L’UE remporte ses combats contre Google et Apple
La Presse Canadienne|Mis à jour le 10 septembre 2024L'affaire avait suscité l'indignation d'Apple lors de son ouverture en 2016, le président et chef de la direction, Tim Cook, l'ayant qualifiée de «totale foutaise politique». (Photo: Matthias Schrader La Presse Canadienne)
Bruxelles — Google a perdu sa dernière tentative de faire annuler une sanction antitrust de l’Union européenne (UE), après que la Cour de justice de l’Union européenne lui a donné tort mardi dans une affaire qui s’accompagnait d’une amende salée et a lancé une ère de surveillance accrue des grandes entreprises technologiques.
La Cour de justice de l’Union européenne a rejeté l’appel de Google contre l’amende de 2,40 milliards d’euros (3,60 milliards de dollars) infligée par la Commission européenne, le principal organe de contrôle antitrust du bloc des 27 pays, pour avoir violé les règles antitrust avec son service de comparaison de prix.
Mardi également, Apple a perdu sa dernière tentative d’éviter de payer 13 milliards d’euros (19,50 milliards de dollars) d’arriérés fiscaux à l’Irlande, mettant un terme à un différend avec l’UE centré sur les accords de faveur que Dublin proposait pour attirer les entreprises multinationales avec des impôts minimes à payer dans l’ensemble des pays du bloc.
Les deux entreprises ont désormais épuisé leurs recours dans ces deux affaires qui remontent à plusieurs années. Ces décisions sont une victoire pour la commissaire européenne Margrethe Vestager, qui devrait quitter ses fonctions le mois prochain après 10 ans à la tête de la commission responsable de la concurrence.
Les experts ont déclaré que ces jugements illustrent à quel point les organismes de surveillance se sont enhardis au cours des années qui ont suivi l’ouverture des dossiers.
L’un des enseignements de la décision sur Apple est que «les autorités et les tribunaux de l’UE sont prêts à faire jouer leurs muscles (collectifs) pour mettre les Big Tech au pas si nécessaire», a affirmé par courriel Alex Haffner, associé en droit de la concurrence au sein du cabinet d’avocats Fladgate.
La décision de Google «reflète la confiance croissante avec laquelle les régulateurs de la concurrence du monde entier s’attaquent aux excès perçus des Big Tech», a dit Gareth Mills, associé au cabinet d’avocats Charles Russell Speechlys. La volonté du tribunal «de soutenir la logique juridique et le niveau de l’amende vont sans aucun doute encourager davantage les régulateurs de la concurrence».
L’amende sur les achats en ligne est l’une des trois sanctions antitrust infligées à Google par la commission, qui a puni le géant de la Silicon Valley en 2017 pour avoir dirigé injustement les visiteurs vers son propre service Google Shopping au détriment de ses concurrents.
«Nous sommes déçus de la décision de la Cour, qui porte sur un ensemble de faits très précis», a affirmé Google dans un bref communiqué.
L’entreprise a dit avoir apporté des modifications pour se conformer à la décision de la commission l’obligeant à traiter ses concurrents de manière égale. Elle a commencé à organiser des enchères pour les listes de recherche de magasinage pour lesquelles elle soumissionnerait aux côtés d’autres services de comparaison de prix.
«Notre approche fonctionne avec succès depuis plus de sept ans, générant des milliards de clics pour plus de 800 services de comparaison de prix», a fait savoir Google.
Le Bureau européen des unions de consommateurs a salué la décision du tribunal, affirmant qu’elle montre à quel point le droit de la concurrence du bloc «reste très pertinent» sur les marchés numériques.
Google fait toujours appel de ses deux autres affaires antitrust dans l’UE: une amende de 4,13 milliards d’euros (6,19 milliards $) en 2018 concernant son système d’exploitation Android et une sanction de 1,49 milliard d’euros (2,24 milliards $) en 2019 concernant sa plateforme publicitaire AdSense.
Seulement le début
L’UE a depuis ouvert davantage d’enquêtes sur les grandes entreprises technologiques et élaboré une nouvelle loi pour les empêcher de monopoliser les marchés en ligne, connue sous le nom de règlement sur les marchés numériques (DMA).
La commissaire européenne et vice-présidente exécutive Margrethe Vestager a déclaré que cette affaire était l’une des premières tentatives de réglementation d’une entreprise numérique et a inspiré des efforts similaires dans le monde entier.
«L’affaire était symbolique, car elle démontrait que même les entreprises technologiques les plus puissantes pouvaient être tenues responsables. Personne n’est au-dessus de la loi», a dit Mme Vestager lors d’un point de presse à Bruxelles.
Margrethe Vestager a déclaré que la commission continuerait d’ouvrir des affaires de concurrence tout en appliquant le DMA. Ce règlement oblige Google et d’autres géants de la technologie à offrir aux consommateurs plus de choix en suivant un ensemble de choses à faire et à ne pas faire.
Google subit également désormais des pressions sur ses activités lucratives de publicité numérique de la part de l’UE et de la Grande-Bretagne, qui mènent des enquêtes distinctes, et des États-Unis, où le département de la Justice poursuit l’entreprise devant un tribunal fédéral pour sa prétendue domination dans le domaine de la technologie publicitaire.
Apple a échoué dans sa dernière tentative d’éviter de rembourser ses impôts en Irlande mardi après que la Cour de justice a confirmé une décision d’un tribunal inférieur contre l’entreprise, dans le cadre d’un litige qui remonte à 2016.
Mme Vestager, qui a déclaré s’être préparée à la défaite, a salué cette victoire comme une victoire historique pour la «justice fiscale».
Il s’agit d’une victoire surprise pour la commission, qui a déjà ciblé Amazon, Starbucks et Fiat avec des décisions fiscales qui ont ensuite été annulées en appel. Ces mesures ont contribué aux efforts de l’UE de mettre fin aux accords de faveur qui permettent aux entreprises de payer peu ou pas d’impôts.
L’affaire avait suscité l’indignation d’Apple, son président et chef de la direction, Tim Cook, l’ayant qualifiée de «totale foutaise politique». Le président américain de l’époque, Donald Trump, avait fustigé Mme Vestager, qui avait mené la campagne pour éliminer les accords fiscaux spéciaux et sévir contre les grandes entreprises technologiques américaines, en la qualifiant de «dame des impôts» qui «déteste vraiment les États-Unis».
Raf Casert et Kelvin Chan. Kelvin Chan a contribué à cette dépêche depuis Londres.