Apple Arcade, Google Stadia, Microsoft xCloud: où jouer en 2019?
Alain McKenna|Publié le 10 avril 2019Ça y est. Depuis le temps qu’on en parle, 2019 marque l’entrée officielle du jeu vidéo dans l’infonuagique. Ou, pour le dire autrement, les premières grandes plateformes de jeu sur demande et par abonnement se mettent en place, cette année. Une troisième fois, pour bien illustrer l’affaire: la «netflixisation» du jeu vidéo prend naissance ces jours-ci.
Parlant de Netflix, celle-ci s’est récemment mise à embaucher des experts du jeu vidéo, et la rumeur est persistante quant à son intérêt dans ce créneau. Ce qui signifie que, d’ici la fin de l’année, on risque de voir émerger un tout nouveau modèle d’affaires dans une industrie qui en aura grandement besoin, peu importe le sous-créneau examiné. Les titres AAA, les jeux mobiles, et tout ce qui existe entre les deux s’essouffle, dans des formules d’achats intégrés, des jeux semi-payants, et autres façons d’attirer les joueurs pour les faire payer ensuite.
Ce sera un marché âprement disputé. Dans un portrait des 15 marques les plus aimées sur la planète, on retrouve Xbox, PlayStation et Nintendo, en plus d’Apple, Netflix, Google et Amazon. Target, Coca-Cola, Samsung, Disney et d’autres noms complètent la liste. Ça fait quand même une grosse part au jeu vidéo!
Le joueur compulsif que j’étais (je ne joue pas souvent, mais quand je joue, je joue sans arrêt) est devenu un joueur plus qu’occasionnel, en raison de cette transformation de l’environnement de jeu en un environnement de harcèlement constant pour faire cracher toujours plus d’argent.
Je suis né à une époque où on payait une seule fois, où on n’avait que trois vies, et après quoi il fallait repartir de zéro. À mes yeux, ces environnements où les joueurs aux poches profondes peuvent avancer plus rapidement en allongeant les billets verts, par contraste, semblent encourager la tricherie. Peut-être qu’une formule par abonnement aura un effet bénéfique sur la façon dont les éditeurs conçoivent leurs futurs titres? C’est à souhaiter.
Project xCloud : la formule hybride de Microsoft
L’an dernier, Microsoft a levé le voile sur son projet xCloud, qui verra officiellement le jour plus tard cette année. L’idée : offrir un service de jeu à volonté pour sa console Xbox, pour PC et pour mobiles qui comprendra une centaine de titres exclusifs, et qui complétera son offre plus traditionnelle de jeux achetés à la pièce, ou chargés via son service en ligne Xbox Live.
Contrairement à ce que d’autres pensent. Microsoft voit encore de la croissance du côté du matériel (consoles et PC), en plus de la croissance du côté des jeux. Ça explique son approche hybride, manifestement inspirée de ce que le géant de Redmond fait déjà du côté de l’infonuagique pour entreprise, où sa plateforme Azure pousse elle aussi pour ce mélange de local et de distant.
Chez Microsoft, on prédit une croissance de 16 à 20 milliards $US dans les ventes de matériel dédié au jeu vidéo, d’ici 2022, et une croissance de 160 à 217 milliards $US pour les jeux et les services. C’est pourquoi on préfère jouer sur les deux tableaux.
«Il y aura toujours des joueurs qui veulent une expérience sur grand écran, via leur console. Mais il y en a d’autres qui voudront avancer dans les jeux en passant par leur téléphone, et on veut aussi rejoindre ces joueurs» résume Mike Nichols, directeur du marketing pour Xbox.
Pour M. Nichols, Microsoft est particulièrement bien placée pour prendre une place plus importante dans le secteur du jeu pour une raison simple : elle produit le matériel, elle possède sa propre plateforme, et elle est déjà détentrice de plusieurs titres fort appréciés des joueurs invétérés, dont Halo, Minecraft et Forza.
À Redmond, on ne voit qu’un rival crédible à son offre, et il est chinois. Il s’agit de Tencent. Quelqu’un quelque part chez Sony doit pleurer de rage…
Google Stadia : un petit je-ne-sais-quoi de montréalais
Google a profité de la Game Developers Conference, le mois dernier, pour dévoiler Stadia, et du même coup, présenter la nouvelle responsable de sa plateforme de jeu sur demande, une certaine Jade Raymond, qu’on connaît bien à Montréal. Ni Google Canada ni Ubisoft Montréal, l’ex-employeur de Mme Raymond, et un des premiers partenaires de la plateforme Stadia, ne veulent commenter publiquement le sujet, mais plusieurs membres du studio montréalais ont migré vers Google, dans la foulée de la création de cette nouvelle formule de jeu pour navigateur mobile.
Car, en trois mots, Google tente la quadrature du cercle, avec Stadia : offrir des titres AAA jouables via son navigateur Chrome, lequel se trouve sur à peu près toutes les plateformes imaginables, des Chromebook aux mobiles en passant par quelques téléviseurs connectés.
Sur scène, Google a d’ailleurs présenté une version d’Assassins Creed Odyssey qui pourrait être jouée à même son fureteur, dès le lancement du nouveau service. Comme pour ses concurrents, Stadia n’a pas encore indiqué combien coûtera son abonnement, mais parions qu’il pèsera fort sur cette capacité de présenter des jeux autrefois réservés à des consoles et des ordinateurs personnels sur des appareils beaucoup moins performants, sans trop de dégradation de l’expérience de jeu.
On a évidemment hâte de voir quel genre de bande passante et de latence (le délai dans l’action-réaction d’un réseau informatique) il faudra posséder pour que ça fonctionne adéquatement. On ne s’en fait pas trop côté technique, vu l’expertise regroupée autour du projet, qui témoigne du sérieux de Google dans la démarche.
Apple Arcade : une guerre de chiffres s’amorce
Apple n’a pas la réputation d’être un gros acteur du jeu vidéo. Pourtant, si on ne regarde que les chiffres, son écosystème représente le plus important bassin de joueurs, potentiels et actifs, parmi tous les noms établis.
Son insistance de mettre son iPhone en vitrine crée l’impression que la force d’Arcade, son propre service de jeux à volonté par abonnement qui sera lancé l’automne prochain, sera dans les jeux plus occasionnels («casual games»). Mais on pourrait être surpris, Apple ayant de bons amis du côté des éditeurs les plus influents du moment, dont Epic Games, créateur de Fortnite, entre autres.
Fruit d’une stratégie qui date de plusieurs années déjà, Apple Arcade pourrait s’avérer le jeu dans le proverbial jeu de quilles en misant fort sur l’Apple TV pour rivaliser avec la Xbox, peut-être, ou la Nintendo Switch. Imaginons un instant que Nintendo, qui s’est timidement ouverte aux plateformes mobiles, récemment, en déclinant les aventures de Mario sur iOS, puis Android, devienne un proche partenaire d’Apple dans l’aventure Arcade et on pourrait voir émerger un nouveau pôle fort crédible dans ce marché encore tout émergent.
Un marché émergent qui, ça semble évident, ne le restera pas longtemps. Reste à voir comment réagiront les éditeurs, et surtout, les joueurs, à mesure que les plateformes se mettent en place.
Avec un peu de chance, peut-être que les nouveaux jeux conçus pour ces plateformes seront assez bien ficelés pour raccrocher les joueurs nostalgiques d’une époque où on pouvait s’immerger dans un environnement virtuel, tout en laissant son portefeuille à la maison…
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