasser un peu la cage du monde des technologies mobiles.

Appuyé par quelques collègues, Simon Tian est revenu à la charge au début de l’année dernière avec Fonus, sa nouvelle entreprise qui se présente comme «le premier réseau sans fil mondial». Sa prémisse: une connexion cellulaire illimitée (idéalement LTE+), dans plus de 220 pays de par le monde, à frais fixe. Donc aucuns frais d’itinérance, ni de surpassement de limite (puisqu’il n’y en a pas).

 

Tout inclus à 40$ par mois

Fonus propose deux formules: à 25$US (33$CA), on n’a que les données mobiles. À 30$US par mois (40$CA), on a en prime une ligne vocale et la messagerie texte. Fonus propose un numéro de téléphone dans un indicatif régional aux États-Unis, mais pas au Canada. En revanche, le service fonctionne au Canada, sur le réseau de Bell, Rogers ou Telus, comme s’il s’agissait d’un compte AT&T qui était en itinérance.

Mais le client, lui, ne paie pas plus cher pour autant. «C’est sûr qu’avec cette formule-là, on se concentre d’abord à satisfaire la demande du côté américain, mais on compte aussi beaucoup de clients au Canada», indique Patrice Lapointe, un des représentants de Fonus croisé dans un café de la rive sud de Montréal, la semaine dernière.

Celui-ci affirme que Fonus compte déjà entre 6000 et 7000 clients, malgré des retards et quelques pépins au moment de lancer le service. Notamment, une brouille avec les gens de Telus qui a forcé Fonus à revoir la façon dont le service opère et se présente. Car il ne s’agit pas d’un opérateur de réseau mobile virtuel (ou, comme on a dit souvent à Gatineau la semaine dernière, un «MVNO»), mais bien d’un revendeur qui achète en gros un accès aux réseaux de fournisseurs un peu partout dans le monde, et qui vend ensuite le tout à des particuliers.

Fonus fait imprimer ses cartes SIM en Chine par un opérateur local, et les inscrit ensuite sur le réseau d’AT&T, à partir duquel elles sont ensuite identifiées par les autres opérateurs de la planète. Ce modèle n’est pas unique, d’ailleurs. Il s’apparente à celui d’un autre service américain qui aura sauvé de précieux dollars en itinérance à votre humble obligé pendant des années, et qui s’appelle FreedomPop.

(Pour la petite histoire, FreedomPop va encore plus loin, ne facturant que le coût de sa carte SIM [soit 5$ plus livraison] pour une connexion cellulaire active et totalement gratuite, jusqu’à un certain seuil mensuel pouvant atteindre 2 go de données mobiles.)

En plus d’offrir une formule de buffet à volonté, Fonus est aussi fonctionnel au Canada. Deux choses qui le distinguent des autres services du genre (incluant FreedonPop), qui demeurent bloqués à la frontière canadienne, pour une raison qui relève officiellement encore aujourd’hui du mystère le plus total, mais qui a longuement été débattue par des représentants de l’industrie canadienne du sans-fil devant le CRTC, la semaine dernière.

Une question qui, si jamais on lui trouve une réponse, fera la lumière sur les coûts du sans-fil au Canada, qu’une bonne majorité de consommateurs trouvent beaucoup trop élevés, mais que des défenseurs présentent comme parmi les plus abordables au monde.

Ça dépend du point de vue. Et pour la suite des choses, celui du CRTC sera déterminant. On a hâte de le connaître, d’ailleurs. Mais on s’égare.

 

Au-delà du bruit et du mécontentement, ça marche, Fonus?

Pour en revenir aux clients de Fonus, au moins une poignée d’entre eux est mécontente de ce qu’ils ont reçu. Il suffit de visiter les pages de Reddit qui lui sont consacrées pour le constater. Ça a évidemment attiré l’œil de blogueurs canadiens qui ont pensé ne faire qu’une bouchée (et quelques clics rapides) de ce service. Son service à la clientèle fait aussi défaut : parler à un agent après avoir commandé le produit relève du pur hasard. Le soutien sur le site est lui aussi minimaliste. Plusieurs voient dans ce service une «arnaque». Le fait que son site web soit tombé en panne, et que la page Facebook du service ne soit pas mise à jour très régulièrement n’aide en rien à susciter la confiance envers Fonus.

C’est assez typique de ces petites entreprises nées d’un financement en ligne à la Kickstarter, mais ça n’excuse rien. Ça n’aide pas la réputation de Fonus auprès du grand public, ni de ce qui semble être sa principale clientèle, à l’heure actuelle: les bidouilleurs branchés, les coupeurs de câble de sous-sol, et autres mobinautes prêts à tout pour sauver quelques sous, mais qui sont parfois parmi les premiers à s’indigner si une promesse n’est pas remplie en bonne et due forme selon les termes initiaux. Et même si d’autres sont ravis, après avoir téléchargé au-delà d’un téraoctet de données (!) en un mois, sans frais additionnels, les avis négatifs pèsent toujours sur la réputation du service.

Mais quand on promet la Lune et qu’on livre une simple météorite, c’est sûr qu’il y en a que ça froissera. Même si une météorite, ça fait une sacrée étoile filante…

Espérons d’ailleurs pour M. Tian et son équipe que Fonus ne fait pas que passer. Car on l’a essayé, et ça marche. On a inséré une de ses cartes SIM dans un Nexus 4 la semaine dernière, et depuis, on surfe la Toile sans WiFi et sans se soucier d’éventuels frais additionnels. On aurait aimé essayer ce service en Europe, mais le coronavirus a forcé l’annulation de la conférence prévue cette semaine à Barcelone, le fameux Mobile World Congress.

On devra donc patienter avant de tester Fonus en itinérance. Mais, et c’est là toute l’ironie de la chose, c’est surtout son fonctionnement au Canada qui nous inquiétait. Mais ça marche, avec un téléphone Android ou un iPhone. Pas d’iPad, ni de portable Windows avec fente pour carte SIM. En tout cas, pas pour le moment (un point d’accès WiFi créé à même son mobile règle ce détail, cela dit).

Et comme Fonus n’est pas un véritable MVNO, pas de forfait offert via les ondes aux appareils dotés d’une de ces nouvelles connexions eSIM non plus. Si l’entreprise arrive à livrer toutes les SIM promises, ce sera peut-être la prochaine étape dans sa croissance.

Si ça se produit, ce sera un rare cas où l’industrie canadienne du sans-fil aura fait un peu de place à un nouveau venu. Sinon, on reverra sans doute Simon Tian et sa bande avec un autre projet dans quelques années…

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