La complexité de la chaîne de blocs, de la cryptographie, des protocoles informatiques, ne doit certainement pas servir de prétexte à l’investissement, en admettant que «cela doit sûrement être innovant puisque c’est compliqué». (Photo: 123RF)
LES CLÉS DE LA CRYPTO est une rubrique qui décode patiemment l’univers de la cryptomonnaie et ses secousses boursières, industrielles et médiatiques. François Remy se donne pour mission d’identifier les entrepreneurs prometteurs, de décoder les progrès techniques et d’anticiper les impacts industriel et sociétal de cette monnaie numérique.
LES CLÉS DE LA CRYPTO. Avant d’injecter une partie de ses économies personnelles ou même des capitaux de son entreprise dans un projet crypto, mieux vaut s’imposer une bonne vieille vérification diligente.
Nouvelles technologies, vieux principes? En quelque sorte, oui. L’une des règles d’or pour l’investisseur demeure inchangée, même si l’on évolue sur les marchés émergents des cryptomonnaies. Cette règle de précaution veut qu’on évite d’acheter un actif digital dont on ne comprend pas l’usage.
La complexité de la chaîne de blocs, de la cryptographie, des protocoles informatiques, ne doit certainement pas servir de prétexte à l’investissement, en admettant que «cela doit sûrement être innovant puisque c’est compliqué». Au contraire, cet aspect cryptique devrait plutôt éveiller des soupçons, car des personnes mal intentionnées n’hésiteront pas à capitaliser sur l’ignorance d’autrui.
Les Affaires évoquait la problématique la semaine dernière, certains rendements sur le marché crypto restant trop beaux pour être vrais. Inutile pour autant de crier à la fatalité, des techniques existent afin de se prémunir autant que possible de ces risques de placements.
Il ne faut pas forcément mener une thèse en programmation pour s’assurer de financer un projet de chaîne de blocs, mais s’imposer une certaine hygiène numérique, pour ne pas allonger les listes déjà kilométriques des victimes d’arnaques aux cryptomonnaies.
Identifier les responsables
Il convient d’emblée de vérifier le pedigree des développeurs ou des porteurs de projets. Un projet de cryptomonnaie dont les créateurs ou promoteurs sont anonymes envoie dès le départ un mauvais signal. L’équipe se doit d’inspirer confiance, de par son expérience technique, sa réputation, ses accomplissements.
À l’inverse, il est tout aussi indiqué de garder à l’esprit que la seule «respectabilité» de la personne qui a imaginé un nouveau système de finance décentralisée ne peut suffire à justifier l’investissement. Pour ne citer qu’un exemple, la «Reine de la crypto», vétérane des hautes sphères de l’industrie bancaire et de la consultance, a mis sur pied une fraude d’envergure internationale.
Enquête de fiabilité
L’investisseur s’improvisera ainsi officieusement enquêteur, pour tenter de jauger la fiabilité. Il n’est pas rare, dans les milliers de «révolutions» qui s’annoncent sur le web, de retrouver sur des sites des photos volées de façon aléatoire sur LinkedIn.
Cette fiabilité peut aussi s’estimer en quelque sorte à l’applaudimètre des réseaux sociaux. Sur Twitter, Telegram, Discord, Medium, GitHub, on peut se faire une idée plus précise de l’implication réelle (ou non) d’une communauté, de l’authenticité de cette communauté. Il s’agit de prendre le pouls sur le degré de satisfaction ou d’attente de groupes spécialisés ou même du grand public.
La place réservée aux critiques, aux débats et aux consensus dans les échanges entre les fondateurs, les développeurs, les membres et les internautes tiers sert par ailleurs de bon indicateur sur la qualité d’un projet. Des nuées de profils web qui chanteraient les louanges d’une crypto en chœur ne sont pas suffisamment convaincantes.
Aspects techniques
Une difficulté supplémentaire vient troubler l’analyse des investisseurs particuliers: la technicité. «La plupart de ces nouveaux protocoles informatiques ne sont pas auditables», nous expliquait dernièrement Louis Roy, associé leader national de l’audit et de la technologie de chaîne de blocs au bureau montréalais de Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT).
Un projet légitime tentera de se plier à des vérifications par des tiers de confiance. Car, en l’absence d’audit, le code peut certainement souffrir de faiblesses techniques qui pourraient être exploitées par des cybercriminels afin, entre autres, de détourner des fonds.
L’ironie du sort avec les audits, c’est que certains projets se vantent de s’être soumis à cet exercice et proposent le rapport en lecture sur leur site, mais les internautes ne se donnent pas la peine d’aller lire le document. Alors que ces audits avertissent parfois, pour ne pas dire souvent, sur les risques accrus d’y injecter de l’argent.
D’autres moyens existent encore comme analyser la «tokenomie» du projet :
1. Vérifier les mécanismes de distribution des cryptomonnaies:
- Est-ce que les créateurs se réservent-ils la plus grosse part du gâteau?
- Leurs jetons sont-ils bloqués un certain temps?
2. Tester le retrait d’argent à partir des interfaces du projet ou de la plateforme.
Du gros bon sens, en somme. Alors pour conclure, deux dernières leçons clés :
A. Ne pas investir avant d’avoir mené quelques recherches.
B. Ne pas mettre en jeu ce qu’on ne peut pas se permettre de perdre.
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